OFFRE D’EMPLOI

Un vent favorable a emmené sur notre bureau cette lettre adressée confidentiellement il y a deux jours par Dominique Strauss-Kahn à Bart De Wever.

 

« Cher Monsieur,

 

De mauvais esprits ont saboté la poursuite de ma carrière en France. Vous avez sans doute appris ma mauvaise fortune. Mon avenir étant définitivement  aussi prometteur que celui de mon camarade Michel Rocard, j’ai songé à entamer une nouvelle vie en Belgique.

Dois-je vous rappeler mes titres et qualités ? J’ai été ministre des finances en France, patron du FMI aux Etats Unis, ce qui m’a emmené à me promener dans le monde entier, les déplacements vers les contrées exotiques ne me font pas peur.

De plus, j’ai compris que votre pays n’a pas encore trouvé mon équivalent –si je puis le souligner modestement- le surhomme capable non pas tellement de redresser les finances publiques mais surtout de vendre les mesures d’austérité nécessaires à la population.

Faut-il encore le prouver ? Mes capacités de communicant sont incontestables et je crois inégalées. Où que je passe et quoique je fasse, mes actions sont plus médiatisées que même la naissance du bébé de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni. Y a-t-il un autre personnage dans l’Histoire dont on a raconté mondialement et pendant des mois dix bêtes minutes de tête à tête avec une femme de chambre guinéenne –un malentendu ?

C’est dire combien vont être populaires mes tête à tête avec votre futur premier ministre, Elio Di Rupo. C’est pourquoi je vous propose d’appuyer ma candidature au poste de ministre président de Flandre. (Ce titre magnifiquement ronflant correspond parfaitement à mon tempérament schizophrène et je suis sûr que ma femme appréciera, ce qui est pour moi l’essentiel).

Le seul hic de l’histoire, comme disait le capitaine Haddock (vous voyez ! Je connais déjà vos classiques !), c’est le néerlandais. On me reconnaît le don des langues mais, de là à la parler aussi bien que M. Di Rupo, pardon, je veux dire que M. Kris Peeters, il y a un pas. Mais plus ça va, plus j’apprends vite. J’ai assimilé l’anglais en quelques années, le guinéen en quelques minutes.

Or, dans une interview que vous venez d’accorder à Humo, je lis que votre femme à journée nigériane parle mieux le néerlandais que votre futur premier ministre.

N’y a-t-il pas là matière à un excellent deal entre nous, cher M. De Wever. Un deal win-win comme vous les aimez ? Pour aller droit au but, comme j’aime, vous me filez votre Nigériane, là tout de suite, et moi, je mets mes compétences et mon carnet d’adresses internationales à la disposition de votre belle région.

Avec ma force de frappe, vous pouvez compter sur moi pour que votre pays explose en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

 

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DICO 2011

A défaut d’idées, on se bat de nos jours à coups de mots.

La gauche molle contre la gauche forte. Sous Mitterand, les lampions éteints, le pouvoir socialiste avait proclamé venu le temps de la gauche réaliste, ce qui signifiait le super-libéralisme en bretelles rouges ! A quoi ressemblera la gauche espérance que promet François Hollande ? Vu l’état du fond de caisse, on peut soupçonner qu’elle restera un simple jeu de mots.

Et la gauche belge sous Di Rupo, coincée entre libéraux et CD&V, qui clament à haute voix les mots que leur souffle discrètement la N-VA ? Risque-t-on de l’appeler la gauche-droite-malgré-la-tempête ?

Les mots ne veulent décidément plus dire grand-chose. Comparez les mots de bienvenue prononcés par le président Sarkozy à son invité, «le « Guide » Kadhafi, et les mots d’adieu à l’annonce de sa mort.

Ce double langage, cette démocratie à géométrie variable, les « indignés » les dénoncent depuis quelques mois.

Les « indignés », une dénomination qui rappelle les enragés de jadis, contestataires,  révolutionnaires, prêts à renverser l’ordre établi. A l’image des courageux Syriens, Tunisiens, Iraniens descendus dans la rue pour renverser par la parole leurs dictateurs.

Mais nos indignés à nous ? Même Obama et Merkel les trouvent formidables. C’est sans doute le signe qu’au-delà de leurs mots, très justes, on n’entend pas l’écho d’un message alternatif. Un sympathique geste « citoyen » pour utiliser encore un mot devenu aussi exsangue que l’adjectif « bio ».

Remarquez qu’il y a des mots qui disparaissent du paysage médiatique : altermondialistes, par exemple. Que sont-ils devenus ces contestataires qui ont ébranlé la planète il y a dix ans ?  Ministres, banquiers, boutiquiers ?

Preuve que les mots ne signifient plus rien et que les idées ont coulé dans du béton frais, ce titre dans le supplément design du dernier numéro de Victoire. « Devoir de mémoire » au-dessus d’une page présentant la réédition la chaise longue d’une architecte française du siècle passé, Charlotte Perriand.

Emprunter cette expression qui désigne les pires événements du vingtième siècle pour vendre des chaises n’a-t-il pas paru choquant ? La banalisation des mots est le premier pas vers l’effacement de la mémoire et de l’histoire. Et le « devoir de mémoire », il est vrai, bien mis à mal ces derniers temps. Qu’en restera-t-il si on l’utilise pour une pub ? Le plus piquant, c’est que l’architecte en question n’a pas hésité à travailler pour le ministère japonais du commerce et de l’industrie. Et alors, me direz-vous ? C’était pour le Japon impérial et fasciste entre 1940 et 1942…

Je tremble déjà à l’idée du prochain mot branché de cet hiver…

 

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QUEL BELLA COMBINAZIONE !

Amaï, les amis ! Quelle semaine !

D’abord la nationalisation d’une des deux dernières grandes banques (soi-disant) belges. En un week-end, le très libéral ministre belge des finances et son très modéré premier ministre ont fait ce que le parti communiste français a réclamé vainement pendant plus de cinquante ans…

Coupant l’herbe sous le pied du P.T.B. et de ses chapelletjes.

Quelqu’un a-t-il vu passer le communiqué de félicitations de monsieur d’Orazio au camarade Reynders ?

Et la lettre affolée de l’O.C.D.E. demandant à Mr Leterme si la nationalisation de la Dexia est le modèle des mesures qu’il compte imposer aux états désormais sous sa férule ? Ils ne savaient donc pas à l’O.C.D.E. qu’avec Leterme, c’est tous les jours rock and roll ?

D’accord, chez nous, on ne nationalise que les entreprises en perdition, le temps de trouver le fossoyeur qui va les enterrer. Mr Mittal, une fois ses actuelles petites affaires liquidées, pourrait peut-être s’intéresser à notre Nouveau Crédit Communal-Le Retour ? Le nettoyage des locaux par le vide devrait être dans ses cordes…

Dans la foulée, le successeur de notre éternel premier démissionnaire annonce la sixième réforme de l’état. His-to-rique ?

Disons que cette réforme est à l’image d’Elio Di Rupo devant les micros flamands : laborieuse, un peu schieve, pas souvent compréhensible mais courageuse et de toute façon inévitable.

La « note » du formateur remodelant le pays fait penser à la décision du garagiste qui décide de démonter le moteur en vous disant : comme votre bagnole est fichue, je vous propose un dernier truc. On va mettre les boulons dans un autre ordre et on verra bien si votre tacot veut encore démarrer.

En tout cas les deux événements auront fait au moins un heureux, Jean-Luc Dehaene, débarrassé en même temps de ces scrogneugneu de Français qui l’empêchaient de gérer en chef Dexia et d’une ènième mission royale de la dernière chance pour scinder B.H.V.

A ce sujet, que pense-t-il de l’accord qui vient d’être réalisé (et que lui n’avait pas réussi à nouer) ?

Si on l’interroge, peut-être va-t-il citer cette réflexion très belge de Sigmund Freud (que son papa, qui était psychiatre, a dû lui apprendre): « Faute de pouvoir voir clair, nous voulons à tout le moins voir clairement les obscurités. »

Quant à la bande des huit, elle a aussi des raisons d’être satisfaite des bazars qu’elle a réussi à nouer. Comme le chantait jadis Tohama : « Ah ! Qué bella combinazione ! Yé mé donne, Tou mé redonnes. Mon amour, comment résister ? Jé bouillonne. Eteignons l’électricité ».

Elio au pouvoir, ça nous promet plus de paillettes que Leterme d’Ypres. Et des néons dont notre pays a bien besoin pour retrouver un peu de lustre…

 

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LES BONS CONTES FONT LES BONS AMIS

Adieu veau, vache, cochon, couvée. La grenouille qui voulait se faire aussi grosse qu’un bœuf. Le loup et l’Agneau. Maître Corbeau sur un arbre perché…

On ne sait trop quelle fable résume le mieux les mésaventures de Dexia (et des autres banques belges). Mais une chose est sûre : les bons contes font les bons amis.

Si les grosses huiles de Dexia et compagnie avaient lu La Fontaine au lieu de la page bourse du Financial Times (à l’affût de l’article dressant leur portrait. Promis ! Juré ! avait assuré leur attachée de presse), ils n’en seraient pas là.

Et cette idée aussi de confier à l’époque le management d’une banque à un type qui s’appelle Pierre Richard ! Puis de s’étonner que le bazar tourne à la catastrophe !

Non seulement, ces gens n’ont jamais ouvert un livre mais ils ne vont même pas au cinéma ! Et l’on se demande pourquoi ils se comportent comme des manches ? Faut sortir un peu de B.H.V., monsieur le président Dehaene ! Et pas seulement l’argent de votre commune des caisses de Dexia !

Tous ces braves gens sont passés à côté de la vraie vie, celle qui est racontée par les romans et les films. C’est la fiction qui fait tourner le monde, pas les tableaux Exell. Ecoutez les conteurs, messieurs-dames les banquiers, si vous entendez que vos comptes surnagent !

Tout, dans cette affaire Dexia, rassemble les éléments qui font les belles histoires, celles qu’on raconte aux enfants avant de s’endormir pour leur apprendre les valeurs qui doivent guider leur vie : des dirigeants arrogants, finalement leurrés comme n’importe quel bête déposant par des promesses fallacieuses; un paquet de fric qui n’a pas plus de consistance qu’un morceau de beurre au soleil.

N’oublions pas d’y ajouter des gouvernants publics ridicules (qui détenaient le contrôle du capital), systématiquement dépassés par les événements, mais essayant de jouer aux pompiers maintenant que la baraque a complètement carbonisé alors qu’ils se contentaient de compter leurs sous-sous lorsque l’incendie s’allumait sous leurs yeux.

Leur comportement rappelle une autre fable célèbre, Le Coche et la Mouche : une mouche pique les chevaux qui peinent à tirer une charrette embourbée puis s’écrie :

« J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine./ ça, messieurs, payez-moi de ma peine ».

Inutile d’ajouter que, quels que soient le gâchis, les sommes englouties, les acquisitions périlleuses, les décisions boiteuses, personne ne sera coupable de rien.

« Selon que vous serez puissants ou misérables/ les jugements de Cour vous rendront blancs ou noirs » conclut La Fontaine dans « Les animaux malades de la Peste » où il énonce ce constat bien contemporain : « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés. »

 

 

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BELGIAN SOAP OPERA

Ces interminables négociations gouvernementales, quel superbe feuilleton ! Et quelle magnifique source d’inspiration pour nos scénaristes, trop souvent en panne de sujets belges contemporains !

Dans le premier épisode, on a découvert deux grandes stars, Elio di Rupo et Bart De Wever, tout juste sortis des élections. Tous deux, ivres –et un peu surpris- de l’importance de leurs victoires, annoncent de grands projets : ils vont construire à deux une Belgique nouvelle, plus haute, plus ambitieuse que tout ce qu’ont bâti leurs prédécesseurs. Une tour de Babel où monteront ensemble ceux qui babelent en français et ceux qui babelent en néerlandais. Cet épisode s’intitulait : si tu ne vas pas à la montagne, la montagne ira à toi.

Mais les deux architectes n’ayant jamais réussi à décider lequel des deux jouerait le rôle de la montagne, celle-ci a accouché d’une souris. Et le pays est resté plus plat que jamais. La tour de Babel s’est écroulée avant même d’avoir été bâtie. Au lieu de construire une montagne, nos héros n’ont jamais réussi à sortir des fondations, comme des soldats coincés dans les tranchées. Fin de l’épisode de la montagne.

La saison 2 fut celui du long hiver. Plongés dans un sommeil aussi profond que celui de l’ours dans sa grotte, les protagonistes ne se réveillaient que lorsque s’allumaient spots et caméras. Alors, ils sortaient un instant de leur torpeur et nous faisaient un petit numéro qui semblait inspiré par la chute de l’empire romain. Mais les acteurs avaient beau annoncer d’une voix pompeuse l’éclatement de l’empire, l’arrivée des barbares dévastant tout sur leur passage, un tremblement de terre coupant le pays en deux, le film semblait trop médiocre pour intéresser les spectateurs. Les plébéiens préféraient traverser la capitale en réclamant un empereur, du pain et des jeux, ainsi qu’un meilleur scénario ! Les grands monologues des vedettes ne faisaient peur à personne, les effets spéciaux étaient trop « cheap » pour secouer la salle, et, comme le metteur en scène était aux abonnés absents, les acteurs jouaient chacun de leur côté.

Après l’ennui de l’épisode 2, les producteurs ont essayé de relancer le feuilleton en misant cette fois sur la comédie. Elio et Bart étaient priés de s’inspirer des recettes qui avaient fait le succès de Stan Laurel et Oliver Hardy jadis. Elio et Bart, le maigre et le gros. Pourquoi pas ?  On a même eu droit à la célèbre scène où les personnages s’envoient des tartes à la crème. Mais, hélas, la recette a fait long feu. Et, quoique pensent trop de producteurs, les remakes ne garantissent pas toujours le succès. Le duo francophone-flamand n’a jamais réussi à retrouver la magie de l’équipe composée de Stan l’Anglais et Oliver l’Américain.

Se rendant compte qu’ils ne parviendraient jamais à vendre de nouveaux épisodes du feuilleton s’ils ne prenaient pas de mesures radicales, les producteurs ont alors décidé de changer le casting et le script. Résultat, la saison 4. Bart, le méchant des premiers épisodes, a été renvoyé. Et remplacé par un autre comique, Wouter, aussi silencieux, travailleur et plein de bonne volonté maladroite que Buster Keaton, le grand burlesque, l’homme qui ne riait jamais.

Cette fois, le nouvel épisode a démarré sur les chapeaux de roue. Dans la première scène, les héros font sauter BHV aussi facilement et aussi spectaculairement que Buster Keaton détruit des trains à coup de canon dans « The General ». Mais hélas, les scénaristes avaient présumé de leurs forces.

A vouloir à tout prix renouer avec le succès, ils avaient négligé cette règle essentielle de toutes les bonnes comédies. Chaque mouvement, chaque scène, doivent avoir été écrits dans les moindres détails, répétés avant que la caméra ne se mette en marche, chaque acteur doit avoir repéré où il se place exactement et à qui il donne la réplique. Et surtout, on ne se fie jamais à l’improvisation.

Pour avoir oublié ces règles élémentaires, le feuilleton a paru à nouveau basculer vers la catastrophe. A moins que cette dramatisation n’ait été voulue par le scénariste, qui a fait preuve alors d’une subtilité diabolique.

J’ai tendance à penser que c’est la meilleure explication car déjà on projette la bande annonce de la suite : l’or de la banque nationale a disparu.

Tremble, Hollywood ! Elio et ses amis partent à ta conquête !

 

 

Alain Berenboom

CHACUN CHERCHE SON CHAT

Avec le recul, je regrette d’avoir, comme étudiant, tant négligé physique et chimie. Depuis, je ne cesse d’être fasciné par les théories scientifiques qui me paraissent d’autant plus fantastiques (et fantaisistes) que je ne les comprends pas. Le big bang, la théorie des cordes, et ma préférée, la théorie des quanta. A laquelle je voue un culte tout particulier grâce au célèbre paradoxe du chat.

Pour ceux qui ne s’en souviennent pas, cette belle histoire a été imaginée en 1935 par le physicien Erwin Schrödinger pour expliquer mais aussi interroger la physique quantique toute jeune à l’époque (elle servait aussi à amuser ses étudiants car essayez de faire comprendre cette fichue théorie à une bande de gamins plus intéressés par leur hormones que par les mystères des échanges d’énergie non sexuelles et le rayonnement électromagnétique du corps noir).

Schrödinger proposait d’enfermer un chat dans une pièce dans laquelle un interrupteur provoquait, au-delà d’un certain seuil de radiations atomiques, la chute d’un marteau qui cassait une fiole contenant un gaz mortel. (Ce n’est pas un hasard qu’un savant autrichien mais anti-nazi utilise, peut-être inconsciemment,  quelques obsessions de l’époque…)

Pour un esprit rationnel, le pauvre chat se retrouvera vite dans le même état que les victimes des nazis six ans plus tard. Mais, la logique de la théorie quantique n’est pas la même que celle d’un quidam sans imagination. D’après Schrödinger, tant que l’observateur n’a pas ouvert la porte, le chat se trouve entre deux états, vivant et mort à la fois. Idée qui a suscité de nombreux commentaires. Certains soutiennent que le chat est mort dans un monde mais toujours vivant dans une dimension parallèle. D’autres que l’état du chat dépend de l’opinion de l’observateur qui le verra vivant ou mort, selon ce qu’il croit.

Ce long détour pour mieux comprendre les déclarations  politiques contradictoires à propos des conséquences des accords conclus sous la houlette d’Elio Di Rupo.

A entendre les francophones, Wallons et Bruxellois ont obtenu de très sérieux avantages. Alors que les Flamands prétendent que la plupart de leurs revendications ont été satisfaites et qu’ils ont réussi à arracher au forceps ce que De Wever réclamait à corps et à cri. Faut-il s’écrier, comme jadis le président de la commission Dutroux : l’un de vous ment ?

Pas du tout. Le paradoxe du chat explique que tout le monde a raison : politiciens du nord comme du sud disent la vérité mais dans des dimensions différentes. Et à des observateurs qui entendent ce qu’ils veulent bien. Magie ? Non. Simple application de la théorie quantique. N’oublions pas que M. Di Rupo est docteur en sciences…

 

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SCREENING

Une fois de plus, l’église de Belgique a mis dans l’Emile comme disait Pierre Dac. Pour éviter l’arrivée de nouveaux moutons noirs, attirés par les possibilités qu’offre le boulot de prêtre pour qui aime les enfants, elle a décidé de soumettre les futurs candidats à la prêtrise à un « screening ».  (Remarquez au passage l’abandon par Mgr Léonard du latin de cuisine au profit de ce sabir international qu’on dit vaguement inspiré de l’anglais. Vaguement puisque, malheureuse coïncidence, l’utilisation du verbe « to screen » semble être un acte manqué : il signifie aussi « cacher, masquer » …)

D’après ce que j’ai compris, il s’agit de confier ces malheureux à un contrôle psychologique dès le début de leurs études puis de leur faire subir un « suivi permanent ». « L’Eglise doit mieux protéger les enfants » a déclaré le boss de Malines-Bruxelles toujours plein de bon sens et de compassion.

Hélas, la méthode risque de faire des dégâts. Je ne suis pas certain que beaucoup de ces jeunes étudiants sortiront indemnes de plusieurs années sous « monitoring » constant par des psychologues, dont la santé mentale n’a jamais été elle-même « screenée » – pas plus que celle des vieux prêtres chargés de les former.

Suis-je trop sourcilleux ? C’est vrai. A force de critiquer, la civilisation n’avancera jamais. Prenons donc pour hypothèse que le « screening » à la Léonard est le remède-miracle aux terribles maux de l’église.

Interrogé par « Vers l’Avenir » un chanoine trouve l’idée si bonne que, selon lui « les futurs instituteurs, infirmiers, maîtres de sport devraient aussi être screenés ».

Et pourquoi pas les hommes politiques ?

Plus question d’inscrire un étudiant en sciences politiques sans qu’il ait rempli un formulaire de screening. Interdiction aux partis d’accepter l’adhésion d’un nouveau membre qui refuserait de se laisser « screener » tout au long de sa carrière, du bas de l’échelle, lorsqu’il n’est que militant colleur d’affiches jusqu’au sommet lorsqu’il caracole en tête de liste, ministre, président, commissaire européen, que sais-je encore ?

Vous rendez-vous compte du temps qu’on aurait gagné si, au hasard, Bart de Wever, Michel Daerden, Pieter Rambo De Crem avaient été screenés ? On n’aurait eu que des dirigeants normaux et raisonnables, rien que des Yves Leterme ou des Philippe Moureaux…

Freud ! Réveille-toi, ils sont devenus fous !

Le pire eut été en Italie : jamais le petit Silvio ne serait devenu le Bunga-Bunga Berlusconi.  Comme on les connaît, les psychologues auraient affirmé après quelques séances de « screenage » qu’il est incapable de jamais diriger le pays. Ils lui auraient sans doute conseillé de choisir une autre carrière. Prêtre, par exemple.

 

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LA CHARIA : VERSION BHL OU BHV ?

Qui ne se réjouira d’entendre dans son premier discours à Tripoli, le président du Conseil national de transition libyen remettre enfin l’église au milieu du village ou plutôt le muezzin au sommet de son phare ?

« L’islam sera la principale source de la législation dans la nouvelle Libye », a déclaré le président Abdeljalil  devant des milliers de Libyens réunis sur la Place des martyrs.

Ouf ! On en avait assez de voir déferler sur toutes les télévisions occidentales ces jeunes gens imberbes et ces jeunes filles en mini-jupes, têtes nues (et le reste pas très caché), proclamant leur bonheur d’être libres et aspirant à vivre comme nous. Droits de l’Homme, égalité hommes-femmes et autres gadgets ? Taratata ! Qui pense qu’on est en Libye pour rigoler ?

Les contrats pétroliers seront peut-être soumis à la loi du pays le plus offrant. Mais pour la population indigène, une seule loi, la charia !

La Cour européenne des droits de l’homme a beau avoir remarqué dans un arrêt de 2001 que « les déclarations qui contiennent des références explicites à l’instauration de la Charia sont difficilement compatibles avec les principes fondamentaux de la démocratie, tels qu’ils résultent de la Convention européenne des droits de l’homme » et qu’il est « difficile à la fois de se déclarer respectueux de la démocratie et des droits de l’homme et de soutenir un régime fondé sur la Charia, qui se démarque nettement des valeurs de la Convention », la Libye, que je sache, n’est pas liée par la Convention européenne des droits de l’homme.

Les pays qui se sont empressés de « protéger » la population libyenne et les révolutionnaires à présent au pouvoir, si, remarquez. Ils ont bonne mine.

On ajoutera qu’une fois la charia instaurée (ou plutôt rétablie car le précédent dictateur l’avait déjà proclamée), vaut mieux que Bernard Henri-Lévy rencontre ses « amis » du CNT au bar de l’hôtel Lutetia…

Reste aux Occidentaux, pour ne pas perdre la face, à envoyer auprès des nouveaux boss libyens un négociateur-inspirateur-démineur capable de faire croire aux uns que la loi islamique est proclamée et aux autres que c’est la démocratie qui règne désormais au pays du Guide suprême. Ca tombe bien, les complications institutionnelles et réciproquement le contraire, c’est notre spécialité. Dans le lot, on a justement un spécialiste sous la main dont on  ne sait plus que faire. Yves Leterme. Cinq minutes de courage politique et la charia libyenne ressemblera à la constitution belge comme deux gouttes d’eau. En appliquant le mécanisme de BHV mis au point par Elio Di Rupo, réécrit par Wouter Beke et expliqué par Charles Michel, les Libyens pourront faire passer une burqa pour un monokini et une fatwa pour une gaufre de Liège.

 

 

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LA SOLITUDE DU CHRONIQUEUR DE FOND

Cette semaine, côté chroniqueur, ça ne rime pas mais ça rame. J’ai tourné ma plume sept fois autour de la page vierge sans parvenir à la poser. Fumée noire ou fumée blanche ? Chaque jour, chaque heure, l’oreille collée au transistor, j’ai tenté de suivre l’humeur sans cesse changeante des négociateurs octogonaux, incapable de subodorer l’issue du conclave. Elio 1er sera-t-il sacré pape ou renvoyé dans son archevêché perdu ? Est-ce un signe ? Cette semaine sort justement sur les écrans « Habemus papam » le nouveau film de Nanni Moretti. Mais, peut-on se fier à la fiction ?

La météo des discussions semble aussi variable et imprévisible que les scores des Diables rouges. « On a fait quelques progrès mais faut encore beaucoup travailler » déclare Georges Leekens. De quoi parle-t-il ?

Les visages des participants ne nous éclairent pas davantage. On a beau les guetter. Essayer de gratter le petit sourire figé qu’ils tirent pour la photo, bonne chance pour deviner le nom de  celui qui décrochera la floche à l’instant où s’arrêtera le carrousel. Elio Di Rupo ? Charles Michel ? Wouter Beke ? Ou le Formateur devra-t-il céder la main au Dépeceur, Bart De Wever ?

Devant les caméras, le plus expressif est Jean-Michel Javaux. Mais, est-ce la note du Formatorissimo qui lui donne cet air farouchement grognon ou la publication d’une vieille dépêche de l’ambassadeur des Etats-Unis, racontant leur entretien, soigneusement re-mitonnée dans les arrières-cuisines du P.T.B. avec l’aide, pour arroser le tout de vinaigre, du maître queux Josy Dubié ?

Quant au sourire de Joëlle Milquet, on l’attribuera à l’haleine radicale du sanglier bastognard, enfin rentré dans l’enclos, plutôt qu’à la scission de B.H.V.

Depuis le temps qu’on les paye pour nous gouverner, on est tenté de dire aux principaux dirigeants du pays, « Assez ! Vous êtes usés ! Laissez la place à une nouvelle génération, plus fraîche, plus souple, plus imaginative, bande de vieux croûtons ! »

Sauf que cette nouvelle génération, justement, c’est eux ! Charles Michel a trente-six ans comme Caroline Genez et Wouter Beke trente-sept. Pourtant, on a l’impression qu’ils sont déjà blanchis sous le harnais. Amortis. Vidés. Au point que la présidente du sp.a est à la veille de prendre sa pré-pré-retraite, suivant de peu l’égérie du C.D.&V., Inge Vervotte (trente-cinq ans). Qui nous a fabriqué ces baby politiques plus fragiles que le Val Saint Lambert ?

A tous ces jeunes vieux, qui ont peur de leur ombre, on a envie de rappeler la devise d’un premier ministre socialiste de jadis, Achille Van Acker : « J’agis d’abord, je réfléchis ensuite ! »

 

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RENTREE SCOLAIRE OU RENTREE POLAIRE ?

Il y a quelque chose de rassurant dans le retour des embouteillages du matin (et du midi et du soir) : l’impression que la vie continue comme avant, paisible et immobile, que tout le monde ou presque peut toujours se payer une auto, un chapeau et le carburant, et que tout roule : feux rouges, commerce, flics, pub, internet et enseignes au néon. Bref, que la crise n’existe pas. On ne tire pas dans les rues, on ne brûle pas les bagnoles. On a l’eau, le gaz et l’électricité, sans coupures, les écoles sont ouvertes. Tout va bien. Dormez ou plutôt roulez, braves gens. La crise ? Quelle crise ?

A se demander même si les énormes chantiers qui ont bloqué une grande partie des routes et des villes durant l’été n’ont pas été décidés juste pour éviter aux citoyens le vertige, la peur du vide devant une trop grande fluidité. On grogne quand la circulation est à l’arrêt mais si l’on se retrouvait seul devant un grand boulevard entièrement dégagé, quelle panique à bord !

Dans la file qui avance au pas, on s’accroche à son volant en se disant, ouf ! On n’est ni à Tripoli, ni à Damas ou à Athènes, ni à Fukushima ou aux Etats-Unis étouffant dans les bras de la fougueuse Irène. Même pas à Londres qui s’enflamme ni dans l’Espagne qui se fissure. Tout juste à Bruxelles, au milieu d’un gigantesque embouteillage. Quelle chance on a !

Mais tout ça n’est qu’apparence. On a beau prendre des précautions pour masquer la réalité et farder les comédiens qui nous dirigent. Insensiblement, le changement s’annonce au bout de la rue. D’abord, on va finir par nous annoncer que tout a un terme, même les affaires courantes, puis l’indexation automatique des salaires, le chômage pépère, les francophones campant en citadelle dans la périphérie et la vie de cocagne.

Tout s’en va. En quelques jours, on a perdu Kadhafi et Joëlle Milquet. C’est un signe. Remarquez que, depuis un an, on a gagné de nouveaux chefs, Bart De Wever, Wouter Beke et Charles Michel. Du sang neuf pour les défis qui nous attendent ?

Avec Bart De Wever, la Flandre n’a plus rien à craindre des centrales nucléaires pourries de l’empire levant : si le nuage atomique se profile à l’horizon, d’un coup de gueule, il le repoussera sur la Wallonie. Wouter Beke devra apprendre de ses aînés l’art magique de la contorsion s’il veut figurer parmi les artistes du Cirque Belgique.

Quant à Charles Michel, il a attendu que sa barbe soit aussi longue que celle de Paul Magnette pour passer aux choses sérieuses : négocier avec Didier Reynders et Olivier Maingain.

Je me demande si le sort de Kadhafi n’est pas plus enviable. Et même celui de Joëlle Milquet…

 

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