POURQUOI J’AIME L’ITALIE

  Je peux vous dire pourquoi j’aime les socialistes wallons, les marches militaires, les films d’horreur muets allemands et les polars mexicains. Mais pourquoi j’aime l’Italie …

Faisant le bilan des années de dictature, juste après la guerre, Elsa Morante écrivait : « Mussolini est un homme médiocre, une brute, étranger à la culture, à l’éloquence vulgaire et facile ». Les comparaisons historiques sont toujours inexactes et trompeuses mais n’est-il pas troublant que Berlusconi ait répété pendant la campagne électorale, en célébrant la journée de l’Holocauste, qu’il y a beaucoup de bonnes choses dans les réalisations du Duce ?

Morante disait aussi : Le peuple italien s’est-il rendu compte des crimes de son chef ? Bien sûr, presque toujours le peuple italien est prêt à donner ses voix à celui qui a la plus forte voix plutôt qu’à la justice. Si on lui demande de faire le choix« entre son intérêt personnel et son devoir, même en sachant ce qui doit être son devoir », il choisit toujours son intérêt. « Un peuple qui tolère les crimes de celui qui est à sa tête, concluait-elle, devient complice de ces crimes. »

Et pourtant, même si j’adore la Morante et que je n’oublie pas près d’un quart de siècle de fascisme, j’aime l’Italie.

On dit souvent que les dirigeants d’un pays sont à l’image de ses habitants. L’histoire de l’Italie d’après-guerre est elle aussi inquiétante, d’Andreotti à Berlusconi. Au point qu’on peut se demander si les Italiens n’ont pas choisi de faire mentir le cliché en se donnant des chefs qui ne sont pas leurs miroirs mais leurs repoussoirs, comme dans le théâtre de marionnettes, justement une spécialité locale, l’opera dei pupi. Les hommes politiques italiens ne ressemblent-ils pas aux fantoccini, les marionnettes à fil, maniées en coulisses par leurs montreurs ?

Dans un pays aussi morcelé que l’Italie, aux pouvoirs encore plus éclatés que la Belgique, n’est-ce pas plutôt la culture qui est le reflet de son peuple ? Et sa cuisine ? Et ses paysages ? Vu à travers son cinéma, l’Italie a tout de même une sacrée gueule quand elle prend le masque de Nanni Moretti ou de Vittorio Gassman, de Mastroiani ou de Sordi. Ou celles de ses sublimissimes stars, Stefania Sandrelli (ah !), Monica Vitti (ah !), la Masina, la Martinelli, la Massari. Au passage, allez donc admirer la magie du cinéma italien dans le plus dingue musée du cinéma du monde à Turin.
L’air a une autre saveur à Rome, les églises un charme délirant à Lecce et à Notto. Et je préfère éviter les clichés à propos de Venise. Ils sont tous en dessous de la vérité. Même la pluie y est plus douce que le vin.

PS : le plus fantasque mais peut-être le plus pertinent et passionnant romancier italien, lisez Mario Soldati, dont les éditions du Promeneur sont en train de rééditer toute l’œuvre.

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