LA MORT REGARDE A LA FENÊTRE

   Les pyramides, le tombeau d’Agamemnon, les Invalides, la Crypte royale de Laeken, chaque époque de l’histoire a laissé les traces impressionnantes de défunts célèbres. 

  Quel monument rappellera ceux de notre temps ? Sur la tombe de quelles personnalités les touristes se prendront-ils en selfie dans deux cents ans (pour autant que la mer ne les ait pas recouverts entre temps)? 

  Parmi les fans de sépultures, j’en connais beaucoup qui préfèrent celles des méchants. Ce n’est pas toujours facile pour eux. Hitler, Mussolini n’ont pas laissé de tombes accessibles aux vrais amateurs. Oussama ben Laden et al-Baghdadi non plus. Mais la tombe du très sanguinaire Tamerlan est dans le guide du Routard. Cependant, je m’empresse de vous déconseiller le détour. Le jour même où son corps a été exhumé par le légiste soviétique, le docteur Guerassimov, le 22 juin 1941, Hitler lançait ses troupes à l’assaut de la Russie. Un an plus tard, à peine Tamerlan a-t-il été prudemment remis en terre, que s’est déclenchée la bataille de Stalingrad, marquant le début de la fin du III ème Reich. 

 On est donc un peu inquiet des conséquences du déménagement des restes du général Franco il y a quelques jours. On aurait peut-être mieux fait de les faire disparaître discrètement. 

 Les amateurs de cimetières ont néanmoins quelques personnalités actuelles à se mettre sous la dent. Mais si, jadis, les artistes célèbres se faisaient bâtir des monuments somptueux au Père Lachaise, à l’heure de la culture Ryanair, il faut se taper l’île de Saint-Barthélemy pour fleurir la dernière demeure de Johnny Halliday. Et celle de Hiva Oa pour déposer un galet sur la tombe de Jacques Brel. 

   Quant aux grands hommes qui nous gouvernent, la mode des pyramides est hélas passée. François Mitterrand, qui aimait contempler le plateau de Gizeh, n’a eu droit qu’à un emplacement de simple plouc à Jarnac, très loin de ses collègues pharaons. 

 C’est pourquoi je me permets une suggestion pour améliorer les funérailles de ceux qui nous guident. Avec le nombre de bâtiments prestigieux, coûteux et bien réfrigérés qu’elle a fait bâtir à Bruxelles, la Commission européenne pourrait en sacrifier un pour en faire le mausolée de nos grands hommes et grandes femmes. Un panthéon des plus brillants Européens, que les touristes viendraient visiter après l’Atomium et avant le Manneken-Pis (n’oubliez pas le guide !) Ce qui donnerait de l’Union européenne une image rassembleuse puisque toutes les ex-gloires de notre continent reposeraient sous un même suaire. 

Evidemment, on ne pourra pas empêcher les mauvaises langues de dire que ce panthéon vient un peu tard puisque l’Europe est déjà à l’agonie…

Ps : les amateurs de Michel de Ghelderode prendront le titre de cette chronique comme un clin d’œil à notre Schaerbeekois favori.

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AWELL, JOELLE, PROFECIAT’!

On croyait avoir connu le pire lorsque les deux tunnels royaux, le Léopold II et celui de sa fille Stéphanie, nous ont valsé sur le coin de la notje. Eh bien ! On n’avait rien vu. Voilà mett’nant que le ciel nous tombe sur la cafetière. D’un trait de sa plume nerveuse, son excellence madame la Milquet, elle a décidé comme ça que le théâtre de Toone, c’était pas de la culture. Fini ! Plus un balle de subvention pour ces schieve poechenellen qui savent même pas causer sur un français convenâb ! Les jeunes, déjà qui comprennent rien au Coran ou plutôt qu’il le comprennent tout de traviol, voilà mettnant qu’ils doivent se farcir le brussellois peut-être ? Non, fieu, ça une minist’, elle peut pas l’imposer aux pôv ket, sinon il y en a qui vont finir par l’attaquer, la minist’, pour crime contre l’humanité devant la cour pénale internationale de La Haye. Où la meï Milquet, elle devra se défendre en flamouche. Surtout pas ça ! C’est plus simple de supprimer Toone que de l’obliger à babeler dans la langue de Jambon !

Plusieurs signes ont montré ces derniers temps que Bruxelles était de moins en moins Bruxelles et qu’il serait temps de transporter ailleurs ce qu’il en reste avant que ça ne disparaisse, les pierres soigneusement numérotées, pour la reconstruire quelque part à la campagne, de préférence dans un coin où les politiciens qui veulent tant de bien aux Bruxellois ne prolifèrent pas. On y déménagera le cinéma Eldorado, le Vendôme (qui s’appelait le Roy), les musées, les bistrots, les théâtres chics, le National, le Parc, les Martyrs, et tutti quanti, et le Théâtre de Toone, dernier vestige de la culture locale et de la langue de la capitale.

Dire que la première poechenellekelder à Toone date de 1830 et qu’on veut la faire taire ? En 1830, on a déjà eu une muette à Bruxelles, celle de Portici. On a vu la suite…

Toone, pas de la culture ? Des auteurs ont écrit directement pour les poechenelles et pas des schieve lavabos, hein ! Jarry (Ubu), Claudel (oué ! le type avec sa slache de satin qui dure des heures), Lorca, Hélène Cixous, et même des Belches, tiens, Maeterlinck (notre seul prix Nobel de littérature, pas de la culture, ça madame la minis’ ?) ou Michel de Ghelderode, qui a justement écrit directement pour Toone. Et dont Cocteau a dit : « c’est le diamant qui ferme le collier que la Belgique porte autour du cou ». Diamant, collier, ah ! ça vous parle enfin, madame ?

Les marionnettes, c’est un art premier, comme le cinoche de Charlot et les aventures de Quick et Flupke, un langage qui jette des paillettes, qui fait que les enfants se serrent contre leurs parents, perce qu’ils partagent leurs émotions. Il n’y a pas beaucoup de spectacles qui réussissent cette magie.

Alors, siouplait, madame la minis’, tire un peu la ficelle pour rouvrir le rideau de ce théâtre des merveilles. Tu feras une oeuvre de salutation publique.