SAINT NICOLAS EXISTE. JE L’AI RENCONTRE.

Ne me dites pas que vous ne croyez plus à Saint Nicolas. J’ai eu cette semaine la preuve de son existence, lui qui a glissé dans ma petite chaussure le cadeau que j’avais placé en tête de ma liste, le prix Rossel, accompagné d’un gros ballotin de pralines. Preuve aussi que, contrairement à la rumeur persistante, le service de la poste fonctionne toujours en Belgique.

Ce cadeau magique me donne l’idée d’un prochain livre. Pourquoi pas « Saint Nicolas existe. Je l’ai rencontré » ? La seule chose qui m’arrête, c’est que Michel Delpech vient de publier un bouquin qui raconte que Dieu existe, lui aussi. Si, si. Il est tombé dessus, paraît-il, en visitant Jérusalem un jour où le soleil tapait vraiment fort. L’aurait mieux fait de continuer à vider ses canettes chez Lorette. A cause de lui, mon sujet risque de sentir un peu le réchauffé.

Un ami, à qui je me plaignais de la concurrence déloyale de l’ex-flâve des sixties m’a suggéré d’écrire : « Le père Fouettard existe. Je l’ai rencontré. » Mais je refuse de raconter ma vie privée.

A ce sujet, je remarque qu’il circule beaucoup de légendes sur les lendemains du prix Rossel. Désolé, les amis. Vous, je ne sais pas. Mais moi, je n’ai pas reçu de demande en mariage, pas la moindre invitation à dîner aux chandelles. Même pas, comme je l’espérais secrètement, deux places VIP pour assister au prochain match de catch féminin dans la boue ni à la conférence d’Exploration du Monde sur les pas de Michel Delpech.

Comme le prix est tombé mardi, je me suis cru obligé d’aller remercier le grand saint de sa bonté. Je l’ai trouvé dans une galerie commerciale du nord de Bruxelles. Il a paru visiblement surpris de me voir dans la file derrière une dizaine de kets dont le plus âgé avait cinq ans. J’ai aussi senti la méfiance de quelques parents, tentés d’appeler les flics. On vit dans une société de plus en plus politiquement correcte. Mais j’ai tenu bon. Et quand je me suis approché de Saint Nicolas (pas trop près vu son haleine Jupiler, les saints savent pourquoi) et que j’ai commencé à lui parler de mon livre, il m’a repoussé en me disant qu’il n’avait pas le temps d’entendre mes boniments et qu’il n’était pas question de m’acheter quoi que ce soit, surtout pas un bouquin. Il en avait déjà un. J’ai trouvé un de ses collègues non loin de là dans le parking d’un grand magasin mais il semblait avoir lui-même besoin de quelques cadeaux pour survivre. Alors je me suis contenté de lui glisser une pièce sans rien dire.

Ne croyez surtout pas que cette quête m’a découragé. C’est pas demain la veille que je cesserai de me comporter comme Monsieur Optimiste.

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MIEUX VAUT PERE FOUETTARD QUE JAMAIS

On appelle ça une crise d’autorité. La méfiance des Français à l’égard de leur président est à l’image de celle de beaucoup de citoyens européens à l’égard de leurs dirigeants.

Quel est le principal reproche des Français à François Hollande ? Sa volonté de rechercher le consensus, qualifiée de mollesse et d’incapacité à décider. Leur modèle de chef, c’est un type qui tape sur la table, qui crie « je veux » devant les caméras, qui vitupère devant les petits caïds des quartiers sensibles et qui s’oppose violemment à « Bruxelles ». Comme aucun de ses adversaires de la droite démocratique ne leur paraît non plus capable d’endosser le costume de guide musclé de la nation, ils plébiscitent Marine Le Penn. C’est vrai que dans l’opposition, les Français cherchent vainement un clone de Nicolas Sarkozy, époque Kärscher. Ni François Fillon qui a fermé sa gueule devant toutes les outrances de son boss pendant cinq ans, ni Jean-François Coppée, éternel second couteau des séries d’avant soirée, ni Nathalie Kosciusko-Morizet qui semble une personne plus déplacée en dehors de Neuilly qu’une famille Rom et que la police de Manuel Valls risque d’expulser du territoire par mégarde.

Durant le règne de Sarkozy, les Français ont pourtant vu les résultats d’une politique soi-disant musclée. Mais, quelques mois plus tard, le moment de lucidité passé, ils sont à nouveau persuadés que seuls un homme ou mieux une femme providentiels va les sortir de la mélasse.

A leurs yeux, Marine n’est plus la fifille de Jean-Marie Le Penn, la descendante de la France de Pétain et des tortionnaires d’Algérie, mais une nouvelle Margaret Thatcher. Qu’ils demandent donc aux Anglais ce qui restait de la Grande Bretagne quand la dame de fer a commencé à rouiller.

Ce mythe qu’on vivra heureux, protégé par la ligne Maginot, a décidément la vie dure. C’est aussi l’illusion que vend la N-VA avec son nouveau-vieux programme. Est-ce vraiment un hasard si le fifils de Bart De Wever, le petit Jan Jambon, a lui aussi fricoté avec les nostalgiques de l’extrême droite ?

C’est dans cette atmosphère qu’a surgi la polémique sur le père Fouettard. Aussi, je pose la question : qui veut la peau du méchant dans le couple Saint Nicolas ? Est-ce un contre-feu maladroit allumé par les amis de Hollande et tous ceux qui s’inquiètent de la résistible ascension des boss gonflés aux hormones ? C’est une erreur politique – une de plus. Le duo Saint Nicolas-père Fouettard est exactement ce qu’attendent les enfants et surtout leurs parents, la promesse de cadeaux d’un côté et la certitude d’une solide raclée de l’autre. Hollande ne survivrait pas sans Vals (Royal aurait aussi fait l’affaire). De Wever sans Siegfried Bracke.

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RYANISATION

Les accros à l’actualité ont été servis ces derniers jours. Ils ont eu droit au show brutal du grand sultan d’Istanbul, aux nouvelles barbaries aveugles de l’ophtalmo sanguinaire de Damas et à la découverte du rôle des grandes oreilles d’Obama, le côté sombre de l’administration fédérale américaine. Tout cela aurait suffi à secouer les plus cyniques d’entre nous. Mais le plus terrible est venu de chez nous, du Brabant wallon. Où Walibi a instauré le ticket bling-bling. Payez plus pour entrez plus vite.

C’est ça, l’info dramatique de la semaine. Car, on le devine, Walibi n’en restera pas là. Inspiré par l’exemple de son voisin carolo, Ryan Air, le parc concocte déjà d’autres « nouveaux services », pour utiliser son vocabulaire délicat. Les enfants obèses ? Ticket à prix gonflé. Les handicapés ? Double tarif. Supplément si la maman ne porte pas un sac de dimension standard, s’il est trop lourd ou s’il contient de la bouffe et des boissons pour les petits. Tarif spécial pour l’utilisation des toilettes luxe, nettoyées après chaque passage. Photo de papa et des lardons devant le Tuf Tuf Club ou le Palais du Génie ? On passe à la caisse pour les droits d’auteur de Walibi. Sans compter des pénalités pour celles qui arpentent le beau macadam du parc en talon aiguille, pour les enfants qui jettent distraitement leur trognon de pomme dans l’herbe. Amendes encore pour les fumeurs, les enrhumés, les cracheurs et les blagueurs – car on ne rit pas à Walibi.

Coïncidence, on a appris cette semaine la privatisation des nouvelles prisons du royaume. On a oublié de le préciser mais les prisons de demain, ce n’est pas seulement un concept architectural inédit. C’est aussi un régime carcéral nouveau, sauce Ryan Air-Walibi.

La prison à plusieurs vitesses, c’est la meilleure façon de préparer les détenus à ce qui les attend une fois leur peine purgée. Avec l’idée très éducative qu’un prisonnier VIP sortant d’une prison quatre étoiles reviendra dans la société avec l’idée qu’une vie quatre étoiles nécessite des tickets « priorité ». Comme il l’aura appris sur le tas en prison.

Dans les nouvelles prisons, on pourra tout acheter. Double tarif pour éviter de faire la file à la douche ou au réfectoire. Tarif spécial pour dormir seul dans la cellule. Ticket super spécial pour dormir avec le gardien ou sa fille – pas de discrimination dans les prisons belges.

Et, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ceux qui emmèneront leurs enfants serrer la pince de Saint Nicolas auront intérêt à être cousus d’or. Comme ceux qui attendent le bus ou le métro pour monter les premiers ou avoir droit à un siège réservé. Et, l’an prochain, on proposera des tickets pour voter N-VA avant les autres.

Voilà ce qu’on a trouvé de mieux-jusqu’ici- pour sortir de la crise.

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