A RECULONS

Chaque année, on se disait : chouette, la fin des vacances ! On était heureux de se retrouver enfin dans une ville embouteillée pleine de gens énervés et ronchons au lieu d’errer dans une capitale morte. De revoir la pluie en attendant la neige, loin de ce soleil brûlant qui, telle une piqure de rappel, nous murmurait désagréablement que le climat allait changer si l’on négligeait de remplacer les ampoules de l’appartement pour sauver la planète. De faire la queue à la banque derrière dix autres clients venus eux aussi vider leurs comptes d’épargne pour rembourser à Mr Neckerman tout ce qui n’était pas prévu dans son all inclusive, de payer les innombrables frais scolaires réclamés par le lycée en échange d’un enseignement soi-disant gratuit, de financer les achats compulsifs de toute la famille sur internet, de se demander si le flic n’a pas, par erreur, ajouté deux zéros au montant de l’amende qu’on avait omis d’acquitter juste avant de partir en vacances en espérant que la machine l’ait effacée à notre retour comme elle le fait régulièrement avec nos travaux quand on veut les enregistrer à la fin de la journée avant de quitter le bureau.

Cette année, c’est différent. Au lieu de fêter le retour au boulot, à l’école, aux emmerdes, tout le monde semble vouloir pousser sur la pédale du frein, revenir en arrière, éviter à tout prix cette bonne rentrée jadis si pleine de promesses.

Où est ce bon temps d’avant les révolutions arabes ? gémissent Obama et les autres dirigeants occidentaux, où un dictateur faisait bon ordre dans son royaume à coup de matraques et de prison. On pouvait détourner les yeux sans ce bête sentiment de gêne que provoquent maintenant ces maladroits de dirigeants syriens et égyptiens.

Où est ce bon temps où les partis au pouvoir n’hésitaient pas à se taper dessus quand se profilaient les prochaines élections, assurés qu’une fois les urnes vidées, les mêmes se retrouveraient paisiblement au gouvernement ? Les voilà à présent obligés de partir en vacances ensemble et de danser la bamba en se tenant par les épaules, de peur de se retrouver au chômage comme tant de leurs électeurs dès l’été prochain.

Où est ce bon temps où les services publics étaient dirigés par des fonctionnaires compétents, payés selon le barème, qui ne considéraient pas leurs produits comme des têtes de gondole chez Lidl à liquider au plus vite ?

Seule constante, rassurante pour le consommateur, les instituteurs sont toujours aussi mal payés. C’est pourtant eux, les seuls héros de la rentrée.

www.berenboom.com

RENTREE SCOLAIRE OU RENTREE POLAIRE ?

Il y a quelque chose de rassurant dans le retour des embouteillages du matin (et du midi et du soir) : l’impression que la vie continue comme avant, paisible et immobile, que tout le monde ou presque peut toujours se payer une auto, un chapeau et le carburant, et que tout roule : feux rouges, commerce, flics, pub, internet et enseignes au néon. Bref, que la crise n’existe pas. On ne tire pas dans les rues, on ne brûle pas les bagnoles. On a l’eau, le gaz et l’électricité, sans coupures, les écoles sont ouvertes. Tout va bien. Dormez ou plutôt roulez, braves gens. La crise ? Quelle crise ?

A se demander même si les énormes chantiers qui ont bloqué une grande partie des routes et des villes durant l’été n’ont pas été décidés juste pour éviter aux citoyens le vertige, la peur du vide devant une trop grande fluidité. On grogne quand la circulation est à l’arrêt mais si l’on se retrouvait seul devant un grand boulevard entièrement dégagé, quelle panique à bord !

Dans la file qui avance au pas, on s’accroche à son volant en se disant, ouf ! On n’est ni à Tripoli, ni à Damas ou à Athènes, ni à Fukushima ou aux Etats-Unis étouffant dans les bras de la fougueuse Irène. Même pas à Londres qui s’enflamme ni dans l’Espagne qui se fissure. Tout juste à Bruxelles, au milieu d’un gigantesque embouteillage. Quelle chance on a !

Mais tout ça n’est qu’apparence. On a beau prendre des précautions pour masquer la réalité et farder les comédiens qui nous dirigent. Insensiblement, le changement s’annonce au bout de la rue. D’abord, on va finir par nous annoncer que tout a un terme, même les affaires courantes, puis l’indexation automatique des salaires, le chômage pépère, les francophones campant en citadelle dans la périphérie et la vie de cocagne.

Tout s’en va. En quelques jours, on a perdu Kadhafi et Joëlle Milquet. C’est un signe. Remarquez que, depuis un an, on a gagné de nouveaux chefs, Bart De Wever, Wouter Beke et Charles Michel. Du sang neuf pour les défis qui nous attendent ?

Avec Bart De Wever, la Flandre n’a plus rien à craindre des centrales nucléaires pourries de l’empire levant : si le nuage atomique se profile à l’horizon, d’un coup de gueule, il le repoussera sur la Wallonie. Wouter Beke devra apprendre de ses aînés l’art magique de la contorsion s’il veut figurer parmi les artistes du Cirque Belgique.

Quant à Charles Michel, il a attendu que sa barbe soit aussi longue que celle de Paul Magnette pour passer aux choses sérieuses : négocier avec Didier Reynders et Olivier Maingain.

Je me demande si le sort de Kadhafi n’est pas plus enviable. Et même celui de Joëlle Milquet…

 

www.berenboom.com

DES NOUVELLES POUR LA RENTREE

Alain Berenboom publie en ce mois de septembre 2009 un recueil de nouvelles intitulé
LE MAÎTRE DU SAVON
 
aux éditions Le Cri (Bruxelles)
 
Ce recueil contient les nouvelles suivantes:
 
– Ecrivain belge
– Pharmacie Hubert B.
– le Mystère de la femme coupée en morceaux reste entier
– Le Rendez vous d’Anna
– Vera à vélo
– Escale
– Nouvel an
– Tram 90
– Le maître du savon
– La petite grande évasion
– Le centre du monde
– Jours de campagne
– Un bon Belge
– Une Flamande
– Jalousie
– Refus d’Editer
 
 
Certaines de ses nouvelles avaient été publiées initialement dans un recueil intitulé « L’Auberge espagnole et autres histoires belges »