L’ARMEE DES DOUZE VIRUS

Une épidémie de « super-grippe » se répand d’abord aux États-Unis puis dans le monde entier et, en quelques semaines, la civilisation s’effondre, totalement ravagée. 

Les dernières nouvelles de Pékin ? Non, le début du « Fléau », un roman de Stephen King (publié il y a plus de quarante ans). On ne compte plus les livres et les films qui racontent des épidémies plus ou moins accidentelles de virus échappés de labos militaires ou nés de catastrophes naturelles. Mon roman préféré restant « Je suis une Légende » du génial Richard Matheson (une épidémie transforme tous les humains en vampires sauf le narrateur). Et mon film favori, « L’Armée des douze singes » d’un autre génie, Terry Gilliam.  

Jusqu’ici le corona virus, tout neuf et tout effrayant, fait triste figure. A peine de quoi animer un court-métrage d’art et d’essai. Rien de comparable avec les affreuses bêbêtes qui allument les feux de l’apocalypse. Ouf ! Parfois, la fiction reste plus forte que la réalité. Pourvou que ça doure ! 

Tous les ingrédients semblent pourtant réunis dans cette catastrophe annoncée pour nous offrir une belle suée: un horrible virus transmis par des poulets aux humains, des millions d’habitants confinés dans leurs villes et bientôt dans leurs appartements, l’armée qui interdit les déplacements. Et, cerise sur le gâteau de riz, l’histoire se passe en Chine. Ranimant ce bon vieux cauchemar du péril jaune, le terrifiant Fu Manchu (imaginé par Sax Rohmer dans les années vingt, un succès planétaire) ou le redoutable l’Ombre jaune, le plus terrible adversaire de notre Bob Morane national. 

Est-ce l’inconscient de notre enfance qui explique nos réactions? Chaque fois qu’une information réveille un conte de notre enfance, on se retrouve, réflexe pavlovien, à revivre les émotions qu’on ressentait dans les bras de notre maman. De Babar à Bob Morane, de Cendrillon aux Sacrées Sorcières, c’est toujours à travers ces récits d’hier, qui ont fabriqué notre imaginaire, que l’on décode l’actualité au présent. Souvent inconsciemment. 

Une enquête récente montrait une forte demande de livres de fiction dans les bibliothèques de la Communauté française. Méfions-nous de cette bonne nouvelle : tous ces lecteurs risquent de vivre de terribles terreurs dans les prochaines années chaque fois qu’un événement inquiétant dans le monde, catastrophe climatique ou naturelle, maladies nouvelles, phénomènes inexplicables, leur rappellera l’intrigue horrifique d’un bouquin qui s’est logée dans un coin de leur mémoire. Avec la mention « n’ouvrir qu’en cas de grand danger ». 

Souvenez-vous alors de ce conseil de Lewis Carroll : «  S’il est impossible de ne pas penser à quelque chose, il est encore possible de penser à autre chose » !   

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LES OISEAUX S’ENTETENT

Le dernier rhinocéros mâle de l’espèce des rhinos blancs du Nord vient de disparaître dans la réserve d’Ol Pejeta au Kenya après une longue maladie.

Certains pourraient se dire que l’événement est de peu d’importance face au génocide rwandais qui s’est déroulé non loin de là – le temps que nous détournions les yeux -, ou des massacres qui se poursuivent en direct en Syrie, au Yemen et dans plein d’autres coins de la planète.

Mais toutes ces tragédies ne nous empêchent pas de nous arrêter, émus, bouleversés, par la disparition du dernier mammifère d’une espèce vivante.

Une espèce massacrée tout le siècle dernier par les braconniers et les chasseurs, qui vendaient sa corne comme un piment aphrodisiaque à des crétins en quête de virilité. Exemple des méfaits dévastateurs à la fois des fake news et des obsessions sexuelles.

Pendant ce temps, l’homo sapiens se montre impuissant à régler des bêtes problèmes quotidiens et à empêcher la fin d’une espèce animale alors que nos connaissances scientifiques nous permettent de nous promener dans l’espace, de discerner la poussière dégagée par le Big Bang il y a quatorze milliards d’années et de photographier ou presque des braves gens buvant une petite mousse sur le bord de mer d’une des planètes du système Trappist à 39 années-lumière de la Terre.

On ne peut s’empêcher de remonter à ce jour de moins 33.000 avant notre ère, un lundi je crois, vers 12 h 45, où un de nos ancêtres, qui se dirigeaient vers sa grotte pour casser la croûte avec madame et les enfants, a croisé sur les bords du chemin, le dernier Neandertal, à qui il a refusé un petit morceau de dinosaure en grommelant: « Rentre dans ton bled, étranger ! » Quelques heures plus tard, sortant d’une petite sieste, il a aperçu le corps sans vie de l’ultime représentant de son espèce.

A propos de dinosaures, autre info alarmante de la semaine, la disparition des oiseaux, après celle annoncée des abeilles.

Plusieurs institutions scientifiques françaises ont sonné l’alarme après avoir observé une « véritable catastrophe écologique », la disparition d’un tiers de la population des oiseaux en quinze ans.

Dans « Le Secret de la Licorne », un homme qui vient de se faire abattre rue de Labrador a tout juste le temps de montrer à Tintin trois moineaux en train de picorer, désignant ainsi son assassin. Cette scène appartient au passé : qui peut se vanter d’avoir vu un seul moineau à Bruxelles ?

Pour échapper à l’effacement, jadis, les dinosaures sont devenus oiseaux. En quelle espèce vont-ils se transformer cette fois ? Appel à l’imagination !

Ps : pour ceux qui frissonnent à l’idée des derniers moments de la race humaine, lisez ou relisez ce magnifique classique de Richard Matheson « Je suis une légende » (Folio).

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