Bush ouverte

Au terme de son dix-septième mandat, G.W. Bush tourna vers Condoleeza un visage soucieux.
– Quelque chose vous préoccupe, Junior ?
– Oui, Leeza, lisez ça : il paraît que des voix s’élèvent dans notre bon vieux parti contre ma candidature à un dix-huitième mandat.
– Bah, laissez-les dire; ce sont des ingrats.
– Comment est-ce possible ? En vertu du Patriot Act, la liberté de la presse n’a-t-elle pas été suspendue ?
– A l’époque de votre 3 ème mandat, Junior,
– Ah ! le bon vieux temps… Mais pourquoi le Patriot Act a-t-il disparu ?
– Voyons, Junior. Vous aviez promis à votre onzième mandat le rétablissement des libertés aux Etats-Unis.
– Je l’ai dit, d’accord. Mais je l’ai fait ?
– Vous êtes comme ça, Junior.
– Oui. Nobody is perfect, comme disait notre regretté pasteur, Billy Graham…
– Heu, je crois que c’était Billy Wilder dans « Certains l’aiment chaud ».
– Peu importe. Cela me rappelle que les élections approchent une nouvelle fois. Quel thème allons-nous choisir cette fois ?
– Dieu, peut-être ?
– Encore ? Evidemment, le sujet est éternel.
– Vous avez une autre idée, Junior ?
– Il faudrait quelque chose de plus neuf, de plus mobilisateur. Par exemple, une bonne guerre. Qu’en pensez-vous, Leeza ? Boum, boum, ça marche toujours, non ?
– C’est que… vous avez déjà souvent fait le coup, Junior.
– Ah oui ? Décidément, ma mémoire me joue des tours ces jours-ci.
– Il fut une époque où, chaque fois qu’une échéance approchait, on sortait les Marines. L’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, la Moldavie, le Liechtenstein, la Belgique, la Russie blanche,… J’en oublie.
– La Russie blanche, vous êtes certaine ?
– Rappelez-vous. Vous aviez décidé d’attaquer la Russie blanche après avoir combattu en Belgique la Peste noire. Afin de rassurer mes frères et mes sœurs.
– C’est vrai. La Belgique, quel souvenir affreux ! J’attaque la Flandre pour arrêter l’invasion fasciste et je me retrouve accusé de discrimination raciale. Pourquoi vous en prendre aux Noirs ? Il a fallu se battre aussi contre les Bleus, les Rouges, les Verts. J’en ai vu de toutes les couleurs.
– Surtout qu’ils vous ont alors accusé de haine contre les Flamands.
– Ce qui m’a obligé de combattre les… Comment s’appelle encore leur autre peuplade ?
– Les Wallons ?
– C’est ça. Ils se battaient comme des lions.
– Non, ça ce sont les autres.
– Peu importe. Avec quel résultat : à la fin, on a dû faire de la Flandre et de la Wallonie, les soixante-quatrième et soixante-cinquième état américain. Ca valait bien la peine : maintenant, ils votent pour le candidat American Blokie.
– Tous des ingrats, vous l’avez dit, Junior. Dites-moi. Vous tenez encore à votre dix-huitième mandat ? Je veux bien me sacrifier, si vous voulez…

Alain Berenboom

Novembre 2004

Paru dans le journal LE SOIR