MUTTI & MUTTI

 Ma chère tante Herta avait imposé à son mari la présence de sa mère. On l’appelait tous Mutti. Je ne lui ai jamais connu d’autre nom. C’était une espèce de sergent-major de l’empereur Guillaume II, fière d’être prussienne (« Nous ne sommes pas Allemands, répétait-elle à sa fille, nous sommes Prussiens. Comporte-toi en conséquence »).

Elle a tenu ma tante Herta et son pauvre mari Harry sous sa coupe jusqu’à sa mort. Aussi loin que je m’en souvienne, elle a toujours eu l’air d’une farouche centenaire. Elle me terrorisait autant que sa fille et son gendre, pourtant un dur-à-cuire. 

Je croyais Mutti définitivement morte, enterrée et oubliée quand est apparue Angela Merkel.

La première fois que j’ai entendu un journaliste l’appeler Mutti, je suis tombé de ma chaise. Oh, non ! La revoilà ! Pauvre Allemagne ! N’a-t-elle pas déjà assez payé ? 

Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, voilà-t-il pas que je découvre que sa mère vient de Prusse. 

Peu à peu sont apparues les différences entre Angela et ma Mutti, toute d’un bloc (de l’est). Angela a rapidement appris à voir le monde en double, à accepter le noir et le blanc en même temps, à gérer les inconciliables. Elle a été élevée dans un des pires régimes communistes d’Europe mais son père était pasteur protestant. Formée dans le moule des rouges, elle a pris la direction du parti conservateur à l’ouest. Spécialisée en physique et chimie, elle est devenue chercheuse en chimie quantique, qui suppose qu’on peut connaître deux états en même temps (théorie illustrée par le chat de Schrödinger mort et vivant à la fois selon la façon dont on observe la pauvre bête). 

Tout ça a fait de la nouvelle Mutti la plus raffinée des personnages politiques européens, la plus civilisée. Sans cesse réélue depuis 1990 et à la chancellerie depuis 2005. Ce qui prouve que quand on voit double, on a deux fois plus d’électeurs…     

Car son admirable schizophrénie lui a permis de rester à la tête d’un parti dont les électeurs se méfient des étrangers (pour le dire gentiment) tout en accueillant un million de réfugiés du Moyen Orient en 2015 pendant que le président français, qui n’a que les mots de droits de l’homme à la bouche, a fermé les yeux et les frontières sur cette catastrophe humanitaire (la France a accueilli 7.000 réfugiés syriens et irakiens cette année-là). 

Angela Merkel aura donné un visage à l’Europe, montré ce que peut être la civilisation européenne au-delà de la mosaïque contradictoire et pusillanime des pays de l’Union et de la bureaucratie étouffante et stérile de ses institutions.

Que va faire Mutti de sa nouvelle vie ? Même si le russe est sa seconde langue, on la voit mal devenir, comme G. Schröder, le laquais de Poutine. Retour à la chimie ? Pour nous concocter un strudel inédit qui, selon l’endroit où on le dévore, aurait en même temps le goût du nord et du sud et les épices de l’ouest et de l’est ?  

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ELOGE DU RIEN

A quoi ressemble la planète Terre en ce début 2020 ? 

Le Moyen Orient ? A feu et à sang. En Iran, au Yemen, en Syrie, on se bousille à tour de bras, on se kalachnikove joyeusement comme si on distribuait en cadeaux à la sortie des supermarchés de la région des armes et des munitions au lieu de caramels mous. Avec la bénédiction divine.  

De l’autre côté de la planète, en Australie, pas besoin de pétards pour ravager la plus grande île du cinquième continent. Devenue la vitrine du réchauffement climatique grandeur nature. Un avant-goût de ce qui nous attend à Coxyde ou à Bastogne lorsque l’été reviendra chez nous ? 

C’est le feu de l’enfer ! prophétisent quelques gourous illuminés, toujours prêts à placer Dieu au milieu des catastrophes. Remarquez qu’on a beau invoquer le Seigneur, soit il est sourd (vu son âge, on peut lui pardonner), soit il s’en fout (il y a tant d’autres planètes où on l’appelle à l’aide). En tout cas, face aux incendies, vaut mieux utiliser les pompiers que les crucifix. L’’eau bénite n’a jamais réussi à apaiser les flammes.  

En Amérique latine ? Le continent craque de partout alors que l’on pensait la démocratie remise en selle après tant d’années de souffrances sous d’épouvantables dictatures militaires. Mais non, les régimes, la société, se disloquent au Brésil, en Bolivie, au Venezuela, en Argentine, au Nicaragua, Guatemala. Arrêtons là le triste bilan de l’Amérique hispanique et fuyons vers le Nord. Si on nous laisse entrer, nous y trouverons le plus absurde, le plus arrogant et le plus dangereux président des Etats-Unis. 

Face à lui, Poutine a l’allure d’un dirigeant rationnel, intelligent et diplomate…

La répression en Chine, le triste état des révolutions arabes en Egypte, en Algérie. La Lybie en pleine guerre civile. 

Et on se plaint ? On déplore de ne pas avoir de gouvernement ? De regarder le carrousel politique tourner sans fin telle la grande roue devant le Palais de Justice en ruine ? 

Cessons de nous lamenter ! D’agiter ce cliché « la nature a horreur du vide ». Au contraire, sortons les drapeaux et félicitons nos hommes et femmes politiques qui ont la délicatesse de ne pas nous imposer leur présence et leur pouvoir. Pas de chef, pas de manifs, la paix. Le 16 rue de la loi transformé en palais des courants d’air. Bravo ! Ne pleurez pas avec ceux qui gémissent de ne pas être gouvernés. Regardez le reste de la planète et poussez un grand soupir de soulagement. Un gouvernement qui n’est que du vide, c’est une autre façon de gérer la chose publique. 

Les enseignants avaient montré l’exemple. Quel cours est plus passionnant, plus suivi par les enfants, moins terrorisant à l’heure des examens que le fameux cours de rien ?  

Du cours de rien au gouvernement des fantômes, célébrons la Belgique, une fois de plus été à l’avant-garde.  

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GAI, GAI, MARIONS-NOUS !

Jadis, la paix civile était – plus ou moins- garantie par les mariages. Le gamin du roi d’Espagne pas encore pubère épousait la fille du roi de France à peine bébé. Celle d’Autriche-Hongrie était promise au futur tsarévitch. Si ça n’a pas empêché la guerre de cent ans, la guerre des roses entre les York et les Lancaster ni la guerre de la marmite le 8 octobre 1784, beaucoup d’autres conflits ont été étouffés dans l’œuf ou plutôt sous la couette.

Depuis un siècle, les alliances matrimoniales, jugées trop ringardes, ont été remplacées par plus moderne, plus sérieux et plus républicain, l’ONU, la communauté internationale, les G5, 6, 7, 9 et les gros yeux des présidents américains. Las ! On est au bout de ce modèle. Les petits voyous n’ont plus peur des grandes puissances. Les Etats-Unis sont embourbés depuis près de vingt ans par quelques milliers de talibans afghans qui vivent comme leurs aïeux au moyen âge mais qui sont équipés d’armes belges. Et le ridicule dictateur coréen ? Il éclate de rire quand Trump lui tape sur la tête avec son Twitter. Quant à Kabila, il a déconnecté internet et le téléphone. De toute façon, il n’y a plus d’électricité dans le pays. Ni dans les prisons ni les morgues.

Alors, si on en revenait à la bonne vieille formule des mariages ? La paix du monde grâce à la paix des ménages !

Commençons par le pire, le Moyen Orient. Voilà un siècle que la terre de la Bible et du Coran se meurt dans un désordre sanglant que rien n’a pu arrêter. Les haines et les intérêts ont définitivement tout brouillé. Seule solution, rebattre les cartes. Imaginez Ivanka, la fille de Trump, convolant avec le fils de l’ayatollah Khamenei. Du jour au lendemain, les fondements de la république islamique seraient chamboulés. Plus fort et plus explosif que l’accord sur le nucléaire ! Cérémonie à Téhéran, cocktail à Tel Aviv et voyage de noces dans les ruines antiques en Syrie.

Pour le bouillant fils du roi d’Arabie saoudite, on suggère un speed dating avec l’élégante épouse du président Assad (le Coran l’autorise) pour rééquilibrer les alliances au Moyen Orient ou les brouiller définitivement.

Autre mariage en vue : Ecmettin Erdogan junior avec la fille de Théo Francken. Une belle fête à l’hôtel de ville de Lubbeek puis dans la mosquée provisoire érigée sur le parking de l’église Sint Martinus. Cadeau dans la corbeille, papa Erdogan offre à tous les réfugiés de Belgique un séjour gratuit en Anatolie en aller simple. De quoi régler définitivement tous les soucis du papa de la mariée. Eviter les rapatriements au Soudan. Et débarrasser la Belgique de ces encombrants voyageurs.

Seul problème : à quoi servirait alors un secrétaire d’état à l’asile et à la migration ?

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ANGELA SUPER NANA

Trump-pettes de la renommée, vous êtes bien mal embouchées… chantait Brassens.

Au train où ça va, les Etats-Unis auront pour 45 ème président un dirigeant du troisième type, quelque part entre l’ancien président iranien Ahmadinejad pour les discours et Kim-Yong-un pour l’originalité de la coiffure. A ce propos, plusieurs observateurs ont comparé la bizarre implantation des cheveux de Donald Trump à la queue d’une loutre. Ce n’est pas mal vu et moins médisant qu’on ne pourrait le croire. En effet, les loutres, qui ont largement disparu du continent, ne survivent en masse qu’en Hongrie. Dont le président, Viktor Orban semble inspirer l’idéologie du candidat républicain. De là, à faire un lien entre les deux hommes, par loutre interposée, il n’y a qu’un pas de polka.

La période décidément est aux grandes gueules. Ce qui laisse plus de chances qu’on ne croit au retour de Nicolas Sarkozy. Du moins s’il revient à sa vraie nature, mélange explosif de kärcher et de « casse-toi, pauv’ con ! » Et qu’il laisse tomber sa bête tentative de contrition esquissée dans son dernier livre. Le modèle repentance était à la mode il y a quelques années. C’est fini, vieillot, obsolète. Un homme politique qui annonce que son cœur saigne est mort.

Aujourd’hui, il faut rester de marbre, ne rien regretter, afficher un cœur sec.

La charge horrible des policiers contre les migrants à Calais, voilà une belle façon de faire remonter la cote de Hollande. Surtout qu’il a pris la précaution de ne pas venir sur place. Dès qu’il apparaît, l’orage éclate. Or, la pluie aurait immédiatement éteint les incendies des cabanons, ce qui aurait donné l’exécrable image d’un président sentimental.

L’homme politique moderne, c’est aussi Poutine. Un exemple pour les politiciens en mal de modèle. Une petite faim ? Il avale la Crimée. Pour montrer ses biscottos, il envoie ses troupes en Géorgie et en Ukraine. Et l’artillerie lourde à Damas pour s’assurer que le chaos continue au Moyen Orient.

Copiant son grand voisin du Nord, le président turc Erdogan s’est lancé à l’assaut des Kurdes, les plus farouches opposants du bourreau syrien et des monstres de Daesh, tout en étouffant les libertés dans son pays. Depuis, il est devenu le plus courtisé des copains de l’Union européenne. Allez comprendre pourquoi l’Europe a mal à ses articulations…

Mais, tout n’est pas perdu, puisque les femmes existent. Même en politique, il ne reste qu’elles pour sauver l’honneur et nous protéger de la barbarie. En ce bientôt 8 mars, journée internationale de la femme, tressons donc une couronne de lauriers à Dame Angela, une improbable physicienne est-allemande, qui a rappelé à l’Europe occidentale qu’il existe d’autres valeurs que la testostérone…

Comment dit-on en allemand : Allez les filles ?

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RENDEZ-NOUS PÈRE FOUETTARD !

Ils ont bonne mine maintenant tous ces militants bien pensant qui ont fait campagne contre le père Fouettard et obtenu qu’il ne soit plus l’autre star de la fête. Résultat, Saint Nicolas est seul cette année, bien seul. Et ça va mal se passer.

Tout le monde le sait. Le bon saint a vocation à récompenser les enfants sages. C’est la seule chose qu’il sait faire. La punition, il ne connaît pas. C’est même pour ça qu’il était flanqué de son célèbre et  brutal acolyte. Mais nos chers militants ont décidé qu’il avait une gueule qui ne leur revenait pas. Délit de faciès. Même les militants bien pensant ne sont pas épargnés par cette maladie. Ils ne supportaient pas son visage noirci au cirage. Les mêmes bien pensant, pourtant, qui se réjouissent de voir leurs maisons, leurs rues, leurs écoles protégés par des soldats au visage tout aussi noirci. Cherchez l’erreur.

Saint Nicolas et père Fouettard formaient un couple parfait, complémentaire. The good cop and the bad cop. L’un filtre, l’autre récompense.

L’ami des enfants est incapable de distinguer un gentil d’un méchant. Il y a des gens comme ça, programmés pour croire toujours en la bonté humaine et universelle. Amenez devant son trône doré un terroriste présumé et un policier avéré ou Assad et Charles Michel, il les prendra tous les deux sur ses genoux en souriant et leur donnera la même ration de bon chocolat belge.

On vient d’avoir un exemple significatif de son absence de discernement il y a quelques jours. Rappelons que Saint Nicolas est turc. Né à Patara dans l’actuelle province turque d’Antalia (la Lycie de jadis où est né aussi Apollon, dit-on). Il était encore chez lui en train de préparer son voyage vers nos cheminées quand il a vu au-dessus de son jardin un méchant bombardier russe qui canardait de braves Syriens, boum ! Son sang n’a fait qu’un tour. Il a aussitôt donné à ses chers compatriotes l’ordre de tirer avec les jouets qu’il venait de déposer dans leurs petits souliers. Résultat, un bordel pas possible. Les Russes (qui honorent aussi Saint Nicolas) sont stupéfaits. L’OTAN s’en mêle. Les Américains n’en peuvent plus de cette boîte à mauvaises surprises qu’est le Moyen Orient. Et je ne vous parle pas des Belges qui ne peuvent même pas envoyer l’agent 15 sur place car il doit rester ici pour protéger Quick et Flupke.

Avec le père Fouettard, les choses ne se seraient jamais passées comme ça. Les Russes, il les aurait déjà abattus depuis longtemps avant même qu’ils ne dérangent Saint Nicolas. Les Syriens aussi auraient été rayés de la carte. Avec les Iraniens et les Irakiens pour faire bonne mesure d’autant qu’on ne sait plus très bien s’ils sont les bons ou les méchants. Cela dépend des années. Non, ça suffit. Rendez-nous père Fouettard !

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INCIVILITES

Les opposants à la loi sur les sanctions administratives communales pour « incivilités » ont fait le forcing ces derniers jours afin d’empêcher que la loi soit étendue aux mineurs de quatorze ans. Ceux-ci pourront désormais être condamnés pour injure, destruction ou tapage.

Imaginez que la loi eût été d’application au moment où Bachar El Assad fêtait son quatorzième anniversaire. On n’en serait pas là en Syrie. D’abord les Russes n’auraient jamais mis entre les mains d’un petit garçon même ado les trésors les plus abominables de leurs réserves. Un revolver à plomb, une panoplie de cow-boy et basta ! A l’époque, ces jouets auraient suffi à lui faire plaisir. Devenu grand, triste et moustachu, Bachar a pris des goûts de luxe. Il exige maintenant de tonton Poutine des fusées sol-sol, des bombes chimiques et d’autres bazars abominables qu’il croit plus de son âge. Sinon, il casse tout !

Et ses opposants ? A quatorze ans, s’ils se comportaient déjà en gosses turbulents, ils auraient dit merci aux Européens de recevoir un petit colis cadeau contenant des catapultes et des fléchettes. A présent, il leur faut les mêmes joujoux qu’Assad et la présence à leur fiesta de leurs parrains turcs, wahhabites ou qataris pour leur tenir la main et la barbe. Et leur lire le mode d’emploi, chacun dans sa langue.

Dans une tribune parue dans « Libération », Walid Joumblatt, l’éternel chef de la communauté druze au Liban (et qui n’a pas toujours, lui non plus, fait dans la dentelle de Bruges avec ses opposants) dresse un portrait sombre de l’avenir du Moyen Orient : « les beaux jours de l’Andalousie sont révolus, écrit-il joliment, ces jours où juifs et musulmans partageaient une histoire de coexistence, offrant au monde un héritage incomparable ». Et d’avertir que l’on va vers une dislocation de la région où est née notre civilisation tandis qu’un « nouveau type d’inquisition se fait jour dans les pays arabes : celle de l’intolérance, de l’analphabétisme, du confessionnalisme et du tribalisme ».

Le Moyen Orient, principal terrain d’expérience des maîtres-du-monde-aux-petits-cerveaux, est devenu incompréhensible. Comment distinguer les « bons » des « méchants » ? Où trouver les magiciens capables de sauver ces millions de civils, otages dans toute la région, de régimes eux-mêmes manipulés ?

Américains, Européens, tout le monde laisse tomber les bras. Heureusement, de jeunes Belges « éclairés » viennent de trouver la clé. En exigeant le boycott des universités israéliennes, la Fédération des Etudiants francophones (la FEF) a identifié les vrais coupables de ce chaos: les professeurs et les étudiants israéliens. Ouf, on respire ! Grâce à eux, le Moyen Orient est sauvé !

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