ETRANGE NAPOLITAINE

chronique
Pendant qu’à Paris s’ouvre une Cité de l’Immigration, l’orage bleu se rabiboche par un accord sur l’immigration. Tonnerre de Brest ! Courrait-il un souffle frais sous les cieux d’Hortefeux et ceux de de Winter ?
Pas si vite ! Dans la France du talk show paillettes permanent, il ne s’est pas trouvé un seul porteur de serviettes de Nicolas 1er pour inaugurer le nouveau musée, même pas les quatre ministres de tutelle. Quant à l’accord péniblement accouché à Bruxelles au bout de plusieurs jours, il est avant tout motivé par le besoin pressant de main d’œuvre dans une Flandre vieillissante et en sur-emploi. Tant mieux pour les plombiers polonais, la nouvelle « green card » profitera avant tout à « nos amis » européens. Beaucoup moins aux ombres qui peuplent les centres fermés, ces prisons peuplés d’innocents qui ne bénéficient d’aucun régime de facilités quelle que soit la terre sur laquelle sont érigées leurs cellules. Comment ? J’ai mal lu ? Les familles avec enfants et les femmes enceintes pourront sortir du Centre 127 bis ? Passer les flics, les miradors et les barbelés ? Oui. Pour être « logés » …dans un nouveau centre « adapté à leurs besoins »… On imagine le décor : des flics, des miradors, des barbelés. Mais avec, en prime, un peu d’herbe et des vaches. Pour que, derrières leurs barreaux, les enfants bénéficient de lait frais. Merci qui?
Ne nous leurrons pas. L’immigration s’est toujours vécue dans des conditions pénibles. Même la glorieuse arrivée des travailleurs italiens dans l’immédiate après-guerre, dont nous avions tant besoin pour nos mines et nos industries, s’est faite entre deux haies de gendarmes et dans les baraquements qui servaient à loger les prisonniers de guerre allemands (voyez les ouvrages de A. Morelli et les documents de l’IHOES). Et le regroupement familial n’a longtemps été qu’un rêve. Mais, beaucoup de ces immigrés ont construit la Belgique (et la France, sans parler évidemment des Etats-Unis). Et l’on a souvent trouvé chez eux et leurs enfants un amour du pays (notamment pendant les années de guerre) parfois plus profond que celui de pas mal de braves gens « de souche ». L’étrange Napolitaine (chère à Pierre Dac et Francis Blanche) est devenue un grand-mère comblée et fière de ses petits-enfants. Elle n’est pas la dernière à dérouler le drapeau tricolore même si elle a gardé l’amour de sa terre d’origine. On peut aimer la Belgique et l’Italie, le Maroc ou la Pologne. Mieux vaut trop d’amour pour plusieurs cultures que pas d’amour pour soi-même. Ou, comme le dit encore Pierre Dac (lui-même excellent fils d’immigré) : « Quand nous saurons une bonne fois d’où nous venons et où nous allons, nous pourrons alors savoir où nous en sommes ».

Alain Berenboom
www.berenboom.com