La vache qui rit

chronique
Des chercheurs anglais viennent de fabriquer un homme en mélangeant des cellules humaines avec celles d’une vache. Influence du thé au lait, dont les Anglais font grande consommation ? Dévotion envers l’animal sacré du plus grand pays de l’ex-Empire ? Ou vrai progrès pour l’humanité ? Le cardinal britannique O’Brien vitupère : c’est une « attaque monstrueuse contre les droits de l’homme. » Les députés catholiques anglais préparent une motion. Des ministres menacent de démissionner. N’allons pas trop vite, messieurs-dames. Ne faut-il pas d’abord réfléchir aux aspects positifs de ce cocktail scientifique ?
Depuis l’aube des temps, des visionnaires et des illuminés nous promettent un homme nouveau, dont ils prétendaient avoir le secret, mais toutes leurs tentatives sont restées en rade. L’histoire de l’humanité a prouvé que le mélange entre un homme et une femme accouchait d’un produit imparfait. L’idée des Frankenstein anglais n’est donc pas tout à fait folle. Le brassage a toujours réussi aux civilisations, plutôt que le repli identitaire. Les Grecs déjà avaient imaginé le croisement entre l’homme et le cheval mais, comme les centaures n’étaient pas des personnages très sympathiques, selon le grand Homère, oublions les chevaux. Pour améliorer notre civilisation, il existe de meilleurs amis des hommes : moutons, chats, canaris, poissons rouges. Améliorer notre civilisation ? Oui, cette nouvelle technique de clonage pourrait régler bien des problèmes de l’humanité. La crise pétrolière, le réchauffement climatique. L’homme-oiseau pourra se passer d’avion et d’auto. L’homme-mouton à l’épaisse toison ne gémira plus devant ses factures de mazout et d’électricité. Et qui se plaindra de passer le samedi après-midi à brouter le gazon des jardins ou des squares plutôt qu’à faire la queue aux caisses de Carrefour ? Peut-être que la science trouvera même le moyen d’améliorer la vie politique et le talent de ceux qui nous gouvernent grâce aux cellules de quelques animaux soigneusement choisis ?
Faudra évidemment être attentif à ne pas laisser les savants fous choisir n’importe quel bête : évitons l’éléphant car les frais dentaires des enfants provoqueraient la faillite des systèmes de sécurité sociale, le mille pattes à cause du budget chaussures et chaussettes, le cochon pour ne pas attiser les guerres de religion, les phoques et autres bêtes à fourrures qui risquent de ramener Brigitte Bardot à l’avant de l’actualité.
La vache ? Pourquoi pas ? Vaut mieux des êtres mi-hommes mi-vaches qui regardent passer les trains que des soi-disant humains qui les font sauter. Evidemment, il y aussi des vaches folles. Mais sont-elles vraiment pires que nous ?

Alain Berenboom
www.berenboom.com