LE CAROLO UGLY BROTHER

chronique
Les thèmes des reality shows et autres star ac’ commençant à s’épuiser, les producteurs ont compris que, pour relancer l’intérêt des téléspectateurs, il fallait surenchérir dans le guignol en jouant la carte du sordide. Aux Pays-Bas, grâce au très raffiné Endemol (propriété notamment de Silvio Berlusconi), une cancéreuse en stade terminal trônant sur un plateau télé va choisir le bénéficiaire de son rein entre plusieurs candidats (applause !)
En Belgique, c’est la ville de Charleroi qui relève le gant. Lassés des quolibets et des lazzis, les dirigeants socialistes locaux ont longtemps cherché le moyen de redorer leur image auprès du public. Les inculpations n’ont en effet servi à rien, ni les contritions et autres excuses. Les élections communales pas davantage. Dans l’isoloir, les citoyens perdus devant ces listes décourageantes de noms et de sigles inconnus, poussent un grand soupir, haussent les épaules et cochent comme toujours le nom de leur seigneur (leur saigneur serait plus exact). Après ça, ledit roi, réélu pour la centième fois, fait semblant dans un grand geste de générosité de s’entourer de nouveaux bouffons. Mais, personne ne s’y trompe, le spectacle reste le même. Comment alors provoquer un électrochoc qui redonnerait à la population le goût de la politique ?
Une idée géniale vient de jaillir dans le cerveau fertile de certains de ces messieurs : un jeu, un show, le Carolo Ugly Brother. La démocratie ayant démontré son inutilité, place à la télé ! Un outil que le citoyen d’aujourd’hui comprend et manie bien mieux que le crayon électronique.
A l’occasion des élections, il s’agit (en principe) de choisir les meilleurs dirigeants. On a vu le résultat… Avec le jeu télé, plus d’hypocrisie : le gagnant est vraiment le dirigeant le plus affreux. C’est celui qui a commis le plus d’infractions qui accumule les points. Spéculation immobilière grâce à des renseignements d’initiés ou faux procès-verbaux du conseil communal, c’est pas mal mais insuffisant pour accéder aux demi-finales. L’achat de vins avec la caisse des habitations sociales, c’est mieux. Une caisse noire dans le dos du service troisième âge, c’est assez dégoûtant pour valoir une prime. L’argent des contribuables dépensé pour équiper des maisons de campagne, payer les frais de bouche et les voyages lointains des grands chefs, c’est classique mais vu le montant, cela mérite un coup de chapeau. Le financement d’une équipe sportive à Carcassonne, ça c’est beaucoup plus original. Pour ma part, je vote la qualification en finale de l’auteur de cette trouvaille. Mais on attend la suite avant de désigner le vainqueur. A Charleroi, on n’est jamais déçu. L’imagination est au pouvoir (de l’argent).

Alain Berenboom
www.berenboom.com