LE GRAND ART DE LA BOUCHERIE

Tout le monde est bien d’accord: un consulat n’est pas une boucherie. Si un chef d’état ou son clone veut éliminer un opposant, pourquoi le faire dans ses locaux consulaires en Turquie ?

Les Turcs eux-mêmes ont montré l’exemple : il suffit d’enlever l’opposant mal aimé et de le fourrer au fond d’une cellule pour le reste de sa vie. M. Öcalan en est le bon exemple. Personne ne réclame sa libération, non ? Pourtant, Alan Parker l’avait déjà montré jadis dans Midnight Express, mieux vaut terminer en petits morceaux dans une valise que vivant dans une prison turque.

Ce qu’on peut reprocher aux autorités d’Arabie saoudite, c’est de s’être trompé sur le choix de l’abattoir, pas de pratiquer l’art de la découpe. Je comprends leur surprise à voir la protestation internationale. Qui a jamais dénoncé la peine de mort que pratique ce pays depuis toujours, sous la forme de la décapitation ?

Ils peuvent en effet s’étonner de nos cris d’orfraie. Ne donne-t-on pas à tous les enfants à lire « Alice au pays des merveilles », en le présentant comme un chef d’œuvre. Quand la Reine de Cœur crie « Qu’on leur coupe la tête ! » tout le monde éclate de rire. Alors, pourquoi faire deux poids, deux mesures selon qu’on parle de Lewis Carroll (ou de Walt Disney) et de Mohammed Ben Salmane ? Peut-être a-t-il lui aussi innocemment sucé avec le lait de sa nourrice le thé du Chapelier fou et des autres mastocs qui entourent Alice ?

Après quelques nouvelles décapitations, on aura oublié le découpage de ce pauvre Kashoggi. Justement, on attend celle de la militante Israa Al-Ghomgham. En Arabie saoudite, il ne suffit pas pour les femmes de décrocher le permis de conduire, la grande affaire de MBS pour se donner une image de révolutionnaire moderniste, il faut encore conduire dans les clous et en silence.

Une chose est évidente : le type chargé de la communication de MBS est si incompétent que lui aussi, si j’étais le patron, je le passerais à la moulinette. Et il faut revoir entièrement le plan media. En changeant tout à fait de tactique. Le mieux serait d’écrire un nouveau récit des événements en faisant de Kashoggi le mauvais de l’histoire. Le gouvernement de Ryad a les moyens de s’offrir les services des meilleurs. Qu’il charge Quentin Tarantino de cette affaire. Au bout d’une heure et demie de projection, quand John Travolta et Samuel L. Jackson auront mis la main sur le sournois journaliste, jadis conseiller de la couronne mais qui a trahi son maître, tout le monde applaudira dans la salle les deux tueurs de s’en débarrasser selon leurs méthodes habituelles.

Un scénario osé ? Je ne compte pas faire prochainement du tourisme en Arabie saoudite !

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