LE COMBAT DES CHEFS (COQS)

   D’habitude, les compétitions de type Top Chef se présentent comme un simple crochet. Le vainqueur occupe la plus haute marche du podium suivi des autres lauréats. 

En Belgique, c’est beaucoup plus compliqué. Le jeu oppose quatre équipes qui travaillent chacune dans leur coin mais qui, à un moment, vont devoir mélanger leurs plats tout en ne les mêlant pas. Je vous ai prévenu, un vrai casse-tête. Qu’on appelle un waterzooi de pigeons. 

  Dans l’équipe des Coqs, le chef est italien. Il a pris pour aboyeur un prolétaire et comme commis un gars vert comme une salade mais gai comme un pinson (que sa couleur ne vous coupe surtout pas l’appétit !) 

   Les débuts sont un peu pénibles. Car la brigade se divise sur le plat à réaliser pour décrocher la timbale. Le chef tient à des pâtes aux asperges. Non, coupe le prolétaire. C’est un légume d’aristo ! Et un aphrodisiaque destiné à détourner les prolos de leurs combats. Le commis suggère le risotto de quinoa aux légumes anciens. Ce qui le fait envoyer fissa par les autres à la plonge. 

Pourquoi pas des pâtes au curry et à la basilique ? suggère un des serveurs. Non, s’écrient en chœur les trois membres de l’équipe : le CDH est dans l’opposition ! Qu’il y reste !  

Le prolétaire tape sur la cuisinière (se brûlant au passage). Ca suffit, ces discussions ! Entre camarades, on mange des boulettes. Un poing c’est tout. Et servies gratuitement, svp. Basta cosi, Elio! 

  Dans l’équipe des lions, ce n’est pas non plus la fiesta. Ils sont cinq à se marcher sur les pieds. Et qui ne comprennent rien à ce que dit le chef, vu qu’il s’obstine à parler en latin. 

   « Teneo lupus auribus » signifie pourtant « je tiens le loup par les oreilles », façon élégante pour lui d’annoncer à la brigade qu’il essaye de tenir les fachos hors de sa cuisine. 

Il faut dire que les loups mis à part, les autres membres de l’équipe ne font pas le poids. L’un est aveugle (il n’a pas vu venir la raclette qu’il a pris sur la figure le jour des élections) et l’autre est sourd. Quant au commis vert, il est bien le seul à vouloir bannir la viande faisandée de la recette. 

  La troisième équipe, qui affiche un iris un peu décoloré sur son tablier, est la plus discrète. Elle a choisi un plat sans saveur, sans sel, sans épices et sans sauce croyant éviter ainsi l’indigestion. 

Celle qui guette la dernière équipe, la plus divisée des quatre. D’avance, elle a annoncé que la cuisson sera lente, très lente. Pour s’assurer d’une basse température dans l’office. Composer cette quatrième brigade est très compliqué vu que ses membres viennent tour à tour des autres équipes et qu’ils arrivent en ordre dispersé, chacun avec un morceau du plat qu’il a cuisiné dans son coin. Ce qui promet une sacrée ratatouille ! 

  On ne sait qui va mettre bon ordre dans ce chaos. Mais une chose est sûre : Cave canem ! 

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EN VERT ET CONTRE TOUS

Hissez les couleurs, mille sabords ! De loin, « La terre est bleue comme une orange » (Paul Eluard). De près, elle scintille de mille couleurs depuis que « la lumière fut », des folles paillettes de la queue du paon à la peau kaléidoscope du caméléon. Il n’y a que chez les hommes que, côté couleur, ça grince un peu.

En entendant crier : V’là les roûches ! Ou Allez les Mauves et Blancs ! les uns se mettent à vociférer et les autres au garde-à-vous. Chacun dans son coin, chacun coincé dans sa couleur. Selon que la mariée s’habille en noir, en jaune ou en violet, l’histoire du couple sera différente. Dans la société homo soi-disant sapiens, la couleur vous colle à la peau. On a beau être riche et célèbre comme Michaël Jackson, changer de peau finit le plus souvent en tragédie.

L’arc-en-ciel, ça existe pourtant. On en rêve. Mais c’est loin, très loin. « Somewhere over the Rainbow » chantait Judy Garland pour échapper au « désordre sans espoir » de ce monde et voler jusqu’au pays d’Oz où « les soucis fondent comme du sorbet au citron ».

Mais, quand les syndicats crient « on est à l’os ! », ils ne célèbrent pas le Magicien. Pourtant, le gris souris des prisons wallonnes n’est pas une fatalité.

La preuve par l’Autriche dont le vert pomme a permis à ce qui reste de l’empire d’échapper au brun sinistre. En espérant que le noir Marine ne recouvre pas la France où le rouge peu à peu rose est devenu presque transparent. Reste comme toujours Angela Merkel dont la couleur extravagante des vestes, canari ou saumon, permet de garder le moral. En attendant de découvrir qui redonnera du Technicolor à l’Espagne.

Chez nous, dès sa mise en place, le gouvernement avait tenté de mêler les couleurs en annonçant fièrement la suédoise. Il s’est plutôt mêlé les pinceaux. Certains observateurs avaient prévenus : le mélange bleu orange avec le noir et jaune sentait bon le kamikaze…

Après deux ans de travaux, chaque couleur fout le camp de son côté. Les murs de la rue de la Loi ont repris l’aspect lépreux dans lequel Charles Michel les avaient trouvés.

Ceux qui rêvent du retour d’une bonne couche de rouge devraient prendre garde. Aux Etats-Unis, le rouge est la couleur des républicains de Donald Trump. C’est le bleu, la couleur des démocrates. Preuve qu’en matière de couleur, tout est relatif et trompeur. Une couleur peut en cacher une autre.

Avec l’Euro de foot, on s’attend à un feu d’artifices mais une fois encore les couleurs ne se mélangeront pas. Au contraire. Dans le sport, c’est chacun pour soi. Peut-on compter alors sur les manifestants qui remuent et bloquent Bruxelles et Paris ? Au lieu de se fâcher tout rouge, ils pourraient aller vérifier, du moins si les trains se remettent à rouler, la légende qui promet un pot d’or à tous ceux qui arrivent jusqu’au pied de l’arc-en-ciel.

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GOOD NEWS

Vous n’osez plus ouvrir votre journal depuis quelques mois ? Le monde repeint en noir vous prend à la gorge ? Je partage votre sentiment. Et j’ai décidé de vous redonner le goût de l’actualité. Et quelques occasions de vous réjouir de ce début d’année 2015. En oubliant les attentats, les catastrophes, les meurtres et les guerres aux portes de l’Europe. Oui, il y a aussi de bonnes nouvelles.

Tenez. Les vacances de Bart De Wever. Parti aux sports d’hiver avec sa joyeuse famille, le président de la N-VA a réussi à n’agresser personne pendant toute une semaine. Entouré par un escadron entier de policiers, même s’il avait glissé sur la poudreuse, notre génie des Carpates et des Alpes réunies se serait heurté à un véritable mur humain. Tandis que quatre véhicules blindés, également envoyés de Bruxelles, l’empêchaient de se jeter sur d’autres skieurs. Le ministre de l’intérieur, décidément très prévoyant, avait même ordonné que l’escorte soit armée, ce qui aurait permis de l’abattre s’il n’y avait vraiment rien d’autre à faire pour maintenir intacte l’image de la Belgique.

Autre bonne nouvelle, l’indice électricité est au vert, comme le répète matin, midi et soir le bulletin météo.

Cet indice tout neuf, créé spécialement pour sortir les déprimés de leur torpeur, ne sert à rien. Il ne passera au rouge que si une succession d’attentats coordonnés faisaient sauter toutes les centrales en même temps une nuit de grand gel. Mais l’astuce est d’avoir compris combien il était rassurant pour l’auditeur d’entendre une non-information. Par les temps qui courent, le fait qu’il ne se soit rien passé est déjà une bonne nouvelle. Quel truc diabolique, ce fameux indice ! Les têtes pensantes d’Electrabel méritent l’oscar du meilleur scénario. Jamais plus, le gouvernement n’osera toucher à ses privilèges ou à une seule pièce d’or de son trésor de guerre. Sinon, gare ! L’indice passera à l’orange et, si votre sale main publique continue à fouiller ma poche, au rouge. Et là, panique garantie !

Mais que faire pour maintenir la bonne humeur lorsque l’hiver sera fini ? Avec l’arrivée du printemps, je suggère dans la même veine l’indice bourgeon vert. Là non plus, on ne court aucun risque. Dès la fin du mois, la météo annoncera l’arrivée de nouveaux bourgeons dans nos parcs et nos jardins. D’abord à la mer puis, peu à peu, le bonheur gagnera tout le pays. On peut faire illusion facilement pendant un mois. Après, faisons confiance à Electrabel. Elle trouvera autre chose pour faire peur. A moins que les banques ne sortent à leur tour de leur chapeau une idée lumineuse. Elles sont aussi imaginatives que notre électricien quand il s’agit de secouer les caisses de l’état.

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DARWIN SUPER STAR

 

L’imagination de la nature m’a toujours fasciné. Les couleurs folles des oiseaux tropicaux, l’arc en ciel des caméléons, la capacité de certains insectes de changer en quelques secondes leur robe noire en un habit tacheté ou en une longue traîne rouge selon les feuilles ou les fleurs qu’ils butinent. Dans le monde animal, les mutations explosent comme des feux d’artifice. Oh ! La belle bleue ! Oh ! La belle rouge !

Certains esprits superficiels croient que l’homme n’a pas cette faculté. Certes, la mutation ne s’opère pas de la même façon chez tous les membres d’une même espèce. Mais une étude récente montre que chez les homo sapiens sapiens, l’aptitude à changer de peau est substantielle à leur développement. Les plus évolués des mammifères sont à chercher du côté de l’homo politicus. De tous les êtres humains, c’est celui qui montre le plus de talent à varier de couleur en un tournemain. Chez certains exemplaires peu avancés, ce changement physique est facile à repérer. Lorsqu’il se contredit, la peau de son visage rougit ou elle se couvre de plaques. Chez d’autres, le nez s’allonge exagérément – le syndrome de Pinocchio. Les homo politicus sur lesquels ces phénomènes sont aussi faciles à observer ne font pas long feu. Car ils seront incapables de s’adapter aux modifications profondes de leur milieu.

En revanche, chez d’autres, la transformation est si totale qu’elle passe inaperçue. Ce sont les mutants les plus accomplis. Ceux qui vaincront les autres, selon la dure loi de Darwin. Prenons un exemple. Bart De Wever. D’après certains chercheurs, ses aïeux flirtaient pendant la deuxième guerre mondiale avec la couleur noire, tirant parfois sur le vert bouteille, couleur dominante à l’époque. Quand le vert bouteille a été balayé, Bart s’est mis au noir et jaune, nouvelle couleur à la mode. Et dans quelques semaines, il sera capable sans rougir de se mettre au bleu ou au rose indifféremment pourvu que cette nouvelle couleur lui assure le trône couvert d’or d’empereur des animaux.

Guy Verhofstadt a lui aussi réussi sa mutation, un spectacle qui laisse aussi ébloui que celui d’un paon faisant la roue. En passant du bleu le plus profond au vert vif sans paraître le moins du monde incommodé. Et Elio ? Lui qui faisait campagne lors des précédentes élections sur le thème : le bleu ? Jamais ! Aussitôt élu, il s’est empressé de mélanger beaucoup de bleu et un peu de rouge, tout en ménageant l’orange et en neutralisant le vert. Quel peintre aurait pu égaler une telle performance ?

C’est ça qui est angoissant quand on va voter, choisir la couleur d’un bulletin et s’apercevoir qu’il change de teinte dès qu’on l’a glissé dans l’urne.

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QUAND LA FRANCE SE MET AU VERT

A quoi ressemblera la France quand, à la surprise générale, monsieur Cheminade aura été élu président ?

Lorsqu’il a annoncé dans sa première allocution télévisée l’inauguration de l’ambassade de Mars sur l’esplanade des Invalides, tout le monde a rigolé. Un peu moins quand un vaisseau en forme de soucoupe s’est posé à côté du tombeau de Napoléon. Plus du tout quand un millier de petits hommes verts ont débarqué en poussant des glapissements.

Puis, l’émotion retombée, les premières critiques ont commencé à s’élever.

L’ancien président Sarkozy a exigé la destitution de son successeur pour violation des lois sur l’immigration. « Dégage, pôv’ vert ! » s’est-il écrié quand un Martien est venu protester sous ses fenêtres.

Les évacuer mais comment ? Airbus a dû reconnaître que la technologie française, pourtant la plus avancée du monde, ne permettait pas d’assurer sans risques pour la santé (des accompagnateurs français) leur rapatriement sur la planète rouge. Alors, les reconduire à la frontière de l’Europe ? D’après les conventions internationales, la France étant le premier pays d’accueil, on ne pouvait les renvoyer. Le premier ministre, Jean-Luc Mélenchon, a bien suggéré d’abolir les conventions internationales qui portaient « atteinte à la cause du peuple français », le parlement restait divisé sur la question.

Les représentants du culte sont aussi entrés dans la danse le jour où il a fallu enterrer un Martien écrasé par un autobus touristique. Juifs et Musulmans ont refusé de céder un pouce de leur carré aux petits hommes verts ; déjà que leurs pauvres morts doivent se pousser pour trouver une petite place. Les catholiques ont invoqué le refus du pape, lequel a dit que le fils de Dieu n’est pas mort pour les petits hommes verts. Et les cimetières publics ont aussi refusé de l’accueillir en invoquant la loi de 1881 qui réserve les sépultures municipales laïques aux êtres humains. Pas humains, les Martiens ? La ligue des Droits de l’Homme est montée au créneau en rappelant de sinistres précédents. Ce que certains avaient osé dire des Noirs allait-il se répéter avec les verts ? Les Ecolos aussi ont défilé aux cris de « nous sommes tous des petits hommes verts ! »

Le pays risquait la guerre civile lorsque le chef des Martiens eut la bonne idée de signaler enfin la raison de leur présence en France. S’ils étaient venus au pays du président Cheminade, c’était pour acheter des armes et des centrales nucléaires. Aussitôt, les querelles s’apaisèrent comme par miracle. A l’unanimité, le parlement les fit citoyens d’honneur de la république. Et l’on offrit même au petit homme une photo dédicacée de Carla Bruni, à laquelle il tenait tant.

 

 

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