DANS LE COCHON, TOUT EST BON !

Nous sommes tous Charlie mais surtout, ne le dites pas trop fort.

Quand le bourgmestre de Welkenraedt crie : vive la liberté d’expression, il veut dire : à Paris. Dans sa bonne ville, c’est différent. L’expo consacrée à la censure a été fermée sur son ordre quelques heures après son ouverture. Sans la moindre menace ni l’ombre d’un djihadiste dans les rues. Cela s’appelle le principe de précaution. Et c’est contagieux. Une expo Charlie au Musée Hergé suspendue après la visite du maïeur d’Ottignies-LLN, accompagné du chef de la police, un festival de cinéma (où l’on projetait « Timbuktu » ou le nouveau film de Marjane Satrapie) interrompu à Tournai par la le maïeur et la police fédérale…

Si les autorités communales et policières font maintenant le boulot des fous de Dieu, les islamistes sont bons pour le chômage…

Reste à annuler les prochaines élections – pour éviter le désordre si la majorité n’est pas reconduite-, condamner les bibliothèques (tous les livres ne contiennent-ils pas des passages qui pourraient heurter la susceptibilité de l’une des millions de minorités de la planète ?) et supprimer l’enseignement obligatoire. Pour empêcher les terroristes en herbe de déchiffrer le mode d’emploi des armes vendues en toute légalité par la F.N.

On s’étonne d’ailleurs que la fermeture des écoles ne fasse pas partie de la panoplie des mesures prises par le gouvernement Michel alors que son impact soulagerait les budgets des communautés.

Hélas, le ver du terrorisme n’est-il pas déjà dans la pomme de Welkenraedt ?

 « De tout temps, les hommes se sont heurtés à un ennemi redoutable : la censure » déclare le site de la « bibliothèque insoumise » (sic) de Welkenraedt. Une vraie provocation…

Cela rappelle la décision prise il y a quelques années par le bourgmestre de Marche, qui avait interdit les représentations de « La Terre » … d’Emile Zola ! Trop osé pour ses administrés, trancha le maïeur – aussi ministre de la culture ! Et le brave homme de déclarer benoîtement au micro d’une journaliste, que lui irait voir la pièce, bien sûr. Mais à Bruxelles !

Jusqu’où s’applique le « principe de précaution » ? La prestigieuse maison d’édition britannique Oxford University Press vient de bannir cochons et saucisses de ses livres pour « ne pas froisser juifs et musulmans ». En revanche, les loups, l’ennemi juré des trois petits cochons, ne sont pas visés. Trop tard, il est vrai : les loups sont entrés dans Paris.

Dans la foulée, on devrait effacer tous les autres animaux pour ne pas heurter les bouddhistes et couper les dialogues au cinéma et au théâtre pour respecter ceux qui font vœu de silence.

Pourquoi ne pas supprimer la télévision, Internet et autres réseaux d’images, ce qui ne signerait pas nécessairement le recul de la civilisation ?

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MARKETMAN

Depuis des mois, les politiciens occidentaux tremblent à la seule invocation de son nom. « Le marché ». Il fait et surtout défait les gouvernements, fait imploser les états, démantèle les lois, transforme en une nuit des dispositifs législatifs que des années de palabres n’avaient pas réussi à faire bouger.

Mais qui est donc ce terrible Superman qui fait plier la planète ?

Superman, la comparaison est idoine. Dans la vie de tous les jours, le célèbre super-héros n’est pas cet extravagant personnage habillé d’oripeaux ridicules et doté de super pouvoirs. Clark – tel est son nom – est juste un brave journaliste myope et un peu maladroit qui se cogne dans les meubles et est incapable de redresser une armoire bancale.

Or, si le monsieur du marché ressemble à Superman, cela signifie qu’il ressemble aussi à Clark.

Le jour, Marketman balaye d’un revers de souris d’ordinateur le chef de la troisième économie d’Europe, oblige le président français à passer week-ends et soirées avec Frau Angela Merkel plutôt qu’à pouponner avec la sublime Carla Bruni, abandonnée seule avec les biberons.

Mais, la nuit, notre super-héros laisse tomber la veste. Il redevient le brave gars, bon voisin, bon père de famille, qui tond le gazon, aide ses enfants à terminer leurs devoirs, chante une berceuse au petit dernier qui a du mal à s’endormir et lit le journal à son épouse pendant qu’elle fait la vaisselle (c’est sa limite : on n’est pas très féministe chez les Marketman, désolé, chères lectrices !)

« Epargne-moi les pages de la Bourse, Marketman ! »

« Bien sûr, dear. Que veux-tu que je te lise ? Un tremblement de terre a ravagé les côtes de… »

« Tais-toi ! Je déteste les histoires horribles ! »

« Alors, les derniers exploits de DSK ? »

« Tu sais que je n’aime pas les histoires sordides, Marketman. Il n’y a vraiment rien d’autre dans ton canard de plus politiquement correct ? »

« Ah, si ! Un nouvel épisode de ton feuilleton préféré, dear. »

« Chouette ! Les aventures de Super-Elio ? C’est vrai, j’adore ! Alors, qu’est-ce que mon super-héros favori a trouvé aujourd’hui ? Les rebondissements qu’il imagine sont toujours plus renversants ! Comment fait-il ? C’est vraiment un super héros ! »

« Un super-héros, lui ? Voyons ! Ses intrigues tournent en rond depuis plus d’un an et demi! » (soupir de Marketman).

Vous vous demandiez pourquoi la Belgique a échappé jusqu’ici aux terribles déflagrations qui ont ravagé ses voisins, pourtant bien plus puissants qu’elle ? Pourquoi les agences de notation n’ont pas dégradé notre note, la même que celle des Etats-Unis ? Pourquoi le marché ne spécule pas sur le défaut de notre pays ?

La réponse est simple : pour plaire à son épouse bien aimée, Marketman ne peut toucher à la Belgique.

Mais, attention, rappelons-nous que souvent femme varie…