FRANCKEN OU FRANKENSTEIN ?

Il n’a pas fini de caracoler en tête du hit parade des politiciens préférés des Belges, l’ami Théo. Qu’on soit Théophobe ou Théophile, il faut reconnaître son talent pour exprimer avec la brutalité qui sied les fantasmes d’une partie des électeurs.

Les avocats coûtent cher ? Théo va les faire payer. D’abord à l’état s’ils osent contester ses thèses devant les juridictions, ou exiger le payement des sommes à laquelle l’état est condamné par un juge fou ou socialiste wallon. Et après, qui sait, grâce à Théo, les clients récupéreront les honoraires payés à leur avocat s’ils perdent le procès qu’ils lui ont confié ou si l’avocat s’amuse à faire un recours contre les décisions qui leur ont été favorables. Et si l’avocat porte l’affaire devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, mamma mia ! ce sera l’amende maximum !

Après, ce sera le tour des juges qui n’ont pas obéi à ses directives, aux journaux qui ont contesté sa politique, aux députés qui n’ont pas voté selon ses instructions. Les centres fermés ont un bel avenir. Voyons le côté positif de la chose. Vu le nombre de Belges qui vont y être enfermés avec eux, les étrangers vont avoir enfin une chance de s’intégrer.

Attention ! Ne pas confondre Francken et Frankenstein. La créature fabriquée par le Docteur De Wever n’a pas dérapé – pas encore. Pourrait-il, comme dans le film de James Whale, craquer devant un enfant si celui-ci le prend par la main ? Peut-être, à condition qu’il ne soit ni Rom, ni Arabe, ni malade, ni braillard et qu’il porte sur lui des papiers en règle, validés par la police des étrangers.

Les femmes du fan club à Théo ont bien compris la leçon de leur grand homme. Elles aussi ont trouvé un père Fouettard à offrir en sacrifice à la foule. La joyeuse Lisbeth Homans (dont le sourire fait pendre les lèvres plutôt que les remonter) et la redoutable Zuhal Demir (aux crocs acérés) ont décidé de s’attaquer à l’institut belge contre la discrimination, UNIA. Et à le punir pour fermer les yeux devant ceux qui discriminent la N-VA.

Pour éviter que l’institut se perde encore dans des combats sans intérêt pour la Flandre, qu’il perde son temps à dépister les actes ou les discours racistes par exemple, le mieux est de le disséquer, de le découper en morceaux. Avec le bon sens qui caractérise ces deux dames pragmatiques, elles ont imaginé que la discrimination ne se jugerait pas de la même façon à Anvers, à Molenbeek, à Furnes ou à Thuin. Il y aura donc une UNIA par commune. De quoi s’assurer que l’on cesse de chercher des poux à leurs chers électeurs lorsque, après une soirée un peu arrosée, ils se laissent aller à leur vraie nature. Qu’elles se méfient pourtant que ces mini-instituts ne finissent par s’entendre entre elles. Car, danger, l’UNIA fait la force…

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NOIR, JAUNE ET AUTRES COULEURS

 Luc Trullemans, typhon électoral ? Les bleu-blanc-belge du parti dit populaire s’imaginent que l’ex-madame Irma de la météo va enfin rendre leur groupuscule visible.

Suffit-il d’avoir montré sa bouille sur le petit écran et de stigmatiser les « gens du sud habillés en tenues traditionnelles » pour mettre les électeurs dans sa poche ?

Depuis quelque temps, le respect des goûts et surtout des couleurs a passé de mode. Une ministre italienne se fait traiter de singe, la garde des sceaux française de guenon, y compris par des enfants, pendant que son collègue de l’Intérieur tente d’échapper au désamour de l’équipe gouvernementale dont il fait partie en dénonçant les Roms. Ils sont « en confrontation » avec les Français, dit-il, offrant généreusement d’aider « les Français contre ces populations. »

Dans ce tohu-bohu, on a du mal à retrouver le chemin de la civilisation. Marine Le Pen menace ceux qui la rangent à l’extrême droite et le nouveau leader bien aimé respecté du PP demande des indemnités parce qu’on l’aurait traité de raciste.

Faut-il se plonger dans les stades de football illuminés par les drapeaux noir-jaune-rouge pour retrouver la fraîcheur d’une fraternité cosmopolite ? Même si les diables rouges ont succombé aux démons jaunes, les supporters ont fêté les joueurs de toutes les couleurs. Façon de rappeler que notre étendard n’est pas blanc pur jus mais joyeusement coloré.

Les lois contre le racisme ne suffisent pas à endiguer la vague révulsive amplifiée par les réseaux sociaux. Pas plus que les leçons de morale et les efforts de beaucoup de profs.

Seul l’exemple donne le la. Laissons les grincheux hystériques plébisciter Trullemans parce qu’il annonce que l’hiver, la neige et les ouragans, c’est la faute à l’Afrique. Mieux vaut plonger dans les livres, les films, mais aussi les jardins ou les villes mélangées pour retrouver un peu de couleurs.

Au hasard, mêlez-vous aux vrais Indiens d’Amérique sous la plume de Louise Erdrich ou aux noirs du sud dans les polars de Kris Nelscott ou dans « 1275 âmes » de Jim Thompson (magnifiquement adapté au cinéma par Bertrand Tavernier sous le titre « Coup de Torchon »). La galère des Chinois est celle de tous les immigrants dans « Seuls le ciel et la terre », le roman déchirant de Brian Leung ou celle des Italiens dans le « Bandini » de John Fante. Dans les années cinquante déjà, la grande Doris Lessing (disparue cette semaine) témoignait des affrontements en Rhodésie dans « Le Carnet d’or ».

Parmi les innombrables films, retenez « My Beautiful Laundrette » de Stephen Frears sur le Londres tutti frutti d’aujourd’hui, « Bamboozled » de Spike Lee. Sans oublier « To be ou not be » de Lubitsch sur la chasse aux Juifs à Varsovie en 1940. Le racisme se dissout dans l’humour.

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