FAUT RIGOLER !

Tout n’est pas mauvais dans la crise. Depuis que les tours du monde financier se sont écroulées, on n’a jamais autant organisé autant de rencontres entre chefs d’état. A trois, huit, vingt-sept, quatre-vingts. Tous les jours, des avions spéciaux emmènent les grands chefs dans un autre coin de la terre. La couche d’ozone ? A l’heure où Fortis et la Bank of America ruinent leurs petits épargnants, qui s’intéresse encore à l’avenir de la planète bleue ?
Et le prix de ces déplacements ? Toujours moins cher qu’une réunion des cadres de Dexia et de Fortis dans un trois étoiles à Monaco.
A quoi bon cette bougeotte permanente ? L’Europe n’en sort unanime que pour constater les dégâts. Les Hollandais nous piquent nos bijoux, les Italiens regardent ailleurs, les Allemands comptent leurs sous en regrettant le bon temps du mark (Ach !) et les Espagnols sont jaloux que les Belges renflouent une ou deux banques françaises, on ne sait plus très bien. Mais qu’espérez-vous des chefs d’état ? Ils savent bien qu’ils n’ont aucun pouvoir, certainement pas sur la circulation folle de l’argent. Ils ont tout « dérégulé », rendu à la bonne volonté du marché. Alors, que leur reste-t-il sinon leurs dents pour rire. Justement, c’est ce qu’ils font. Regardez les photos à l’issue de chacun de ces sommets: ils se marrent, ils se poilent, ils se fendent la pipe. Rencontre au sommet ? Non, festival de la grimace.
Sortis de leurs très secrètes délibérations, c’est à qui sera le plus grimaçant devant l’objectif. Sarkozy ricane, Berlusconi se gondole, Angela Merkel plisse les lèvres. Même Gordon Brown esquisse l’ombre d’un projet de sourire, lui dont on croyait le visage définitivement affaissé depuis le jour où sa maman a donné son Yorkshire à son voisin en disant : « Tu comprends, Gordon, le petit Tony Blair en a plus besoin que toi ! » Il y a juste Leterme qui ne comprend pas très bien mais ce n’est pas grave. Bush lui expliquera.
Faut rigoler ! chantait jadis Henri Salvador. Oui, mais de quoi ? On leur a dit que leur air détendu allait rassurer les citoyens au bord de la panique. Facile à dire. On ne rit pas sur commande.
On comprend mieux alors pourquoi rien ne filtre de ces mystérieux caucus. Interventions de la banque européenne ? nouveaux instruments de contrôle ? coordination des actions des états ? Evidemment, non. Lorsqu’ils s’enferment, ceux qui nous gouvernent se racontent des blagues. Pendant des heures jusque ce que l’une d’elles déclenche enfin le rire salvateur. Et les précipite vers les photographes.
Plus tard, lorsqu’on écrira l’histoire de cette crise, j’espère qu’on n’oubliera pas de recueillir tous ces gags qui ont sauvé la planète. Histoire que nous puissions enfin nous marrer à notre tour.

Alain Berenboom
www.berenboom.com