MICHAEL L’ESPIEGLE

Dans une belle lettre d’adieu à son coéquipier Michael Goolaerts, le triple champion du monde de cyclo-cross Wout Van Aert écrit qu’il ne faudra jamais oublier Michael, ce gars espiègle avec son éternel sourire.

Espiègle ? Quel bel adjectif ! Tellement plus émouvant et déchirant que « castar » ou « forçat de la route ». Espiègle, c’est ainsi que Charles De Coster appelait son héros Thyl Uylenspiegel.

Thyl de Flandre, qui se jouait des occupants, ridiculisait les puissants et mettait les rieurs dans sa poche. Une belle façon de se souvenir du tout jeune champion belge, mort sur le bord de la route de Paris-Roubaix, pavée de mauvaises intentions le week-end dernier. On aurait tant aimé voir Michael faire des pieds de nez à tous les dikkenek du peloton et afficher son sourire solaire.

On n’oublie jamais les champions qui nous ont fait rêver, décoller, battre le cœur dans notre jeunesse. Pour moi, les envolées de Merckx, la grâce d’Ocana. Mais je me souviens surtout de quelques fous guidon, des fantaisistes qui étaient pourtant de grands champions. Tel Roger Hassendorfer, dit « Hassen le Magnifique », maillot jaune occasionnel du Tour de France mais surtout boute-en-train extravagant du peloton des années cinquante, un personnage qu’adorait Antoine Blondin. Et son collègue, Abdelkader Zaaf, qui fonctionnait au gros rouge qui tache au point de repartir après un arrêt café en sens contraire. Et, comment oublier notre délirant Michel Pollentier (surnommé Cuisse de Mouche), vainqueur du tour d’Italie (et disqualifié du tour de France) qui zigzaguait tellement sur le macadam qu’il donnait l’impression de parcourir deux fois la route de chaque course ?

Le vélo, c’est un intrigant mélange de farces et de drames. Le plus dur, ce sont ces champions ailés, foudroyés en plein vol.  Lorsque le spectacle redevient humain, terriblement humain, il offre une tel contraste avec ces courses où tout paraît huilé.

La mort de Stan Ockers, quand j’étais enfant, tombé brutalement sur la piste du Palais des Sports d’Anvers. Ou celle de notre tout jeune champion du monde Jean-Pierre Monseré, percuté par une voiture en plein effort.

Dimanche dernier, on ne pouvait qu’admirer l’exploit de Sagan, vainqueur dans le stade vélodrome de Roubaix. Mais, si choquant, d’entendre dans la bande son, l’annonce brutale que le cœur de Michael Goolaerts s’est arrêté de battre pendant qu’il pédalait.

Nul doute que Michael parcourt maintenant à toute pompe la voie lactée, qui a une sacrée plus belle gueule que les Champs-Elysées. Regardez bien le ciel et vous le verrez remonter une à une toutes les étoiles de la galaxie avant d’exploser en mille fois plus de couleurs que n’en compte le maillot du champion de monde.

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