TRIPOLI POUR ÊTRE HONNETE

Sur le papier, les interventions décidées par l’ONU au Rwanda ou en ex-Yougoslavie étaient nécessaires, indispensables. Tout comme celle en Libye. Pourquoi alors ce manque d’enthousiasme, ces doutes ?
Je suis d’une génération qui n’a jamais adulé le rôle des militaires en-dehors de nos frontières. Faites l’amour ici plutôt que la guerre là-bas. La guerre des autres est une solution ultime, du désespoir. Alors, pourquoi mettre si peu d’enthousiasme et de moyens à sauver les peuples qui meurent de faim, abandonner les pays qu’on a tirés des griffes de leur bourreau ? On se demande aussi pourquoi certains peuples tyrannisés sont plus chouchoutés par nos excellences que d’autres. On s’étonne enfin des fluctuations de notre compteur Geiger vis-à-vis du premier Libyen. Tantôt célébré comme le représentant d’un arabisme laïc et moderne, tantôt honni pour ses exactions (dans nos pays), à nouveau copain dès qu’il se dit l’ennemi d’Al Qaida et qu’il bazarde une partie de son stock d’armes dégoûtantes, puis re-traité d’assassin et de chef terroriste.
Est-il tout à fait honnête son propre représentant auprès de la Ligue arabe qui s’avise soudain que son boss est de loin pire que Saddam Hussein ? « Je pense que Saddam Hussein avait un peu de bon sens, alors que cet homme n’a ni bon sens, ni sagesse », déclare M. al-Honi (qui mal y pense).
Autre raison d’être perplexe : les fruits amers des précédentes opérations de l’ONU.
Le génocide rwandais, les massacres de Srebrenica sont autant l’œuvre des tueurs que la responsabilité de la communauté internationale. Ce sont des soldats occidentaux censés protéger les Rwandais des génocidaires qui ont fait défaut. Ils ont donné à la population l’illusion de veiller sur elle avant de se défiler au pire moment. Ce sont des soldats hollandais qui ont regardé, les bras croisés, les brutes serbes massacrer les habitants de Srebrenica, qui eux aussi avaient fait confiance et étaient sortis de leur réduit, aveuglés par les engagements de l’ONU.
Qu’allons-nous promettre aux Libyens ? Qu’avons-nous prévu ? Rien sans doute. Dans leur for intérieur, les intervenants croisent les doigts pour que les citoyens libyens et l’armée renversent elles-mêmes le dictateur et nettoient les lieux. Mais si le scénario ne se déroule pas selon ce plan, que se passera-t-il ? Les précédentes aventures de la communauté internationale ne présagent rien de bon…

PS : à propos du Rwanda, je vous conseille la lecture d’un livre merveilleux, « Tu leur diras que tu es hutue » de Pauline Kayitare (éditions Versaille). Plus qu’un témoignage d’une rescapée du génocide, un vrai récit mêlant mort et vie, un portrait pénétrant d’une famille rwandaise avec le regard vif, frais, incroyablement optimiste d’une vraie conteuse.

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LE YIN ET LE YANG

Les premiers temps, les événements qui se déroulent au Japon ont paru effacer en horreur tous les autres drames qui ont déjà rythmé le début du siècle, l’effondrement des tours du W.T.C., le tsunami asiatique, le tremblement de terre d’Haïti. Un séisme gigantesque suivi d’un tsunami dévastateur puis d’une catastrophe nucléaire qui pourrait contaminer une partie de la planète, qui dit mieux ? A part une guerre nucléaire, même à Hollywood, on ne voit pas comment battre ce record. Mais peu à peu, alors que montait l’apocalypse, j’ai essayé de trouver les côtés positifs de ces événements. On dit qu’il y a toujours deux faces à chaque épisode de la vie – le yin et le yang. Le yang ici, c’est d’abord, le flux de connaissances que la catastrophe nucléaire japonaise nous a permis d’ingurgiter.
En quelques jours, des spécialistes de tous poils sont parvenus à m’apprendre sur le tas des notions que mes profs d’athénée n’ont jamais effleurées pendant des années (pour ne pas me faire peur ?) et mon vocabulaire s’est enrichi d’une centaine de mots nouveaux. Je sais tout de la différence entre fusion et fission. Je ne sais pas si ça me sauvera la vie à la prochaine catastrophe mais au moins, je ne passerai pas pour un péquenot dans les dîners en ville.
Il faut aussi éviter de dire aux Japonais qu’ils risquent d’être « irradiés » alors qu’ils seront « contaminés ». Dans l’un et l’autre cas, on meurt. Mais pas de la même façon, ce qui a l’air de faire beaucoup saliver les scientifiques.
J’ai aussi appris que l’on ne compte plus, comme je le faisais bêtement, en Curie. Fini, le Curie ! On évalue la teneur en éléments radioactifs (si on a le temps) en Becquerel, unité qu’il ne faut pas confondre avec le Becherel, lequel nous apprend à décliner convenablement en français. Remarquez, après une solide dose de Becquerel, on est aussi assuré de décliner définitivement…
Autre super yang du jour : l’énergie nucléaire est une énergie propre, répètent les spécialistes. A voir ses effets, il faut comprendre par là que les morts radioactifs ne laissent pas de traces désagréables pour les survivants. Ni sur la vie et les intérêts de ceux qui ont misé sur le tout nucléaire.
Aucune installation industrielle n’est plus sûre, ni plus surveillée qu’une centrale nucléaire, nous a-t-on encore asséné. Ah bon ? Qu’on m’explique alors pourquoi tous ces petits génies n’ont pas eu conscience en construisant leurs Lego sur des failles sismiques qu’une petite secousse risquait de faire s’écrouler leur château de sable.
« Il y a deux choses d’infini au monde, disait Einstein : l’univers et la bêtise humaine. » Il ajoutait aussitôt : « Mais pour l’univers, je n’en suis pas très sûr ».

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L’ENFANT ROI

A quoi ressemblait le petit Bart quand il était bébé ?
C’est la seule question qu’on a encore le droit de se poser à propos du président de la N-VA depuis que le conseil de l’ordre national des Médecins a accueilli sa plainte et condamné un médecin qui s’était permis d’exprimer une opinion sur le caractère trrrrès dominant du grrrand Bart – je veux dire sur le Bart qui joue à l’adulte, à l’homme de fer et même de fer à repasser puisqu’il a réussi mieux que ma femme à journée à ce que les négociations soient pliées…
Alors, bouche cousue si vous ne voulez pas vous retrouver condamné ! Et remontons le temps, à l’époque où parler d’un enfant roi ne valait pas une sanction.
Bartje devait être un bel enfant. Etendu dans son petit lit, le regard doux après avoir mangé une gaufre ou deux (ou trois), il attendait impatiemment que papa ou mama lui raconte une histoire. Alors ! ça vient ou quoi ? Ici et tout de suite ! D’accord, Bartje, dors, dors, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…
Oui. Bartje adorait écouter de belles histoires avant de fermer les yeux. Peau d’âne, Riquet à la houppe, le petit poucet, mon bébé ? Non, non ! Surtout pas. Les contes de Perrault sont des histoires de fransquillons ! D’une époque où c’est la France qui occupait Bruxelles et non pas moi ! Merci !
Alors, que veux-tu que je te raconte, Bartje ?
Une histoire de guerre ! De la deuxième guerre mondiale. C’était celle qu’il préférait. Pas comme Brassens qui aimait mieux celle de 14-18, celle où les pauvres soldats flamands se faisaient massacrer parce qu’ils ne comprenaient rien aux ordres de leurs officiers francophones. Tandis qu’en 1940,… Attention, danger, procès ! J’arrête là. Dors, dors, Bartje, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…
Alors que lui lisait sa maman ? Les aventures de Tintin, peut-être ? Ouille, non ! N’allez surtout pas prétendre que Bartje dévorait les aventures de Kuifje ! Tintin, écrit-il en septembre dernier, était un héros raciste et antisémite, le chouchou des Wallons derrière lequel ils se cachaient pour raconter partout qu’il n’y avait que des flamands pour collaborer avec les Allemands ! Tout doux, Bartje ! Tu dis des choses bien singulières ! Dors, dors, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…
Je veux mon histoire !
Mais, que suis-je encore autorisé à te raconter, mon président bien aimé, respecté, je veux dire mon fiston ? demandent découragés papa et mama.
Invente ! Tiens. Raconte-moi l’histoire d’un pays imaginaire, répond Bartje les yeux brillants en agitant ses tout petits poings. Peuplé uniquement de bébés tous à mon image et toujours d’accord avec moi.
Mais d’accord sur quoi ?
Que je suis le roi !
Mais tu es le roi, mon enfant. Dors, dors, Bartje, mon petit frère. Slaap, kindje, slaap…

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SOUS LA NAPPE, LA PLAGE

Neuf mois qu’ils accumulent sur la table tout ce qui leur passe par la tête ! Croulant sous ce bric-à-brac breughelien, qui s’étonnera qu’ils aient la nausée ?
Il serait peut-être temps qu’ils regardent ailleurs : sous la nappe, par exemple. Où ils découvriront quelques surprises s’ils veulent bien ouvrir les yeux.
Sous la nappe ? La plage.
Des dunes, où s’aiment des amoureux, où jouent des enfants, où des chiens chient, le regard coupable.
A la côte belge, remarquez, Wallons et Flamands se laissent flotter sans s’opposer. Marée haute, marée basse. C’est la Lune qui donne le la, pas De Wever.
La mer qui monte n’a jamais fait venir l’écume aux lèvres. Quand on reste vague, on revient toujours à l’essentiel…
Qui sait ? Peut-être qu’avec Wouter Beke, la nouvelle vague des politiciens va nous faire plonger sans danger dans les grandes profondeurs. Mais il faudra alors que cet homme se transforme en brise-lames. On peut rêver. C’est dans la tempête que se révèlent les bons marins. Mais qu’il n’oublie pas de garder une bouée à portée de mains plutôt que sur ses lunettes.
Un conseil au négociateur : quand on met certain coquillage contre l’oreille, si on écoute bien, on entend l’appel du large.
Garnaalkroketten, zeetong, wafels, paling in ‘t groen: c’est sous la nappe que les neufs partis peuvent découvrir les plats belges susceptibles de les réconcilier.
A ce propos : quand est-ce les neuf partis redeviendront des partis neufs ?
Sous la nappe, il y a aussi les pieds.
On a trop regardé les visages de nos discutailleurs, leurs bras, leurs doigts sans honneur, on les a trop vus faire du vent devant les caméras. Regardons plutôt leurs pieds, ça ne trompe pas.
Il y a ceux qui les mettent en éventail comme les vacanciers sur la plage. Ceux-là n’ont rien à perdre. Ils écoutent leurs voisins, un vague sourire aux lèvres, en se disant : cause toujours, mon lapin, et compte sur moi pour mettre du sable dans les engrenages si d’aventure ton château commence à prendre forme.
Il y a ceux qui gardent les pieds rentrés, qui ont peur de leur ombre même quand il n’y a pas de soleil. Ceux qui ne parviennent pas à quitter le parasol sous lequel ils sont réfugiés malgré l’écran total dont ils se sont enduits.
Il y a ceux qui ont enfilé subrepticement des pantoufles. Des malins qui aiment le confort ? Ou des pessimistes qui n’ont aucun espoir de quitter cette foutue table pour se rendre chez le roi et lui dire : les vacances, c’est fini ?
Avant de se remettre au travail, faudra qu’ils troquent leurs charentaises contre des bottes. Pour nettoyer la plage de toutes les crasses abandonnées là depuis des mois. Et puis creuser pour ramener à la surface le coffre au trésor dont nous avons vraiment besoin !

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GUEULE DE BOIS

En ces temps troublés, il est bon de se rappeler que la principale richesse de la Wallonie est sa forêt et non ses usines d’armement.
On ne peut donc que féliciter le ministre-président, Rudy Demotte, de pratiquer avec tant d’enthousiasme la langue de bois.
Ajoutons, pour ne pas faire inutilement de jaloux, que ses collègues de la majorité CDH et Ecolo ont eux aussi déployé des efforts louables pour promotionner de toutes leurs forces notre matière première verte dans tous les médias.
Hélas, quelques images intempestives venues de Libye et montrant des armes et des munitions belges arrosés de sang font un peu tache (dans le cas des armes utilisées sur un théâtre d’opérations douteuses, insistons pour parler d’armes « belges » et non « wallonnes »).
Mais, tant que l’enquête est en cours, il est scandaleux de stigmatiser les honnêtes travailleurs de Herstal.
D’ailleurs, plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces images. Certains soupçonnent des nationalistes flamands d’avoir produit ce clip abracadabrant tourné soi-disant sur l’aéroport de La Abraq mais fabriqué en réalité dans les studios de la VRT, l’organisme public ayant absolument besoin de se racheter un brevet de « flamanditude » face aux critiques de son ancien journaliste Siegfried Bracke.
D’après les mêmes sources, la réalisation des photos aurait été confiée à ces grands pros, déjà auteurs des faux reportages sur les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune en 1969 et de la destruction du Pentagone et des tours du WTC en 2001.
D’autres accusent des concurrents de la FN qui auraient diffusé ces photos pour soulever la réprobation de l’opinion publique afin d’éliminer l’entreprise wallonne et récupérer ses juteux marchés.
Car comme le disait en d’autres termes un syndicaliste liégeois : Nos armes tuent ? Ceux fabriquées par les Anglais, Français et Italiens aussi. Alors, pourquoi être les premiers à arrêter le massacre ? Messieurs les Anglais, tirez les premiers !
Face à cette escalade de critiques, le ministre président reste de bois. De cet excellent bois dont on fabrique les potences où finiront les révolutionnaires libyens si leur dictateur parvient à reprendre le contrôle de la situation.
Tant que nous vendons des armes, la forêt wallonne peut dormir sur ses deux oreilles. Les politiciens du Nord aussi, qui ont bien tort de dénoncer le commerce d’armement du sud.
Ont-ils songé aux conséquences de la fermeture de la FN ?
A ce que va coûter à la Flandre des dizaines de milliers de chômeurs wallons supplémentaires ?
Et les réfugiés wallons, découragés par la misère, où vont-ils les installer ? Redoutable menace : avec ces nouveaux arrivants, aux prochaines élections, le FDF pourrait devenir le premier parti de Flandre…

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BELGIUM : ONE POINT

Barack : Que lisez-vous Hillary ? Vous vous plongez dans les langues exotiques ?
Hillary : Le néerlandais pour les nuls. J’ai du mal…
Barack : Le néerlandais ? Dans quel pays du Moyen Orient parle-t-on ce sabir ?
Hillary : En Belgique, voyons ! Il paraît que c’est la langue des gens les plus intelligents du monde. Regardez à la télé « De slimste mens ter Wereld ». Donc je m’y mets.
Barack : OK. C’est un jeu ? Qu’est-ce qu’on gagne ?
Hillary : Premier prix : la direction d’un pays en plein micmac.
Barack : Ah ? C’est un politicien qui a décroché la palme?
Hillary : Non, un acteur comique.
Barack : Amaï ! Pas étonnant que les Belges n’aient pas encore de premier ministre ! Si la crise continue, envoyons-leur quelques députés irakiens comme consultants.
Hillary : Dire qu’en Egypte et en Tunisie, il n’a fallu que quelques jours pour changer de chefs d’état et de gouvernement.
Barack : Depuis que j’ai encouragé les foules arabes, je sens que j’ai la baraka. Si j’intervenais à la télé belge ?
Hillary : La télé belge ? Quelle télé belge ? Elles sont flamandes ou françaises et font tout pour s’ignorer quand elles n’accentuent pas le fossé entre leurs téléspectateurs. Parlez à la télé francophone, les Flamands défileront en criant US, go home ! Si vous choisissez la télé néerlandophone, ce sont les Wallons qui vont appeler l’armée française à la rescousse ! Un vrai casse-tête ce pays. En comparaison, le conflit israélo-palestinien est une sinécure ; on connaît le mode d’emploi. En Belgique, quand un joueur avance son pion, il en profite pour changer les règles du jeu. Ca craint !
Barack : Et où vont-ils comme ça ?
Hillary : Cahin-caha vers la partition du pays.
Barack (qui scrute la mappemonde du bureau ovale avec une loupe) : Il est pourtant si petit que je ne parviens pas à le retrouver sur la carte.
Hillary : Pas étonnant que le village des Schtroumfs ait été inventé par Peyo, un auteur belge. On a cru que c’était un univers de fantaisie. Mais ce Peyo était en dessous de la réalité : sur ce territoire minuscule ils veulent deux royaumes encore plus minuscules si ce scénario catastrophe se réalise, peut-être trois, voire quatre.
Barack (inquiet) : Et où ira l’Otan si le pays implose ?
Hillary : Laissez-moi réfléchir. Notre quartier général est situé à Bruxelles, une région à majorité francophone, enclavé en territoire flamand, qui pourrait devenir une ville-état, rattachée à Washington D.C. Vous me suivez ?
Barack : Alors, on déménage ? Podverdeke, Hillary ! Vous n’avez pas un dico bruxellois ? Si je dois me frotter à tous ces super-castars, il ne faut pas que j’ai l’air d’une klett ! Michèle ! Komme ke zien ! Fais la valise ! On s’installe à Bruxelles !

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CHAUD DEVANT

C’est le printemps !
Réchauffement climatique ou consolation divine d’une fin d’année particulièrement triste, glacée et figée ? Chacun appréciera mais quelle qu’en soit la cause, il n’y a pas de doute. La glace est en train de fondre…
Dans les rues arabes d’abord où des foules que l’on croyait soumises à des rages moyenâgeuses défile, hommes et femmes mêlés, en réclamant les valeurs de cet Occident tant honni, droit de vote, démocratie, liberté de la presse. Cette même foule qui manifestait il y a quelques mois pour réclamer la tête de caricaturistes dont l’art et la liberté d’opinion ne plaisaient pas.
Des foules sans chef, ivres de leur propre audace dont on découvre soudain le visage souriant, décidé, intelligent et mûr malgré des dizaines d’années à subir une presse et des télévisions au service unique du chef et de ses slogans. Quel échec des media et de la limite de ses pouvoirs !
En Italie aussi c’est le nettoyage de printemps. Avec un goût amer : il a fallu quelques frasques sexuelles grotesques pour plomber l’inoxydable chef de l’état dont les razzias sur l’appareil politique, médiatique et financier du pays n’avaient jamais ému les citoyens. Au contraire. Sa résistance aux lois et aux juges l’avait rendu encore plus populaire. Que Silvio Berlusconi supprime les droits de succession, s’empare de toutes les télés publiques et privées, distribue des postes de députés et de ministres à ses copines et copains, se fabrique des lois sur mesure pour s’assurer l’impunité, embrasse les papattes de Kadhafi, l’électeur était à ses pieds. Mais qu’il organise des soirées bonga bonga, ah non ! Pas ça ! Allez comprendre. Tout le pouvoir des media berlusconiens, champions de l’obscène, se serait-il effacé devant un vieux fond de pudibonderie ? Encore une belle claque pour le pouvoir des media !
Pendant ce temps, les bourses se remettent à siffloter, les syndicats à oser réclamer des augmentations de salaires. Rêvons un peu : et si les hommes politiques belges se laissaient gagner à leur tour par l’euphorie ambiante ? Ils ne peuvent tout de même pas être les derniers au monde à s’apercevoir que la température a drôlement monté depuis qu’ils se sont enfermés? Y aurait-il un problème de climatisation dans la salle ?
La manifestation du 23 janvier dans les rues de Bruxelles n’annonçait-elle pas le retour des hirondelles ? Comme en Tunisie ou en Egypte, comme en Italie, en tête de la rue bruxelloise, il n’y avait pas de chef. A l’ère de l’internet, où chaque citoyen se sent le maître de son destin et peut le crier à toute la planète, l’homme politique est en train de disparaître. Au fond ce dont rêvent les citoyens, c’est à un gouvernement sans dirigeants. A une grande assemblée libre permanente. Déjà, un parfum de mois de mai ?

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LES 12 TRAVAUX DE SUPER DIDGE

Il était une fois un super héros qui déprimait beaucoup.
Si l’on avait longtemps admiré son talent à digérer les briques et à avaler les couleuvres, les tuiles commençaient vraiment à lui dégringoler sur la tête. Et les serpents qui le piquaient sortaient de sa propre maison.
Partout des sous-vizirs guettaient sa place. Ou plutôt ses places car il avait accumulé postes, fonctions et mandats qui tombaient les uns après les autres. N’était plus président, plus premier Wallon, plus chargé des réformes institutionnelles, plus tenu au courant de rien. Il allait même perdre son titre de consul honoraire de Tunisie. Ne restait que ses yeux pour pleurer…
Lorsque soudain apparut le Roi…
Ah sire ! D’un seul coup de baguette magique, voilà Didgé remis en selle, redevenu super héros mais à une condition : qu’il accomplisse douze travaux. Tel le héros grec. Mais en quinze jours !
Le premier travail d’Hercule consistait à rapporter la peau du lion de Némée, le terrible fauve qui dévorait les habitants de la région. Didgé, lui, devra se mesurer à une bête autrement redoutable, le cruel Lion noir descendu du Nord pour ratisser les terres du sud.
Pour son deuxième travail, Hercule devait s’attaquer à l’hydre de Lerne, ce monstre horrible à plusieurs têtes dont l’une était immortelle. L’hydre belge est bien plus redoutable : il compte sept têtes qui ne cessent de se dévorer entre elles et qui sont toutes immortelles.
Le troisième travail obligeait Hercule à capturer sans la blesser la biche de Cérynie, aux sabots ailés si rapides que personne n’avait jamais réussi à l’approcher. Il fallut une année entière à Hercule pour la ramener au roi. La biche de Didjé s’appelle Joëlle. Cela fait quinze ans qu’il la chasse vainement. Il lui reste douze jours pour la domestiquer.
Après ses quatre premiers travaux qui en avaient fait une star, le roi obligea Hercule à retrouver un peu d’humilité en nettoyant les écuries d’Augias salies par trente ans de purin. C’est cent quatre-vingts ans de poussières, d’araignées et de je ne vous dis pas quoi accumulés dans les placards de Belgique que Didjé va devoir frotter, laver et faire blinquer.
Hercule a eu encore à affronter les oiseaux du lac Stymphale, le taureau de Crète, le sanglier d’Erymanthe, les juments de Diomède, les Amazones et le monstrueux chien Cerbère qui garde les enfers et empêche les défunts de retrouver le chemin de la vie.
Ce fut rude. Mais peu de choses comparé aux combats qui attendent Didjé : le taureau de Wever, les fouines du CD&V, le Jambon empoisonné de la N-VA, les Amazones socialistes aux dents redoutables, le Cerbère des francophones de l’enfer de la périphérie, et l’Elio di Rupo, qui guette derrière les serres de Laeken celui qui, ayant réussi toutes les autres épreuves, croit revenir en vainqueur …

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J’AIME LES FILLES !

Enfin, les choses sérieuses vont commencer !
Non, je ne plaisante pas. Qu’ont fait les « négociateurs » pendant sept mois ? Ce qu’ils font depuis cinquante ans. Discuter, marchander, échanger des vaches espagnoles contre des fraises de Wépion, des gaufres contre des chômeurs. Et je te donne Kraainem, et tu me donnes 500.000 euros pour boucher les trous à Bruxelles. Tu me refiles la politique de l’emploi. Et j’autorise les électeurs de quelques communes du Brabant flamand à aller voter à Bruxelles une fois tous les quatre ans.
Ce troc de boutiquiers, cet « art du compromis » minable dont on a, à tort, été si fiers pendant longtemps, c’est fini. Cette fois, on est condamné à innover.
Le rattachement de la Wallonie à l’Allemagne, imaginé par Paul Magnette un soir de grande fatigue avant de se faire taper sur les doigts, c’était un avant-goût de ce qui nous attend. Certains ont déjà été plus loin en proposant le rattachement de la Belgique au Congo, comptant sur l’art de la palabre bantoue pour faire taire définitivement Bart De Wever et Joëlle Milquet. On a vu dans quel état le ministre des affaires étrangères Steven Vanackere est rentré de quelques jours seulement de séjour dans la villa du président Kabila.
Tiens ? C’est peut-être une idée ça : envoyer les négociateurs discuter dans l’arrière-salle d’un restaurant de Kinshasa. En leur interdisant de sortir tant qu’un accord n’est pas signé.
Vande Lanotte éliminé après l’échec de Jean-Luc Dehaene, le roi n’a plus guère de «vieux sages » au fond de son chapeau. On voit mal Guy Verhofstadt ou Herman van Rompuy, le poète bestseller, rejouer une fois de plus les secouristes. Et Steve Stevaert, parti juste à temps après quelques claquettes ? Il est trop occupé à monter une version cubaine du Pukkelpop avec la famille Castro. Reste alors à faire appel à des personnalités de la société civile. Justement les citoyens lassés ont exprimé leur ras-le-bol avec une maturité dont les hommes politiques « responsables » auraient bien fait de s’inspirer. Mais qui ?
Justine Henin est disponible mais sa santé lui interdit de jouer des coudes. Arno est aussi difficile à comprendre que Michel Daerden. Quant à Stromae, il n’a hélas plus une minute dans son agenda jusqu’en 2025. Une autre idée ?
Les Flamands ne connaissent pas les stars wallonnes. Et les vedettes mondialement connues en Flandre sont ignorées chez nous : le touche-à-tout de génie Erik Van Looy, l’ironique Geert Hoste ou la pulpeuse Maaike Cafmeyer. Erik who ? Maaike who ?
Des inconnus ou plutôt de belles inconnues, n’est-ce pas de cette nouvelle génération que viendra le sursaut comme on a vu artistes, intellectuels et étudiants se mobiliser récemment toutes langues confondues ?
Maaike Cafmeyer et Cécile de France à deux au 16 rue de la Loi, ça aurait de la gueule, non ?

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LE POUVOIR CORROMPT

Le pouvoir corrompt ; le pouvoir absolu corrompt absolument.
La célèbre formule attribuée à Winston Churchill est à l’ordre du jour. Pas seulement à propos de l’héroïque mouvement des citoyens tunisiens qui ont réussi à avoir la peau de leur président. En attendant, on l’espère, que la contagion gagne quelques autres dictateurs et monstres variés qui empoisonnent la planète.
Mais les politiciens ne sont pas seuls à être tentés d’abuser de leur autorité. Les juges aussi.
Regardez le comportement du juge d’instruction bruxellois Wim De Troy la semaine dernière.
En arrivant à la prison de Saint-Gilles pour interroger un détenu, monsieur De Troy regarde autour de lui. La rue est sinistre. Il faudrait être fou, se dit-il, pour abandonner sa belle voiture dans un quartier où résident tant de criminels au mètre carré. Imaginons que des détenus s’évadent justement quand il est dans le bâtiment et qu’ils piquent sa petite auto pour favoriser leur fuite? De quoi aura-t-il l’air ? La place de son auto est dans la cour de la prison, décide-t-il, seul endroit sûr de la région.
Malheureusement un bête règlement interdit de laisser pénétrer dans la prison tout autre véhicule que le fourgon cellulaire. Les raisons de ce règlement sont faciles à comprendre même quand on n’a pas fait d’études de droit. Il s’applique à tous. Mais pas au Grand Juge De Troy. Lui plane au-dessus des lois humaines. Et quand on lui résiste, il sort son petit sifflet. Devant la résistance du personnel, sa volonté de ne pas violer le règlement, il n’hésite pas à faire arrêter la directrice de la prison et plusieurs membres de son personnel. Allez ! Au pain sec et à l’eau !
Comme la police de la zone du sud de Bruxelles montre quelque réticence à obéir à ses ordres déments, le juge fait intervenir la police de l’aéroport. Le PJF Airport n’hésite pas, plus habitué à considérer que les ordres sont les ordres. L’obéissance aveugle aux ordres, on a vu dans le passé ce que ça a provoqué. Mais apparemment, les flics de Bruxelles-national ne lisent pas les livres d’histoire. Et n’ont eu aucun état d’âme à flanquer la directrice de la prison entre les sans papiers et quelques criminels internationaux, de quoi lui rafraîchir les idées et lui faire entre dans la tête que dans un pays où il n’y a pas de gouvernement, c’est le juge d’instruction qui est le chef.
Quand on y réfléchit, le juge De Troy a peut-être donné une impulsion extraordinaire à la suite de la carrière de cette directrice.
En Tunisie, le nouveau ministre de la Jeunesse Slim Amamou n’a-t-il pas été propulsé directement de la prison à la tête de son nouveau ministère ? Or en Belgique où on cherche désespérément des candidats pour former un nouveau gouvernement, il y a là un vivier dans lequel le roi n’a pas encore puisé.
L’attitude du juge De Troy pose plusieurs questions : ne devait-on pas lui retirer son permis de conduire ? Avant d’emmener la directrice et le personnel de la prison en cellule, les flics de Zaventem ont-ils songé à lui faire une prise de sang ? A appeler un psychiatre ?
Mais surtout, son comportement donne une arme inespérée aux avocats de l’église qui dénoncent le déroulement de l’opération Calice.
A l’époque, certains se sont étonnées de l’acharnement du juge De Troy qui avait été jusqu’à introduire des caméras dans le caveau des anciens cardinaux pour s’assurer qu’ils ne dissimulaient pas des preuves.
On s’était dit : voilà un juge consciencieux.
A la lumière des événements de la prison de Saint Gilles, on peut se demander aujourd’hui si cet homme n’est pas guetté par la folie. Le philosophe français Alain disait : « tout pouvoir sans contrôle rend fou ».
Ce n’est pas la première fois qu’on découvre que des juges d’instruction dont les actes ne sont pas soumis à l’appréciation d’un juge indépendant laissés se comportent comme des hommes politiques sans opposition. On se souvient des dérives du juge d’instruction français Fabrice Burgaud qui a mis en prison près de vingt personnes pendant trois ans pour des agressions sexuelles imaginaires dans le cadre de l’affaire d’Outreau. Ou du fiasco de l’affaire KB-Lux.
Les juridictions chargées de contrôler les juges d’instruction, débordées de dossiers, ne contrôlent plus rien du tout. Des juges abandonnés à eux-mêmes perdent le sens commun.
Puisque la NvA demande la régionalisation de la justice, les francophones seraient bien avisés de lui offrir le juge De Troy et de nommer la directrice de la prison de Saint-Gilles ministre de la Justice de Bruxelles-sud.

Alain Berenboom
Paru dans De Standaard 25 janvier