AND THE WINNER IS…

A l’heure des bilans, à qui va la palme du meilleur concert de l’année ? Bashung, Léonard Cohen ? Non, sans hésitation, à un troisième homme, de la même génération, Raymond van het Groenewoud, pour son extraordinaire prestation à Flagey ce 16 décembre.
Raymond wie ?
Cela fait plus de trente-cinq ans que les francophones de notre petit pays sont passés à côté de cette énorme vedette flamande, rockeur sarcastique et bondissant, qui fait hurler sa guitare en se moquant de tous les travers des Flamands et de la Flandre (écoutez son décapant « Vlaanderen boven »), gesticulant en scène plus follement que Mick Jagger. Une espèce de Guy Bedos revu par Loo Reed et accompagné par les Stones.
« Oué, mais il chante en flamand votre Raymond machin-là ? »
Même qu’il a démontré que le rock en flamand est aussi électrique qu’en anglais et que les chanteurs du nord n’ont pas besoin, comme ils le font à peu près tous aujourd’hui, de se fondre dans cette espèce d’idiome international, vaguement inspiré de l’english pour se perdre dans une soi-disant couleur internationale.
« D’accord mais moi, je ne comprends pas le flamand; comment voulez-vous que j’écoute votre Raymond ? »
Que je sache, Paolo Conte, Kusturica et son No smoking groupe ou Cesaria Evora ne chantent pas en français des Marolles ni en wallon de Verviers. Pourtant, on s’arrache leurs disques à Bruxelles comme à Arlon et leurs concerts sont sold out.
Fallait voir, sur la grande scène du studio 5, ce petit lutin squelettique, revêtu d’un uniforme d’officier d’opérette allumer la belle salle art déco, soutenu par un orchestre qui déménage, tout en faisant les mariolles. Cerise sur le gâteau, Jan Decleir, l’Orson Welles du cinéma belge, soi-même, déclamant de sa belle voix profonde en duo avec Raymond, faisant le fou, quelques-uns de ses textes, pendant que se déchaînaient guitares et drums. L’entendre notamment dans une version destroy et flamandisé de Je veux de l’Amour de Charlebois, complètement délirante.
Il est d’autant plus incompréhensible que le public francophone connaisse si mal van het Groenewoud que la BO du film Brussels by Night est signée de monsieur Raymond et qu’elle contribuait beaucoup à l’ambiance du très beau film de Marc Didden (disponible en DVD, édité par la Cinémathèque de Belgique).
Nous nous plaignons d’être incapables de parler flamand malgré des années d’études d’efforts et de grincements de dents. Des études de l’autre langue si bien faites qu’elles ont dégoûté tant d’enfants du néerlandais. Une suggestion : emmener désormais les lycéens à un concert du grand Raymond et leur proposer d’apprendre par coeur ses chansons délirantes et cocasses. Et, demain, tout le monde sera enfin bilingue dans ce pays !

Alain Berenboom
www.berenboom.com