PINOCCHIO. LE RETOUR

   Du temps de Pinocchio (dont une nouvelle adaptation sort sur les écrans), tout était simple : quand le petit pantin mentait, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure.

Mais comment démasquer menteurs, hypocrites et autres faux culs si leur nez ne s’allonge pas ? Dans notre société médiatique où celui qui parle le plus fort et le plus simpliste a raison, comment distinguer le vrai du faux ?

Vous me direz que si tous les menteurs avaient un nez à ressort, nous ne serions pas nombreux (et moi le premier) à promener fièrement le joli petit pif que nous a fabriqué notre maman. Tout de même. Le truc de Pinocchio serait bien utile.

Imaginez Herman Van Rompuy, frappé du syndrome de Pinocchio après toutes ses contorsions sournoises pour le sauvetage de l’euro et ses mesures en trompe-l’œil de relance de l’économie européenne. Le Berlaymont serait trop petit pour abriter son pauvre tarin qui, perçant les vitres du building de la place Schuman, traverserait Bruxelles et irait frapper les neuf boules de l’Atomium telle une queue de billard.

Et Nollet et Demotte avec leurs certificats verts aussi rassurants que la monnaie chypriote ? On se consolerait un peu de leur baratin de faux derche si leur nez se transformait soudain en éolienne.

Songez aussi à ce pathétique monsieur Hollande, obligé d’affirmer la main sur le cœur, mais l’air chafouin tout de même, qu’il y aurait moins de chômeurs à Noël qu’à Pâques ou à la Trinité. Juré, craché. Si je mens, je vais en enfer. En enfer ? Il y est déjà. Il peut promettre n’importe quoi. Mais si son nez dévoilait sa langue de bois, son discours serait bien différent. Comment oserait-il présenter ses vœux de fin d’année devant les caméras de la télévision avec le blair de Pinocchio ?

Le double langage est un jargon universel. A peine arrivés au pouvoir, les nouveaux élus parviennent spontanément à dire n’importe quoi avec le même aplomb que les plus anciens routiers de la politique. Dès sa première tournée internationale, en Afrique, dans ses habits neufs de président, M. Xi Jinping s’est mis au diapason de ses collègues (et de ses prédécesseurs). En déclarant (sans éclater de rire, même jaune) : « La Chine insiste sur l’égalité entre les pays, quels que soient leur taille, leur force et leur richesse. La Chine défend la justice, et s’oppose à la pratique du grand harcelant le petit, du fort dominant le faible, et du riche oppressant le pauvre».

Depuis Damas, le président Assad l’a immédiatement félicité pour ces belles paroles. Et promis de défendre lui aussi ses chers concitoyens, les plus petits, les plus faibles et les plus pauvres. A ce sujet, quelques armes chinoises supplémentaires seraient bien utiles pour continuer à défendre la justice, vu ce qui lui pend au nez.

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HOLLANDE ET SES REINES

Pour les amateurs de jeux de cartes, de réussite comme de poker, l’idéal est de tirer un as. Mais, Obama et Merkel ayant monopolisé la carte maîtresse, restent à distribuer les roi, dame et valet (beaucoup de valets).

Conscient de ses limites, le modeste président français a toujours essayé de jouer les reines. Mais, coup sur coup, ses deux reines se sont fait la malle : après Royal, voilà qu’il vient de perdre la reine de Hollande. Malgré ses succès au Mali, le voilà bien marri (marri pour tous, quand même).

S’il songe à se consoler dans les bras d’un légionnaire, comme jadis Gainsbourg, qu’il fasse gaffe ! Dans le texte de la célèbre chanson, l’histoire du beau légionnaire est bien inquiétante :

« Il était plein de tatouages/Que j’ai jamais très bien compris,/Son cou portait: « pas vu, pas pris« 

Pas vu, pas pris ?

Ben oui, ils sont où les fameux terroristes islamistes qui tenaient le Nord Mali dans une poigne de fer ? Pas vu, pas pris.

Et leurs milliers d’armes terrifiantes, piquées dans les arsenaux de Kadhafi ? Pas vu, pas pris.

Et les otages qu’ils détenaient ? Pas vus, pas repris…

Les Français ne sont pas destinés à rester au Mali, a averti le président français.

« Il m’a aimé toute la nuit/ Mon légionnaire !/ Et me laissant à mon destin / Il est parti dans le matin ». Bon mais une fois reparti « dans quelque pays merveilleux » le légionnaire qui « sentait bon le sable chaud », que va-t-il se passer ? Les hommes d’Ansar Dine, et autres poissons froids, vont-ils sortir de leurs boîtes et revenir tranquillement prendre le thé à Tombouctou et à Gao ? Détruire ce qui restait encore des monuments et autres trésors de la culture séculaire ? D’après ce qu’on a compris, ce n’est pas l’armée malienne qui va les déranger.

Il a fallu dix ans pour dénicher Ben Laden, caché si l’on peut dire, dans une villa paisible d’une des villes les plus militarisés du Pakistan. Bonne chance pour trouver Ansar Dine dans les mers de sable du Sahel ! Son avenir baigne dans l’huile.

Une guerre, c’est toujours comme ça : ça commence par une réussite et ça se transforme en poker menteur pour finir en strip poker. A se demander pourquoi il s’en trouve encore qui s’amuse au kriegsspiel  ?

Mieux vaut prendre exemple sur Mittal. Lui ne s’est jamais contenté de rois ni de reines. Il ne s’est pas laissé bercer par ses valets. Il a sorti le joker. La carte qui supplante toutes les autres. Celle qui permet au joueur de changer les règles au fur et à mesure de la partie. Et si ça ne plaît pas à ses partenaires, c’est simple, il ramasse toutes les cartes et il s’en va jouer ailleurs. Car il s’en trouve toujours d’autres qui croient avoir un moral d’acier avant de se retrouver grillés à leur tour…

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TOUT EST NORMAL

La semaine passée avait commencé de façon bizarre. Précédé par un escadron de motards, le nouveau président français a fait arrêter voiture et escorte en attendant que le feu passe au vert. Pendant ce temps, la capote de sa limousine relevée, il affrontait les éléments déchaînés  en agitant les bras pour saluer la foule alors que ses lunettes dégoulinant d’eau l’empêchaient de voir que personne ne s’était attardé sur les trottoirs, sinon un chien qui croyait que le grand geste de M. Hollande annonçait l’envoi d’un su-sucre.

Et si le feu était resté rouge ? Nul n’est à l’abri d’un court-circuit sous la tempête. Qu’aurait fait le président normal ?

L’Europe ressemble singulièrement à cette image paradoxale. Des dirigeants errant comme des poules sans tête. Ils veulent à la fois sucrer les dépenses publiques et les accélérer et s’étonnent que leur véhicule ne bouge pas. Mais aucun d’eux n’est fichu de descendre de l’auto pour donner un bon coup de pied pour débloquer le feu.

Un président « normal » ne donne pas de coups de pieds. Il ne met pas les mains dans le cambouis. A chacun son job. Il ne bouge pas en attendant les techniciens d’EDF ou de Dieu sait qui. Combien de temps ? Le temps qu’il faudra. Une heure, un jour, un an. Comme lui, l’Europe reste immobile dans la drache, en priant pour que les Américains viennent débloquer le bazar et, au passage, changent la météo. Normal : ce sont toujours les Américains qu’on appelle en cas de panne. En leur rappelant, une fois les réparations terminées, que ce sont eux qui ont causé le court-circuit. Excellent prétexte pour ne pas payer la facture.

Pendant ce temps, en Serbie aussi, les électeurs ont choisi l’alternance. Et envoyé au pouvoir Tomislav Nicolic. Surnommé « le fossoyeur », ce sympathique camarade a été le  meilleur collaborateur de Vojislav Seselj. Cet ultranationaliste serbe est enfermé aujourd’hui dans les prisons de Hollande en attendant son procès pour crime contre l’humanité, notamment pour sa participation à l’épuration ethnique pendant la campagne de Croatie.

A l’annonce du résultat, comment ont réagi les dirigeants européens ? Ils ont félicité Hollande. Alors, ils applaudissent Nicolic. C’est la démocratie. Le peuple a toujours raison, vous connaissez la chanson. Les Grecs n’arrêtent pas de la reprendre en chœur. D’ailleurs, l’Europe ne se mêle pas des problèmes intérieurs des états. Du moment que le nouveau président serbe s’est prononcé pour l’Europe. Il est donc des nôtres. Il peut prendre place devant le feu rouge comme les autres. Ce qui en fera un président normal à son tour. Pas moins normal somme toute que le patron de la Hongrie. Et, demain à qui le tour ? Vous trouvez ça normal ?

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COMPOTE

Il a fallu attendre les derniers jours de la campagne présidentielle française pour découvrir enfin François Hollande. Le vrai. Pas cet ectoplasme raide, exhibé sur toutes les chaînes de télé depuis des mois, portant un costume gris dont il a oublié d’ôter le porte-manteau, une cravate sombre, une chemise sinistre, qui lui donnent l’allure de son double en cire sorti tout droit du musée Grévin.

Grâce à V.S.D. et à Voici, on sait maintenant ce que fait le nouveau président lorsqu’il est débarrassé de toutes contraintes, serrages de mains, réunions de travail, dîners protocolaires, interviews, apparitions en compagnie de ses amis politiques qui se sont foutus de sa tronche pendant des années et qu’il est obligé de traiter publiquement de potes, quand il ne doit pas se maquiller, sourire sur commande ou se forcer à rester de marbre. Oui. Que fait M. Hollande, seul, face à lui-même ?

Giscard lisait Maupassant (feuilletez Bel Ami et vous réclamerez le retour de Giscard !), Mitterrand se faisait tirer les cartes par une voyante avant d’aller errer pas dans les cimetières et Chirac goûtait aux délices des artistes orientaux.

Les goûts du nouveau président sont très différents de ceux de ses prédécesseurs: son rêve à lui, c’est pousser un caddy dans les allées d’une superette. Il aime assez ça, a-t-il confirmé.

On ne va pas lui reprocher ce petit plaisir. On comprend qu’il parcourt, les lèvres humides, les étals de son Carrefour, dégoulinants de mets magnifiques dont il se prive depuis qu’il est candidat afin d’afficher la taille mannequin de Sarkozy. Dans la cinquième république, impossible pour un petit gros d’accéder à la fonction suprême. Voyez l’échec d’Alain Poher ou de Raymond Barre.

Ne lui reprochons pas non plus préférer la compote de pomme (en morceaux, a-t-il précisé) à un bon livre ou aux estampes de Hokusai.

Mais ce qu’on ne peut pas lui pardonner, c’est d’avoir choisi d’acheter et de faire la promotion de la compote en pot. En pot ! D’accord sa compote est fabriquée, comme par hasard, par un de ses amis industriels qui construit justement un nouveau site à Brive, dans son fief électoral. Une excuse qui n’est qu’une faute de goût.

Ou alors, le pauvre François n’a pas assisté comme moi à la cérémonie magique d’une maman qui pèle d’un couteau habile de belles pommes aussi rouges et saines que les joues d’une paysanne flamande chez Breughel. Il n’a pas sucé les épluchures, croqué les petits morceaux tout frais restés sur le journal. Il n’a surtout pas longuement laissé fondre dans sa bouche la compote encore chaude, mêlant le goût des pommes à celui de la cannelle et d’un peu de citron.

S’il n’y prend garde, cette compote en pot sera pour Hollande ce qu’a été pour Sarkoy la soirée du Fouquet’s.

 

 

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