EMBRASSSONS NOUS FOLLEVILLE !

   Enfin, la Saint Valentin ! Avec ce qui nous est tombé sur le coin de la notche depuis le début de l’année, alors qu’on croyait avoir déjà fait le plein de calamités en 2022, on tente de se convaincre que, dès la semaine prochaine, on va enfin recommencer à respirer. Le temps d’une journée en tout cas. 

    La fête des amoureux… Rêvons un peu et embrassons-nous, Folleville ! comme le proposait le génial Labiche. Qui, il est vrai, a aussi écrit La poudre aux yeux… 

    Mais où fêtera-t-on ce mystérieux saint qu’on ne saurait voir puisque le pape Paul VI l’a rayé du calendrier liturgique romain ? Sans doute pas en Turquie et en Syrie, accablées par les convulsions de la croûte terrestre. Saint Valentin n’est pas une fête musulmane. En Russie non plus, hélas. La Saint Valentin n’est pas une fête orthodoxe.  

  Côté belge alors ? Avec les élections qui s’approchent (un an en politique c’est à la fois un siècle et une seconde), on ne peut pas s’attendre à ce que couple flamand-wallon oublie tout et s’enlace. Hélas, l’amer est au programme des prochains mois. Et on ne va pas se marrer. D’autant que les revendications des uns et des autres sont vagues. Suffisamment pour susciter la tempête. Les partis extrémistes flamands se déchaînent, promettant l’apocalypse si on n’obéit pas à leurs diktats flottants. Mais, même si nos tanks n’ont pas été envoyés en Ukraine, rassurons-nous, ils ne sont pas en état d’envahir les plaines wallonnes. Même pas d’avancer jusqu’au prochain garage. 

  Méfions-nous aussi des signaux incompréhensibles. Ainsi de ces ballons d’apparence si sympathique envoyés par la Chine. Que signifiait ce délicat lâcher ? Une façon de clôturer les fêtes du nouvel an chinois ou le signe qu’ils participaient eux aussi à la joie des amoureux ? Comme ils n’y ont pas accroché de petit mot ni de bonbons, les Américains n’ont pas attendu le 14 février pour les couler au fond de l’Atlantique. L’amour vache… 

   Une preuve de plus qu’on ne se comprend plus quand on parle d’amour ?  Pour Poutine, ses armées ne font pas la guerre. Ils ramènent à la maison les cousins du sud tant aimés. 

  Le mot amour il est vrai a de multiples acceptions plutôt contradictoires. L’Amour est un fleuve qui sépare la Chine et la Russie et dont le tracé a servi de prétexte à une guerre entre les deux pays en 1969. 

  L’amour est aussi un poisson blanc nuisible, une bête moche, qui détruit la flore des lacs et des rivières et qu’il faut éliminer. 

   L’erreur est peut-être de limiter l’amour à un seul jour de l’année. Comme il y a une journée mondiale des câlins, des droits des femmes, du yoga, des lépreux, de l’épilepsie, du thon et même du rouge à lèvres. Décidons que désormais, l’amour c’est tous les jours. A bas la Saint Valentin ! 

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ONE FOR MY BABY

   Comment fêter la première Saint Valentin sous Covid ? 

    Au resto, au cinoche, au ski, sur les bords de la Méditerranée, en remontant le Nil, en descendant le Zambèze, en visitant le Louvre, en organisant un bal masqué où seule la bouche restera découverte, en invitant les potes à un apéro sur les échafaudages du Palais de Justice, en s’offrant une place au premier rang du prochain concert de Lous and The Yakuza ? Non, non et non. « Streng verboten » comme braillait l’officier allemand en énonçant une à une toutes les activités interdites dans le camp de prisonniers qui accueillait Jean Gabin, Carette et les autres dans « La grande Illusion ». 

Quoique… 

 Dans une belle lettre écrite à la plume sur du papier épais, pourquoi ne pas vous engager à offrir à votre amoureux-amoureuse tous ces plaisirs dès que vous aurez décroché tous les deux le précieux sésame qui ouvrira les portes du « monde d’après », le certificat de vaccination qui va désormais accompagner nos vies, aussi sûrement que votre tatouage intime ou la photo de votre maman qui ne quitte jamais votre portefeuille ? 

   Déjà les messages entre amoureux prennent un tour inhabituel : « chéri, je ne veux que toi dans ma bulle ! » 

   En attendant, quelques trucs pour faire la fiesta en toute légalité : passez la soirée à monter et à descendre serrés l’un contre l’autre dans un ascenseur (choisir de préférence un immeuble-tour), faire du kayak (l’amour méthode Sophie Wilmès), déboucher des bouteilles de champagne sur le balcon (attention, les policiers très énervés ces derniers temps risquent de répliquer à balles réelles), faire le tour de la terre dans une fusée d’Elon Musk, manger du homard au fond de la mer (la Covid déteste l’eau salée), vous lancer dans une « activité sportive outdoor, sans contact, dans des infrastructures extérieures dans une zone définie de minimum 10 m2 par participant, sans entraîneur actif » (Désolé, la traduction de cette faveur octroyée généreusement aux amoureux par la Ministre Glatigny n’est pas jointe.)   

    Vous pouvez aussi louer un théâtre et réciter sur scène pour, votre invitée du jour, seule dans la salle, « Les Méfaits du tabac » de Tchekhov ou « Le Journal d’un Fou » de Gogol (les monologues russes sont Dieu merci redevenus à la mode depuis le succès de Spoutnik V). «Les Monologues du Vagin » ? Vous pouvez tenter le coup mais c’est du poker… 

Mais le mieux pour séduire votre belle spectatrice est d’écrire vous-même votre monologue. Allez-y carrément, glissez-y tous les sous-entendus que vous rêvez de lui susurrer à l’oreille, aucun critique ne sera en coulisses pour démolir vos efforts ! 

   PS : One for my baby (and one more for the road) a été composée par H. Arlen et J. Mercer. Interprétée par Sinatra, c’est magnifique ; par Ella, c’est sublime!  

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SEARCH AND DESTROY

   Le problème avec la Saint Valentin c’est que cette sacrée fête ne se célèbre jamais dans la discrétion. Ce jour-là, les amoureux se sentent obligés de s’afficher, de se faire des mamours au resto qu’ils étalent immédiatement sur Facebook, façon que tous les amis et assimilés sachent bien que le couple est solide, uni jusqu’à la fonte des glaces. 

Mais que font les couples discrets ce jour-là ? Ces duos qui se tournent autour sans être certains de s’aimer mais qui sentent monter les affinités entre eux ? Et ceux qui préfèrent ne pas se mettre sous les spots pour ne pas croiser le regard d’un autre partenaire, pas très heureux de les surprendre ?  

Exemples au hasard ? Bart De Wever et Paul Magnette doivent s’enfoncer dans les épaisses fumées du sauna du Calypso pour se rencontrer et se tâter à tâtons. 

Koen Geens et son président Daniël Coens sont obligés de danser le tango dans le parloir de la prison de Forest le vendredi, jour de grève des gardiens. 

Le problème de beaucoup de couples amoureux, c’est la famille. On s’aime mais quel boulet de supporter les parents, cousins et tontons qui se collent à vous justement les jours de fête. Bart et Paul, entre eux ça baigne. Jusqu’à ce que survienne le cousin Théo Francken avec ses grands pieds et sa grande gueule. Et la soirée est fichue. Et que faire du vieil oncle Siegfried ? Ce pauvre Bracke, qui n’a plus tout à fait sa tête, dont il faut supporter les grognements et les grands discours alors que les deux soupirants veulent juste se tenir la main en silence en regardant Philippe les bénir à la télé.  

   « Famille, je vous hais ! » écrivait André Gide, qui connaissait décidément bien la Belgique. Chez nous, inutile de brandir une composition de famille. On ne connait que la décomposition de famille. Pas une qui ne se déchire. Les sociaux chrétiens du Nord ne parlent plus à ceux du Sud (lesquels ont préféré changer de nom pour éviter toute confusion), les libéraux itou qui se font des mamours avant de se répandre en propos venimeux. Quant aux socialistes flamands, ils sont honteux quand on leur rappelle les affinités qu’ils ont osé entretenir jadis avec les socialistes wallons – avec le diable ! Reste les écolos qui sont encore trop verts pour se disputer. Mais attendez quelques années. Ils feront comme leurs vieux et glorieux aînés. 

  Dire que quelques audacieux ont imaginé de marier cinq, six, voire sept partis, en accompagnant la nouba par la musique des Quatre Saisons et en plaidant que plus on est de fous, plus on s’amuse. Je peux vous prédire comment se terminera ce genre de fête. Sur l’air de « Search and destroy » d’Iggy Pop. Un bon qualificatif, tiens, pour notre prochain gouvernement. La coalition Search and Destroy. Autrement plus sexy que la Vivaldi !   

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