KARATE A TOUS LES ETAGES

L’enquête menée par votre quotidien favori et par la RTBF révèle que 70 % des Belges sont favorables à un pouvoir fort. Mais, que signifie un pouvoir fort ? Il est dommage que les enquêteurs n’aient pas approfondi la question. Et n’aient pas demandé aux sondés quel est leur modèle. Poutine ou Erdogan ? Hitler ou Staline ? Gengis Khan ou Godefroid de Bouillon ?

Jusqu’ici, les Belges n’ont jamais aimé les grandes gueules, les rouleurs de mécaniques, les stoeffers et les dikke nek. Même à l’époque où le fascisme triomphant séduisait une grande partie de l’Europe, Degrelle s’est dégonflé plus vite que son ombre. Aucun homme providentiel ni aucune dame de fer n’ont réussi à rassembler les Belges. Si de Gaulle était né en Belgique, il serait au mieux devenu bourgmestre et madame Thatcher ministre de la culture.

La même enquête révèle d’ailleurs que, de toute façon, une très grande majorité de citoyens ne font plus confiance aux hommes politiques, ni aux partis ni même aux institutions. Tout le monde est balayé avec la même énergie, le « gentil » Charles Michel comme le « méchant » Bart De Wever, notre nouveau Che Guevara, Paul Magnette, autant que cette caricature de militant anti-immigré aux relations sulfureuses, Théo Francken.

Si notre pays est sur le point de couler et que son sauvetage n’est plus aux mains de nos excellences, qui alors pour nous faire le bouche à bouche ?

Certains, comme David Van Reybrouck, sont partisans du tirage au sort de ceux qui vont voter les lois. Les parlementaires seraient désignés par une main innocente comme les super vainqueurs du Lotto (mais un peu moins bien payés). Ils font le pari que les cinq cent vingt trois parlementaires (fédéraux et régionaux confondus) sortis de l’urne ressembleraient au professeur « nobellisé » François Englert, aux frères Dardenne – peut-être aux frères Taloche – mais le hasard peut aussi nous octroyer cinq cent vingt-trois clones de Laurent Louis. Aux abris !

On comprend alors la préférence des citoyens pour un seul boss, un homme fort. Hélas, Superman et Batman sont déjà occupés ailleurs. De plus, ils ne parlent ni français ni néerlandais. Kim Jong-un s’amuse tellement avec ses gadgets atomiques made in Korea qu’il n’a pas de temps à consacrer à notre pauvre royaume. De plus, c’est un étranger, ce qui n’est pas du goût de nos sondés. Qui alors ?

Jean-Claude Van Damme, bien sûr ! Un super héros au chômage, un homme qui maîtrise parfaitement la politique puisqu’il est spécialiste des arts martiaux après s’être frotté à la danse classique (un mélange contre nature typiquement belge) et un défenseur des produits de notre terroir (il a joué dans le film « Mort subite »).

JCVD for president. Et fini le blues noir jaune rouge.

www.berenboom.com

 

X ET COMPAGNIE

Comme tout le monde et comme le roi et le premier ministre, je me suis vivement réjoui cette semaine d’apprendre qu’un Belge, le professeur Englert, a décroché le jackpot de l’euromillion. Il était temps. Depuis le temps qu’il achetait ses petits bulletins de la Loterie, toujours perdants, les budgets de la recherche en Belgique avaient fondu comme neige au soleil. Et mon collègue de l’ULB (ça fait chic, hein ?) n’avait presque plus les moyens de se payer son ticket pour faire comme chaque dimanche un petit tour dans la machine à remonter le temps. Un rituel auquel il n’a jamais renoncé malgré son âge. Il adore ça, monsieur Englert, retourner au moment zéro de l’histoire de l’univers pour observer le bing bang par le hublot avant de revenir chez lui juste à l’heure du poulet-compote. Merci, monsieur Einstein – c’est lui qui a inventé l’attraction.

Discours, gâteaux, champagne, l’ULB en fête, très bien tout ça. On a même réussi à écarter discrètement son ex-collègue, Chichah et son groupe de clowns, qui auraient voulu intervenir pour rappeler en chantant – burqa ! blabla! – qu’Einstein, Englert, c’était que des imposteurs. Que le big bang, Adam et Eve et tout le reste, même l’ULB, c’était une idée du prophète…

Enfin, ce qui a surtout fait sauter les bouchons, ce fut le chèque. Un petit papier plein de zéros venu de Suède et tiré sur la succession de monsieur Nobel, le type qui a inventé nitro et dynamite, les produits qui ont ouvert l’âge des armes de destruction massive (dont Einstein, toujours lui, a complété la panoplie quelques années plus tard avec l’inconscience du professeur Tournesol).

Résumons-nous : le professeur Englert a réussi à expliquer comment s’est formée la planète Terre et son mécène, Alfred Nobel, comment la faire sauter. Etonnant raccourci !

Quel Belge succédera à F. Englert au palmarès de Stockholm? En éducation physique, peut-être. Mais en physique, aucun. Pourquoi ? Inutile de faire appel à la théorie des quanta. Comparez le salaire d’un footballeur ou d’un cycliste à celui d’un chercheur en Belgique. Et vous aurez la réponse.

Evidemment, en échange de leurs plantureux émoluments, nos génies du sport acceptent de s’exhiber en petites culottes et maillots en lycra, portant le nom de leur sponsor en lettres fluo. Et de se soumettre à des tests humiliants pour vérifier qu’ils ne sont pas dopés. Mais, si cela ouvrait les cordons de la bourse, je parie que la plupart des émules d’Englert seraient prêts à travailler avec la photo de Didier Bellens sur leurs T-shirts et même à faire pipi dans une éprouvette chaque fois qu’ils entrent et qu’ils sortent de leur labo.

Un prix Nobel, un pays se le fabrique dès l’école primaire…

www.berenboom.com