ON VA MARCHER SUR LA LUNE ?

    Comme on en a assez de marcher sur la tête, pour se remettre d’aplomb, on a décidé de retourner sur la Lune. 

   C’est sans doute une bonne idée, pour effacer cette annus horribilis, de remonter à 1969. L’occasion de rééditer quelques-uns des exploits de l’année érotique. Ainsi, on espère que le jour où les Américains débarqueront à nouveau sur notre accueillant satellite, un de nos champions en profitera pour gagner le Tour de France.

En 1969, Américains et Russes entamaient des négociations pour limiter les armes stratégiques (qui ont été concrétisées par les Traités Salt). Ça donne aussi des idées, non ? Mais que ça paraît lointain, presqu’irréel…

Les Européens se vantent que leur agence spatiale, l’ESA, et une soixantaine d’industriels du vieux continent participent de façon importante à cette nouvelle mission spatiale. Ce sont eux qui ont développé le module de service qui alimente et propulse la capsule qui va transporter l’équipage. Des Européens fiers de vaincre l’espace mais qui sont incapables de mettre fin à une guerre conventionnelle, à l’ancienne, qui ravage leur propre continent. De développer de nouvelles sources d’énergie qui nous libère des Russes et des monarchies du Golfe. De lutter de façon efficace contre le dérèglement climatique. Même pas d’empêcher le prix du pain de flamber… 

Il est donc plus facile d’envoyer des explorateurs dans l’espace (et, on l’espère, de les ramener vivants sur la planète bleue) que de donner à manger à leurs familles et à leurs voisins…  

Cela dit, tout n’était pas aussi rose en 1969. Loin de là. Avis aux nostalgiques qui rêvent d’un retour vers le futur. Le Nigéria était ravagé par l’épouvantable guerre du Biafra (lisez « L’autre moitié du soleil », le sublime roman de Chimamanda Ngozi Adichie). Le colonel Kadhafi prenait le pouvoir en Lybie, qui n’en est toujours pas remise cinquante-deux ans plus tard. Non loin de là, un coup d’état de l’armée soudanaise mettait fin à la timide expérience démocratique du pays, exactement comme un demi-siècle plus tard. Et la Chine et la Russie (l’URSS) s’affrontaient à coup de missiles et de tanks revendiquant chacun la souveraineté d’une île sur le fleuve Oussouri avant de parvenir à un accord sur la délimitation des territoires entre les deux empires vingt-deux ans plus tard. Au plus chaud du conflit, le gouvernement soviétique sonda le nouveau président américain, Richard Nixon (Trump, sors de ce corps !) pour lui soumettre l’éventualité d’une frappe préventive soviétique sur les installations nucléaires chinoises, rapporte Kissinger dans ses Mémoires. Encore un air de déjà-vu ?

1969, Poutine venait d’entrer au KGB. Et Joseph Biden au parti démocrate… 

En inversant la formule de Lampedusa dans « Le Guépard », faut-il que rien ne change pour que tout change ? 

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BABY NEIL

Violentes manifestations sur le campus de Berkeley (Californie) pour empêcher un proche de Trump de prendre la parole à la tribune de la célèbre université. Les forces de l’ordre ont dû intervenir et déployer les grands moyens.

1967 ? Non, 2017 ! Comme pour fêter le jubilé des démonstrations contre le président Lyndon Johnson. A l’époque, la révolte d’une partie des Américains n’a pas empêché l’élection à la fin de cette année-là de Richard Nixon mais le mouvement finira par porter ses fruits. Nixon sera emporté avant la fin de son mandat. Non sans avoir dû boire auparavant le vin jusqu’à la lie en négociant, la mort dans l’âme, la fin de l’engagement raté des Etats-Unis au Vietnam.

Coïncidence, c’est justement en cette même année 1967 qu’est né Neil Gorsuch.

L’homme que Donald Trump  vient de nommer au siège vacant de la Cour suprême pour faire basculer la Cour dans le camp des partisans des thèses juridiques et éthiques les plus réactionnaires. Favorable à la peine de mort, opposé à la limitation des armes, à l’avortement et même à la contraception, Neil Gorsuch se flatte d’être un excellent pêcheur mais c’est le genre qui ne remet jamais ses prises à l’eau. Jamais.

On ne sait comment vivaient ses parents quand est né Baby Neil. Portaient-ils les cheveux longs ? Des colliers de fleurs ? Ont-ils défilé contre la guerre du Vietnam ? Manifesté pour le droit à l’avortement que la Cour suprême allait légaliser en 1973 ? A-t-il grandi, bercé par les odeurs de fumette ?

En tout cas, sa mère a été la première responsable de l’Agence de protection de l’environnement, une agence que Trump songe à supprimer. Au passage, on se dit qu’on aurait tort de comparer Trump à Reagan. Car c’est lui qui a nommé la maman de Neil. Il est vrai que Reagan a conservé quelques réflexes de son passé démocrate et peut-être de ses rôles dans les films très « libéraux » de son réalisateur fétiche, Allan Dwan.

On ne manquera donc pas de penser que, devenu grand garçon, Neil G. a voulu couper le cordon ombilical et effacer l’esprit de ses années de jeunesse. Retour vers le futur…

Entretemps, devenu un éminent juriste, il s’est attaché à défendre ce qu’on appelle une « lecture originelle » de la Constitution américaine. Selon lui, le texte fondateur ne peut se lire  que tel que les pères fondateurs l’ont établi en 1787 sans être interprété ou adapté à l’évolution de la société (or, c’est ce qui avait permis à la Cour de légaliser l’avortement). Ca promet !

L’ancien président Obama a des cheveux gris à se faire. Si son sort et ses droits sont revus à la lumière des règles de vie de la fin du dix-huitième siècle, il n’est pas certain qu’il puisse longtemps jouir de la jolie propriété où il s’est retiré à Washington à moins d’y travailler comme cireur de chaussures.

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