HOMMAGE A LA CATALOGNE

  Avant d’écrire « 1984 » (qui terrifie par son incroyable actualité), George Orwell avait participé à la guerre d’Espagne, plus particulièrement aux batailles livrées en Catalogne en 1936-37 face aux troupes franquistes. Ceux qui s’intéressent à l’actualité politique catalane feraient bien de se plonger dans son « Hommage à la Catalogne » (republié chez 10/18) qui livre encore quelques clés pour comprendre cette région singulière et ses rapports avec le reste de l’Espagne.

Ainsi, cette phrase : « Dans cette guerre, on eût dit que c’était toujours à qui manquerait l’autre ». N’est-ce pas un résumé laconique mais implacable de l’incompréhension historique entre l’Espagne et sa région la plus remuante et de l’échec des gouvernements successifs de Madrid et de sa justice ? 

Un pouvoir central qui privilégie systématiquement à la politique de la main tendue celle de la main sur la figure. 

L’Espagne, devenue en quelques années, une des plus belles démocraties d’Europe, a réussi à vaincre et à effacer cinquante années de dictature puis la terreur des têtes brûlées de l’ETA. Or, voilà que sa justice prononce une condamnation qui semble, vue d’ici, purement politique, ce qui rappelle d’atroces souvenirs. C’est surtout un terrible aveu de faiblesse, d’incapacité à dialoguer avec des leaders élus, qui représentent la majorité au parlement de leur région. Des leaders qui n’ont pas de sang sur les mains, qui n’ont pas appelé à la violence et qui ont mené un combat discutable mais avec des moyens démocratiques. On pourrait qualifier les Catalans d’égoïstes. Une région riche qui ne veut pas se montrer solidaires du reste du pays, cela nous rappelle quelque chose. Mais il faut aussi se souvenir de l’importance en Catalogne des idées anarchistes, comme le souligne encore G. Orwell (ces anarchistes qui furent décimés à la fois par les franquistes et par les communistes staliniens). 

Que la plus grande majorité des citoyens espagnols (et près de la moitié des Catalans) s’oppose à la sécession de la Catalogne aurait dû donner la force aux gouvernements espagnols de négocier avec les indépendantistes. Au lieu de quoi, ils ont choisi la voie aveugle de la répression puis de la prison qui ne va mener qu’à l’escalade et à la violence. 

L’incapacité des gouvernements menés tant par le parti Populaire conservateur que par les socialistes s’explique en partie par l’extrême faiblesse des majorités dont disposaient d’abord M. Rajoy puis P. Sànchez. Incapables de la moindre audace, sans marge de manœuvre politique et sans doute sans vision. 

Prenons-y garde. Comme en Belgique, c’est la démocratie qui est en danger lorsque le pouvoir doit sans arrêt courir sur sa droite puis sur sa gauche puis sur son centre pour simplement exister. 

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VALLS A MILLE TEMPS

A un horticulteur au chômage, le président Macron a signalé qu’il lui suffisait de traverser la rue pour décrocher un job.

Manuel Valls a entendu la leçon. Montrant sa fidélité au parti qui l’avait (très mollement) investi aux dernières législatives et aux instructions éclairées de son chef, Valls (lui aussi désœuvré) s’est retrouvé de l’autre côté des Ramblas. Proclamant à qui voulait l’entendre qu’il ferait un parfait maire de Barcelone. La proximité du Musée Picasso semble avoir beaucoup inspiré sa première déclaration officielle en catalan.

Mais, ce n’est pas l’ex-président indépendantiste Carles Puidgemont qui va lui lancer la première pierre, lui qui n’en est qu’au cinquième cours de néerlandais pour nuls et futurs mandataires N-VA.

Valls peut se revendiquer de prestigieux mais trop rares prédécesseurs. Tel Tom Paine, l’un des pères de la révolution américaine, qui rejoignit la France lors de la Révolution où il devint député à l’assemblée nationale. Un des premiers à défendre l’idée de revenu universel, qui, on le voit, met vraiment longtemps à être prise en considération ! (Lisez sa belle bio par le grand écrivain américain Howard Fast).

Autre internationaliste magnifique, Garibaldi, le maître d’œuvre de l’unification italienne, qui fut un court temps député à l’Assemblée nationale français représentant les circonscriptions de Paris et d’Alger ! (On maniait déjà le grand écart à l’époque). Avant d’être obligé d’abandonner son mandat sur la pression de la droite sous prétexte qu’il n’était pas français. Ah ! Cette sacrée nationalité qu’on oppose toujours aux migrants ! (Alexandre Dumas a décrit ce personnage extravagant qui semble sortir de son imagination dans « Viva Garibaldi ! »)

L’initiative de Valls devrait donner des idées à d’autres grands formats de la politique européenne qui (pourquoi pas ?) pourraient cumuler des mandats transfrontaliers. A l’instar de l’ancien maïeur d’Ixelles, Yves de Jonghe d’Ardoye qui s’était aussi présenté comme  maire d’une petite ville du Périgord. Ou de Paul Magnette sollicité par les débris du PS français pour conduire leur pauvre liste aux élections européennes.

Puidgemont étant en délicatesse avec les juges locaux, pourquoi Bart De Wever n’affronterait-il pas Valls à la mairie de Barcelone ? Et Matteo Salvini chez nous où il remplacerait avantageusement ce mollasson de Théo Francken, si complaisant avec les immigrés délinquants.

Même si en Belgique, cette simplification semble impossible : personne n’imagine réunir sur une seule tête les compétences en matière de politique scientifique, de santé, de sports, d’enseignement ou d’emploi émiettées entre des chapelles, autorités, communautés, multiples, toutes jalouses de leurs misérables pouvoirs.

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