BOUM!

En lisant le communiqué des quatre ministres de l’énergie, on a eu peur. Heureusement, notre cher Premier, coaché par son ami Bart (comme Trump par Steve Bannon), a remis nos bonnes centrales au milieu du village. Ouf !

Et, puisqu’on est reparti pour un siècle (sauf catastrophe), ne devrait-on pas parler de la répartition des centrales nucléaires sur le territoire ?

La Flandre et la Wallonie ont chacune la leur. Doel et Tihange. Et Bruxelles ? Pourquoi la région capitale n’aurait-elle pas à son tour une belle Westinghouse ?

Westinghouse… Cette marque résonne dans mes souvenirs avec un mélange de nostalgie et de jalousie. Ma maman avait convaincu mon père de lui offrir dans les années cinquante un beau frigo Westinghouse. Cette gigantesque machine a trôné dans sa minuscule cuisine pendant au moins vingt ans. Si elle avait dû choisir (genre : qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?), elle n’aurait pas hésité une seconde. Elle le chérissait, le chouchoutait bien plus souvent que moi. Et son frigo le lui rendait bien. Jamais capricieux, jamais en panne malgré ses micro-fissures, toujours un peu froid mais serviable et aimant.

Ma mère n’a heureusement pas connu le rachat de la vénérable entreprise par les Japonais de Toshiba en 2006. Toshiba, le constructeur de deux des réacteurs de Fukushima.

Et, comme une catastrophe n’arrive jamais seule, voilà que Westinghouse est tombée en faillite il y a quelques mois. Depuis, ses curateurs essayent fébrilement de trouver un amateur pour racheter la boîte. N’est-ce pas une magnifique opportunité pour le gouvernement bruxellois ? Et qui tombe à pic.

L’occasion pour Rudi Vervoort et son gouvernement de bras cassés de faire oublier tous leurs bêtes déboires dans la gestion de la capitale (tunnels, stade, et autres détails).

La région wallonne avait donné l’exemple en reprenant avec la FN d’Herstal, le fleuron US des armes à feu, Browning. Le succès économique n’est peut-être pas évident mais quel succès médiatique. FN est l’entreprise préférée des membres de l’association américaine des armes, tels le tueur fou de Las Vegas ou l’officier américain qui a tué treize personnes sur une base de l’armée au Texas.

Que les contribuables bruxellois rachètent Westinghouse comme les contribuables wallons ont racheté Browning, avouez que, pour la prochaine campagne, ça en jette.

Pour une fois, ce sont les Flamands qui envieront la capitale. Doel date de 1974 alors qu’elle disposera d’une centrale flambant neuve. Qui battra un autre record de la centrale flamande : de toutes les centrales construites en Europe, Doel est celle qui est située dans la région la plus peuplée (neuf millions d’habitants dans un rayon de moins de cent kilomètres). Avec notre centrale de Molenbeek, d’Uccle ou de Saint-Josse, c’est plus de dix millions d’habitants qu’il faudra évacuer.

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TRES, TRES CHERE NOBILE

D’après les experts, Tchernobyl et ses environs seront totalement décontaminés dans cent mille ans. On est heureux de cette bonne nouvelle pour l’Ukraine et la Biélorussie qui redeviendront bientôt de belles terres de tourisme et de gastronomie rurale. Les plus optimistes d’entre nous prennent déjà leurs réservations chez Neckermann.

Et chez nous ? Doel sur Escaut et Tihange sur Meuse demeurent de magnifiques destinations de vacances grâce à nos dirigeants avisés qui ont tiré les enseignements des catastrophes voisines et pris toutes les précautions. Dormez tranquilles, braves gens, une malheureuse contamination nucléaire, si elle devait survenir, sera inodore, incolore et insipide, promis, juré – s’ils mentent, Charles Michel et Marie-Christine Marghem iront en enfer : le gouvernement vient d’ordonner la distribution de petites pastilles d’iode. Ouf ! Une petite pastille suffit pour traverser les flammes tel Superman. Garantie du fabricant.

L’agence fédérale du contrôle nucléaire veille au grain. D’accord, on l’accuse de s’endormir quand Electrabel lui chante une berceuse, de regarder ailleurs quand apparaissent une petite fissure ou deux ou trois ou mille mais personne ne court chez Carglass à chaque éclat dans le pare-brise, n’est-ce pas ?

A force de critiquer le nucléaire, on en oublierait ses énormes avantages. Son prix d’abord. Il ne coûte rien ou presque. Sauf évidemment pour fabriquer la centrale et ensuite quand elle explose mais, bon, ça n’arrive pas sous chaque législature.

Ajoutons ses conséquences positives sur l’environnement. Nos amis français ne se proclament-ils  les meilleurs élèves de la classe verte en soulignant sans rire que les centrales n’émettent pas de CO2 ? Non, mais elles laissent des déchets. Très difficiles à éliminer depuis que la ministre des Poubelles a décidé de faire des économies en n’assurant plus qu’une tournée sur deux. Et j’ai beau chercher, elle a oublié de préciser dans quel sac on les fourre, les déchets nucléaires.

Quoique prétendent de mauvais esprits, les arguments pour prolonger la vie de nos chères centrales sont très sérieux. On critique leur âge ? D’abord, ce n’est pas très poli. De plus, voyez une seule bonne raison de les mettre à la retraite plus tôt que nous ? L’âge de la pension a été porté à 67 ans. Pourquoi Tihange et Doel bénéficieraient-elles d’un traitement de faveur ? Elles ont à peine quarante ans. D’accord, elles font une petite crise ces jours-ci. Mais, la crise de la quarantaine est un phénomène bien connu. Montée d’hormones et micro-fissures sont les bobos classiques des quadragénaires qu’on soigne avec un peu de patience et beaucoup d’amour. En espérant évidemment qu’il n’y ait pas de nouveaux hoquets, ce qui donnerait à cette chronique une chute malheureusement apocalyptique.

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