SESAME, OUVRE-TOI !

Selon un rapport signé par Jonathan Holslag, prof de relations internationales à la VUB, le développement d’Alibaba près de Liège, l’Amazone chinois, ne profite qu’aux entreprises chinoises. Quelle surprise ! Alibaba n’est donc pas la caverne aux trésors promise à la Wallonie par Charles Michel, alors premier ministre, lors de l’inauguration des locaux liégeois de l’entreprise qui s’écriait « C’est un jour historique ! » « Une situation win-win ! » avait-il même lancé dans un discours très route du soi… 

Reprenant ainsi le vocabulaire utilisé par les Chinois eux-mêmes dont « la stratégie win-win » leur sert de justificatif notamment en Afrique pour vidanger les richesses des pays sur lesquels ils lorgnent.  

On passera charitablement sur le fait que l’accord avec le géant chinois a été signé en décembre 2018 par le CEO de Liège Airport, qui s’est retrouvé inculpé quatre ans plus tard pour trafic d’influence, corruption et détournement. Il serait scandaleux de lier ces deux informations. 

On évitera aussi de rappeler les mises en garde d’une carte blanche signée à l’époque par de nombreux chercheurs et artistes (publiée dans votre quotidien favori). Qui s’inquiétait notamment que rien dans les accords avec Alibaba n’excluait l’importation des produits provenant des camps de travail chinois, soulignait les conséquences du trafic aérien et routier engendré par cette installation en termes de pollution et déplorait la suppression de centaines d’hectares d’excellentes terres agricoles de la province. 

Alibaba, ce sont des emplois pour les Wallons ! répliquaient les dirigeants de la Région et du gouvernement. Ils n’avaient sans doute pas lu le blog de Jack Ma, le patron d’Alibaba à l’époque qui avertissait : « travailler, selon la règle des « 9,9,6 », est un immense bonheur (soit de 9 heures à 21 heures six jours sur sept). Si vous souhaitez rejoindre Alibaba, vous devez être prêt à travailler douze heures par jour. Sinon pourquoi vous donner la peine de vous joindre à nous ? »

La personnalité de Jack Ma avait de quoi fasciner. Et il était devenu un des chouchous des stars des affaires et de la politique qui s’affichent chaque année au Forum économique de Davos. Deuxième fortune de Chine, Ma avait fait de son entreprise la plus puissante du commerce en ligne mondial avec Amazone, et flirtait avec le parti communiste (dont il était membre) avant que, patatras ! tout s’effondre, quelques mois à peine après avoir signé avec les Belges l’installation d’Alibaba à Bierset. L’encre à peine sèche, Ma perd brutalement la direction de son groupe, puis il est obligé de vendre ses parts avant de disparaître mystérieusement pendant quelques mois. D’après le Financial Times, il aurait fini par se réfugier au Japon l’an dernier. 

Encore une conséquence du mal wallon ?      

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LES HABITS NEUFS DE L’ORDRE NOUVEAU

  Malgré leur grande imagination, on a l’impression que nos hommes et femmes politiques, sonnés par le dimanche électoral noir de noir, peinent cette fois à trouver leur inspiration dans les trésors du surréalisme. 

 Alors, aidons-les un peu. 

  Le plus épineux obstacle à une réconciliation des deux communautés du pays vient de ce que de part et d’autre de la frontière linguistique, chacun regarde son voisin comme un territoire ennemi. Et ses habitants comme des péquenots. Faut donc faire bouger les lignes, obliger ceux qui se regardent en chiens de faïence à quitter leurs positions. En les attirant les uns vers les autres avec des cadeaux imprévus. 

  Ainsi, pourquoi ne pas offrir la présidence de la région wallonne à Bart De Wever ou même à Dries Van Langenhove, le petit canaillou qui anime les sympathiques sauteries du mouvement facho « Schild & Vrienden » ? 

  Bart ou Dries, dans leur nouvel habit, obligé de réorganiser les intercommunales wallonnes, à mettre de l’ordre dans les TEC (l’ordre, ils connaissent ça, non ?), réparer les routes du sud du pays, à assister aux matchs du Standard en hurlant avec les supporters rouches chaque fois que les Liégeois marqueront contre l’Antwerp, la Gantoise et Bruges, à vanter lors de l’inauguration de la Foire de Libramont les vaches blanc, bleues, belges (belges !!), voilà autant d’idées audacieuses susceptibles d’apporter un souffle frais dans le sud du pays et à décoincer ce qui paralyse le développement de la Wallonie. 

Pendant ce temps, Paul Magnette, nommé à la tête du gouvernement flamand mobilisera ses concitoyens pour défier l’Oncle Sam. Et l’on rêve déjà du prochain sommet Magnette-Trump arbitré par le président nord-coréen. A l’emploi flamand, on appellera Raoul Hedebouw pour gérer l’arrivée des milliers de nouveaux immigrés destinés à pallier le manque de main d’œuvre dans la partie plate du pays. 

Seul risque de ce projet : on ne peut exclure que, comme tant de nouveaux convertis, certaines de ces personnalités « déplacées » prennent leur mandat trop à cœur. 

Ses nouvelles fonctions lui tournant la tête, on ne peut exclure que Bart De Wever demande le rattachement de la Wallonie à la France en hurlant depuis le perron de Liège « Vive la Wallonie libre ! » Et Frédéric Daerden, nommé aux Finances, organiser fiévreusement le décrochage de la Flandre de l’euro au profit d’une nouvelle monnaie noire et jaune, le « goedendag ». 

Reste le plus difficile : aérer aussi l’esprit d’un certain nombre de jeunes qui ont manifestement forcé sur les jeux vidéos et pas assez sur les cours d’histoire. Peut-être la VRT pourrait-elle repasser sa passionnante série « L’Ordre Nouveau » de Maurice De Wilde, dont le contenu a manifestement échappé à quelques jeunes votants distraits dimanche dernier.  

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CHACUN CHERCHE SON CHAT

D’après IBM, le nouvel ordinateur quantique qu’il met au point renverra nos plus superbes Lap-Top à la casse. Un ami a essayé un jour de m’expliquer la théorie des quanta. J’en suis sorti émerveillé et terrifié, en tout cas pour ce que j’en avais vaguement saisi. Voyant ma mine ahurie, il a essayé d’imager sa leçon par le paradoxe du chat. Selon la théorie des quanta, un chat peut se trouver à la fois dans son panier et sur mes genoux dans la même pièce, énervé d’un côté parce que j’ai oublié les croquettes de Sa Seigneurie et en même temps somnolent et repu au creux de mon ventre.

On imagine les applications fabuleuses de ce nouvel ordinateur qui permettra de tenir une double comptabilité sans vous compromettre puisqu’elle sera initiée à votre insu de votre plein gré, d’établir une société à Bruxelles et à Panama (ah ça, il paraît que ça existe déjà), de gérer vos deux ménages, celui avec votre femme légitime et celui avec votre maîtresse, sans jamais vous tromper dans la date de leurs anniversaires ni dans les destinations de vacances promises à l’une et à l’autre. Plus fort encore, selon cette théorie magique, votre maîtresse sera le sosie de votre épouse même si elles gardent chacune son caractère. L’une vous cajole pendant que l’autre vous fait une scène.

La théorie des quanta permet aussi de prolonger la découverte que viennent d’annoncer des chercheurs liégeois. Deux exo-planètes ressemblant à notre bonne vieille terre tournent à un certain nombre de kilomètres de Molenbeek  autour d’un petit soleil pareil au nôtre ou à peu près.

D’après nos amis liégeois (Liège, c’est la Marseille de Belgique), il n’y a qu’un pas avant de conclure que ces mondes sont habités par des créatures vivantes. A quoi ressemblent-elles ? Petits hommes verts, monstres préhistoriques, pieuvres géantes et baveuses ? Oubliez ces fantasmes tirés de BD américaines des années cinquante. En vertu de la théorie des quanta, voilà ce que verront les premiers astronautes qui survoleront ces nouveaux mondes : la reproduction exacte du nôtre. Devant leurs yeux hagards, ils observeront des humains exactement semblables à eux, à leurs parents, à leurs enfants. Il y aura une ville de Liège, avec une gare Calatrava, une passerelle flambant neuve sur la Meuse, des boulets sauce lapin en veux-tu en voilà. Il y aura des Flamands et des Wallons. Poutine, Erdogan et Daesh aussi. Mais le comportement de chacun sera différent de leurs homologues terrestres s’il faut en croire le paradoxe du chat. Dans ce monde parallèle, les djihadiste seront doux comme des moines bouddhistes, Charles Michel le redoutable grand vizir de l’empire ottoman et Bart De Wever, bourgmestre de Bagdad. Sûr que là-bas, les choses tourneront mieux que dans notre monde inachevé…

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L’ESPRIT DE L’ESCALIER

   L’autre jour, en arrivant à Liège, j’ai désespérément cherché un escalator pour changer de quai à la gare des Guillemins. Pas d’escalier mécanique, pas de banc non plus. Tout le mobilier s’était envolé, emporté dans les ailes si belles tracées par Calatrava, un architecte qui fait dans le génie, pas dans les transports en commun. Un artiste qui n’a jamais dû prendre un train dans sa vie. Jamais attendu dans une gare, jamais porté de bagages.

A la gare du Palais, une petite halte quelques kilomètres plus loin, signée d’un architecte modeste et inconnu, enfin un escalator ! Mais à l’arrêt ! Bien échauffé grâce à Calatrava, j’ai grimpé allègrement les marches de l’escalier mécanique aussi figées que le robot qu’affrontaient Jo, Zette et Jocko dans « Le Manitoba ne répond plus ». Au sommet, un avis m’attendait : la SNCB présente ses excuses aux voyageurs. L’escalator est définitivement hors service.

Définitivement hors service. Rêvons un peu. Tout s’arrête une fois pour toute. La Belgique, l’Europe, le monde. Enfin ! Plus un bruit, plus ce mouvement incessant, cette alerte permanente, ces écrans scintillants qui nous encerclent, nous interpellent, nous donnent des ordres auxquels nous obéissons sans plus réfléchir, saoulés par la marée. Hors service. Quel soulagement !

Imaginez que dans deux dimanches, au moment de voter Bart de Wever, l’écran annonce à l’électeur anversois dewéverisé: le ministère de l’intérieur présente ses excuses aux électeurs. La machine est définitivement hors service.

Ou en Floride, au moment de bourrer les urnes de faux bulletins à la gloire de Romney, soudain, la machine se révolte et les rejette en crachotant. Hors service !

A quoi bon voter d’ailleurs ? Les résultats sont, paraît-il, courus d’avance. Les sondages, les réseaux sociaux en état de vote permanent et les accords électoraux pour éviter toute surprise semblent avoir bouclé une fois pour toute le sort de la démocratie communale. Tout est bloqué ? Nous votons comme les sondages, Facebook et les partis l’ont décidé ?

A moins que quelques courageux ne s’avisent de bousculer la soi-disant logique, d’arrêter le mouvement perpétuel-consensuel pour grimper en haut de l’affiche à la seule force de leurs muscles.

Certes, Di Rupo se passera bien d’escalators en panne ou pas. Lui, il est assuré d’être déposé au sommet du maïorat de Mons comme un plume sur un nuage. Mais à Anvers ? Et dans quelques autres villes phares du pays ? On tremble à l’idée que l’escalator se remette en route et emporte tout au passage ! Pourvu que les effets mécaniques, promis par les sondages et le web s’arrêtent pour laisser les meilleurs s’affronter vraiment à la force du poignet !

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