ELIO, JEAN-MARC ET LE ROBOT

     Pour former des gouvernements en Belgique, l’intelligence n’étant pas au pouvoir, pourquoi ne pas convier l’intelligence artificielle ? 

  Un robot c’est rapide, propre et sans état d’âme. 

   Un ministre IA dont les décisions seront approuvées par un groupe de robots placé dans les assemblées parlementaires quelque part au dessus de l’hémicycle, voilà qui devrait éviter les coups de sang, les claquements de porte et les Tweets intempestifs qui font sauter les gouvernements aussi facilement et bruyamment que les bouchons de champagne.

  Il faudra évidemment programmer les robots à agir pour le bien des citoyens, pour l’intérêt général. C’est ce qui fera la différence entre les robots et cette mystérieuse société civile pressée par les Ecolos d’aider Verts et Rouges à bâtir une majorité sans majorité. Et à étayer le bazar quand l’édifice sera sur le point de s’écrouler sous les coups des oppositions. 

  Le problème avec le projet de Jean-Marc Nollet et son coquelicot, c’est qu’il y a autant de représentants de la société civile et d’intérêts particuliers qu’il y a d’associations, d’organisations et de citoyens. Chaque civil pense à lui et non à la société ! 

  Un robot, lui, n’a pas de passé, pas de passif, pas d’amour ni de haine plus ou moins cachés. Il n’aime pas Charleroi plus que Liège ou le contraire et n’a pas besoin de favoriser plus Bastogne que Jehay-Bodegné. Son disque dur sera soigneusement nettoyé lorsqu’il entrera au gouvernement. Un représentant idéal de la société civile sans mémoire, sans attaches, sans amis. 

  Autre différence entre le coquelicot et le robot : pendant sa courte vie, cette fleur fragile ne nécessite aucun entretien. Alors que, dans la société informatique, tout bouge sans cesse. Les mises à jour sont permanentes. Et gare aux bugs ! Si en plein conseil des ministres, le ministre déclare brusquement « 404 not found », le gouvernement est bloqué jusqu’à l’arrivée du technicien. Pour peu qu’il vienne de Chine, la Wallonie risque de rester aux abonnés absents un certain temps…

   Reste à savoir qui va programmer les robots wallons. 

  Pas un Wallon. L’engin doit rester neutre. 

   Un Flamand ? Trop risqué : il risque de décider de l’arrêt immédiat des transferts flamands. 

   Alors qui ? Trump ? Xi Jinping ? Ca risque de coûter cher au budget wallon ! 

  Décidément, devant la complexité du labyrinthe belge, il n’y a qu’Elio et Jean-Marc qui soient capables de faire la programmation. Mais qu’ils laissent aux robots la faculté de s’auto-détruire. Ils en auront peut-être bien besoin. 

  « J’aime à penser que la lune est là même si je ne la regarde pas », écrivait Albert Einstein. Qui sait si on peut en dire autant de la Belgique ? Quand vous reviendrez de vos vacances au loin, sera-t-elle toujours là ? Allez, bonnes vacances !

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CHERE MADAME LA BANQUE

Qu’il est loin le temps où je vous contais fleurette.

Quand j’étais bambin, je vous aimais déjà en secret. Chaque semaine, je collais dans le carnet d’épargne jaune que vous m’aviez offert des timbres de 1 franc, de 5 francs, parfois de 10. A la fin de l’année, je venais fièrement vous montrer mon carnet plein de taches multicolores avec autant d’émotion que j’allais serrer la pince de Saint Nicolas à l’étage d’un grand magasin de la rue Neuve.

Plus tard, nos relations ont continué, plus intimes, plus intenses. Je vous rendais visite à l’insu de mes parents. Vous et moi, vous en souvenez-vous ?, nous parlions argent et c’était bon – contrairement à ce que racontent quelques esprits gnian-gnian.

Vous m’avez tout appris, tout montré, tout permis, emprunter, placer, déplacer, assurer, dépenser, surtout dépenser. Qu’est-ce que j’ai pu dépenser pour vous plaire ! Rien n’était trop cher.

L’âge venant, vous paraissiez un peu moins folle. Plus maquillée. Plus rondelette – beaucoup plus rondelette. C’est que j’aime me nourrir de mes voisines, m’avez-vous expliqué avec un petit rire quand je me suis permis de vous en faire la remarque.

Vos goûts anthropophages m’ont effrayé, je l’avoue. Vous commenciez aussi à devenir trop grande pour moi et je lisais dans vos beaux yeux qu’un jour peut-être, pour combler une petite faim, je risquais moi aussi de passer à la casserole.

Un autre événement est venu bouleverser nos relations. Je n’ai pas aimé que vous perdiez votre accent bruxellois. J’appréciais beaucoup votre naturel, votre laisser-aller.

Je sais mais c’est devenu un handicap pour séduire la nouvelle génération, m’avez-vous répondu sans gêne. J’ai compris que c’était votre façon élégante de me faire entendre que je ne suffisais plus à votre bonheur. Croyant attirer d’autres hommes, plus jeunes que moi, et qui ne connaissaient pas encore tous vos trucs, vous vous êtes mise à parler avec l’accent français, hollandais, américain. Cela me choquait. J’avais l’impression d’entendre une star dont la séduisante voix originale a été mal doublée.

Enfin, vous vous êtes acoquinée avec des voyous, que vous acceptiez d’accompagner dans des voyages lointains, des mecs improbables qui vous promettaient la lune, qui vous faisaient croire qu’ils avaient encore plus d’argent que vous et que vous alliez pouvoir vous aussi profiter de leurs combines pourries et de leurs mises en scène bling-bling.

Cette fois, c’est vous qui êtes tombée dans le piège. Et vous avez failli y laisser votre peau. Vous avez tenté de revenir en arrière, de retrouver votre virginité. Mais c’était trop tard.

On ne veut plus de vous. Vous avez fait votre temps. Place aux créatures du vingt et unième siècle, poupées gonflables et robots.

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