LA POLITIQUE DU PIS

Il paraît que jadis un ministre dirigeait en même temps la culture et l’agriculture. On ricanait à ce sujet mais, à voir l’état de la paysannerie aujourd’hui, ce ministère des deux misères était moins absurde qu’on ne le disait : artistes et agriculteurs sont aussi mal lotis en cette période de crise et de désertion des autorités publiques. Même si ce qui pend aux cimaises de certains vendeurs d’art contemporain peut donner l’impression que le prix du laid n’a pas autant baissé dans les galeries que dans les campagnes.

Avec un lait payé 27 centimes, comment les agriculteurs vont-ils sauver leurs vaches ? Qu’ils ne comptent plus sur les autorités européennes. La politique agricole commune représente plus du tiers du budget européen mais, depuis que les dirigeants des états membres ont décidé qu’il fallait moins d’Europe pour avoir plus d’électeurs, la survie des vaches ne viendra pas du Berlaymont. Le caprice des Dieux (surnom du parlement européen) n’est plus un bon fromage pour les paysans…

Plutôt que d’essayer de traire la vache à lait européenne, définitivement à sec, on conseille aux agriculteurs d’imiter le monde culturel, lui aussi abandonné, pour se lancer dans la chasse aux sponsors.

Les cibles ne manquent pas. On pourrait par exemple suggérer à la SNCB d’acheter et d’entretenir des troupeaux entiers le long des voies ferrées. Ainsi, les voyageurs, fort déboussolés ces temps-ci par la disparition progressive de tous les repères et les signes qui ont bercé notre vie sociale, seraient rassurés par la stabilité des sociétés de chemins de fer en contemplant des milliers de vaches qui comme par le passé regardent passer les trains.

La Fondation Magritte pourrait aussi parrainer quelques vaches en hommage à la « période vache », l’une des plus créatives et impertinentes du peintre. Elle ferait défiler les bêtes, portant une belle robe peinte du slogan « ceci n’est pas un agriculteur ».

Et la police ? Puisqu’elle s’efforce sans grand succès jusqu’ici de soigner un peu son image, elle serait bien inspirée de verser les contraventions pour outrage à agent à un fonds de soutien aux paysans, chaque fois qu’un quidam est verbalisé pour avoir crié « mort aux vaches ! »

Le cinéma belge enfin peut être appelé à contribution. Le western revenant à la mode, on imagine combien pourrait rapporter à nos pauvres paysans la location de milliers d’animaux que de nouveaux cow-boys bien de chez nous mèneraient en cinémascope de Wallonie en Flandre, échappant de peu aux attaques des Indiens perchés à leur passage sur les hauteurs de Bruxelles. Grâce à la présence de nos stars dans les convois, quelques superbes bleu, blanc, belge, on peut parier que l’on parlera bientôt d’une école du western waterzooi. Réconciliant à nouveau culture et agriculture.

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