AH ! QUE LA GUERRE EST JOLIE !

     Jadis à l’école, un de nos profs nous expliquait que, malgré quelques inconvénients, la guerre n’avait pas que des défauts.

Et d’énumérer les bienfaits de 14-18. Sans la première guerre mondiale, expliquait-il le doigt levé, jamais l’aviation n’aurait décollé. (Conseil à Ryan air : offrez le transport gratuit à tous les poilus : cette pub est sans risques.) La Pologne n’aurait pas été indépendante et le tsar régnerait toujours, comme l’injustice, sur la Russie.

Il ajoutait la liste des inventions nées de l’industrie militaire: fermeture éclair, émaux de couleurs pour vernis à ongles, taxis de la Marne, sans compter les avancées de la médecine : chirurgie d’amputation, transfusions de corps à corps, j’en passe et des plus appétissantes.

Mais le plus important, soulignait-il, 1918 n’a pas été la victoire des alliés mais celle des femmes. Grâce à la guerre, elles ont coupé leurs cheveux, remonté leurs jupes, regardé les hommes dans les yeux et dansé le charleston. Pour le droit de vote, il leur a fallu une guerre de plus.

Maintenant qu’il ne reste plus un seul ancien combattant pour souffler les cent bougies ou ranimer celle du soldat inconnu, pas un pour raconter le bon temps des veillées dans les tranchées, au milieu du sang, de l’odeur et de la boue, que reste-t-il de cette foutue guerre ?

Contrairement à la légende, l’histoire des hommes ne sert pas de leçon à leurs successeurs. A la guerre ont succédé les guerres. Et le siècle qui s’est ouvert à Sarajevo par deux coups de pistolet (fabriqués, paraît-il, à Herstal) s’est terminé sous la mitraille des snipers dans les mêmes rues de Sarajevo.

Reste tout de même un héritage de la der’ des der’, un seul, les oeuvres magnifiques qu’elle a inspirées et qui peuplent pour toujours notre imaginaire. Au hasard de mes souvenirs (et pardon pour tous mes oublis), des dessinateurs (Tardi), des cinéastes (« Les Sentiers de la Gloire » de Kubrick, « La Grande Illusion » de Renoir, « La Victoire en chantant » de Jean-Jacques Annaud ou le magnifique « Maudite soit la guerre ! » film belge de 1913 d’Alfred Machin, qui anticipe le conflit). Des chansons (Merci à Brassens !) ou du théâtre (« Ah Dieu ! Que la guerre est jolie ! » de Joan Littlewood). Et surtout des tas de merveilleux romans. On va relire évidemment « A l’ouest, rien de nouveau » de E.M. Remarque, « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust (avec ses beaux portraits des planqués) ou les « Thibault » de Roger Martin du Gard et « Johnny s’en va en guerre » de Dalton Trumbo (qu’il a lui-même adapté au cinéma). Mais, ne passez pas à côté du « Prophète au manteau vert » (qui se passe à la frontière russo-turque), signé du plus merveilleux raconteur d’histoires de l’époque, John Buchan.

Mille ans de plaisir…

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