COUP DE POINTS

Ils étaient des milliers à manifester dans les rues de Bruxelles, le poing levé, contre la pension à points. Tous et toutes, ou à peu près, avaient dans leur poche une carte à points de leur supermarché et les cartes de fidélité de leur libraire, de leur magasin de vêtements. Dix pensionnés et le onzième gratuit ?

On n’en est pas encore là mais dans une époque d’individualisme et de compétition permanente, la carte à points est devenue le pacemaker de notre civilisation.

Au point que les Chinois, toujours en avance quand il s’agit de mettre leur pays en coupe réglée grâce aux nouvelles technologies, ont commencé à expérimenter la carte à points du citoyen. Un système de notation qui sera généralisé dans moins de deux ans.

Le système tient à la fois du permis de conduire à points et du jeu vidéo. A sa naissance, chaque nourrisson reçoit vingt Pampers, un sac de dragées et un actif de cent points. Ce capital, il va le faire fructifier ou le brûler tout au long de sa vie selon qu’il accomplit des bonnes ou des mauvaises actions.

Le ou la camarade devient membre du parti communiste, bravo, vingt points de plus. Il brûle un feu rouge, un point de moins ; il publie sur les réseaux sociaux un poème à la gloire de Xi Jinping, trois points de plus. Il fait quatre enfants, aïe ! Il manifeste pour la liberté d’opinion, Game over !

Le mauvais citoyen va perdre peu à peu ses droits et ses avantages, cartes de crédit, droit de voyager, accès à internet. Jusqu’à être complètement débranché.

Régler les problèmes de la société grâce aux technologies, voilà l’avenir. Dans cette magnifique perspective qui va faire de chaque citoyen une simple donnée numérique, le ministre Bacquelaine fait un peu figure de petit bras avec sa misérable pension à points. Faut voir plus grand, mon Daniel ! Ne pas seulement lier la pension aux nombres de jours de travail, avec prime pour les jobs pénibles et retenue pour les paresseux. Non, il faut aller beaucoup plus loin. Le droit à la pension mais aussi à ouvrir un compte en banque, à acheter une place au stade Roi Baudouin ou à faire ses courses à Delhaize ou à Lidl seront liés au comportement de chaque travailleur, noté jour après jour.

Celui qui manifeste contre les projets du gouvernement, crac, dix points en moins. S’il ne vote pas libéral ou nationaliste flamand, exclu des bureaux de vote. Ceux qui accueillent des réfugiés, interdits de voyager.

Suffit d’enregistrer leurs noms sur une liste noire pour que Ryanair, Neckermann, Bozar, Forest national ou la SNCB ne vous délivrent plus de tickets.

Et, si trop de citoyens passent la ligne rouge, il suffit de les éliminer et de les remplacer par des robots. A quoi servent des êtes humains qui ne savent pas lever les points ?

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