BON ANNIVERSAIRE, MISS !

  On avait presqu’oublié son âge tant elle semble toujours jeunenette, vive, ravageuse. Plus folle que jamais. Mais, sous son visage, habilement fardé, quelques signes ne trompent pas. Non. Elle n’a pas cinq ans comme le prétendent ses proches, d’un air faussement innocent. Elle n’est venue au monde en 2008, ni même en 2001. Elle fête cette année ses quarante ans.

Mademoiselle La Crise est née en 1973, quelque part au Proche Orient, comme… Oui. Mais pas à Bethléem. Pas loin pourtant. Tandis qu’Israéliens, Egyptiens et quelques autres se tapaient comme d’habitude sur la figure, elle a débarqué sur terre, pendant la guerre presqu’oubliée de Kippour. Il y en a tant eu depuis dans la région, qui ont à leur tour alimenté le biberon de mademoiselle La Crise.

La naissance de La Crise, beaucoup s’en souviennent encore. Dès son premier cri, elle en a fait du bruit. Songez que la veille de l’accouchement, le baril de pétrole était à 3 $. Au moment où l’on a coupé le cordon ombilical, crac ! il a brutalement quadruplé. Et décuplé quand elle a fêté ses six ans, pendant qu’éclatait dans la salle de jeux une nouvelle guerre, cette fois entre l’Iran et l’Iraq…

A l’époque déjà, Mademoiselle laissait dans son sillage des traces difficiles à effacer, malgré les efforts de sa maman. A chacune de ses crises de nerfs – elle en était coutumière et aucun psy n’a jamais réussi à la soigner – , elle cassait ses jouets et c’est tout le quartier qui souffrait : explosion du chômage (à 5% des actifs dans les pays de l’OCDE, on annonçait la fin du monde…), diminution de la production industrielle, hausse des prix, augmentation de la dette publique, incapacité de l’Europe de négocier ensemble notamment face aux pays de l’OPEP. Voilà les dégâts que Mademoiselle a fait tout bébé encore. Quarante ans plus tard, Mademoiselle La Crise peut se vanter de rentrer toujours dans les mêmes habits. Elle n’a pas pris un gramme de graisse.

Mademoiselle La Crise. On l’appelle toujours mademoiselle, comme Coco Chanel. Comme elle, d’ailleurs, elle nous taille un de ces costumes ! Pas un jour où l’on ne parle d’elle de façon craintive, médisante, angoissée.

Mademoiselle. Car qui oserait briser son célibat, affronter ses terribles colères, quand elle casse tout sur son passage ? Berlusconi a bien tenté de l’apprivoiser. Mais les soirées bunga-bunga n’ont eu aucun effet apaisant sur elle. Sarkozy, Zapatero, tous ces hommes qui croyaient la mater, elle les a balayés.

Chaque génération imagine que La Crise vient de naître et que mademoiselle va disparaître dès que les petits jeunes auront pris la direction du ménage. Mais non, les générations passent, les dirigeants politiques trépassent tandis que Mademoiselle triomphe, plus forte, que jamais.

Puisque tous les hommes ont échoué, peut-on espérer que ce soit une femme qui parvienne enfin un de ces jours à dompter notre terrible demoiselle ?

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