REMEDE A L’INCERTITUDE

 Regardez les exploits de l’industrie spatiale. Des sondes vers Jupiter qui tournent autour de ses satellites pour chercher des traces de vie, une autre jusqu’à Pluton, aux confins du système solaire. Des robots posés en douceur sur des astéroïdes. Les scientifiques ont aussi découvert que la matière noire et l’énergie sombre occupent 95 % de l’univers. Ce qui me fait penser à profiter du soleil avant qu’une nuit définitive ne nous tombe dessus…

En quelques années, la technologie a donné accès à plus de connaissances que pendant les deux cent mille premières années de l’homo sapiens. 

Mais, paradoxalement, plus les appareils sont sophistiqués et les découvertes scientifiques bouleversantes, plus l’homme se trouve plongé en plein désarroi. C’était si simple de comprendre les lois de la physique à l’époque de Newton : il suffisait de s’asseoir sous un arbre en attendant de recevoir une pomme sur la tête. De lire la Bible ou le Coran pour avoir une explication rassurante de notre présence dans l’univers. 

Maintenant, plus on accède à des découvertes, moins on les comprend. Et on a peur. La multiplication des ouragans et des inondations est-elle une conséquence du dérèglement climatique ? La pandémie du coronavirus le résultat d’une manipulation malheureuse de virus en laboratoire ? Et comment reste-t-on aussi désarmé face à un bête virus alors qu’on peut envoyer des engins au fond de l’univers, qu’on est capable de décoder les premières minutes qui ont suivi le Big Bang ?  

Dans ce monde de plus en plus instable et incompréhensible, beaucoup ont besoin désespérément d’entendre des raisonnements élémentaires. Des fake news tellement plus crédibles que les vraies. Des théories complotistes qui rendent les événements troublants si faciles à analyser. L’homme n’a jamais réussi à débarquer sur la lune, c’est Hollywood qui a fabriqué les images. Le World Trade Center ne s’est pas effondré. L’événement a eu lieu dans une autre dimension. Les terroristes n’existent pas. C’est une invention des communistes. Hitler est toujours vivant. Il attend son heure. 

  La ferveur de tant d’électeurs pour garder Trump à la Maison Blanche s’explique aussi par l’angoisse devant l’incertitude. 

  Bien sûr, sa gestion de la pandémie est à l’image de ses discours, grotesques, brouillons, mensongers. C’est justement là d’où il tire sa force. Quel avenir avec Biden ? Des années de grisaille, de crise et une gestion ennuyeuse des affaires. 

Les électeurs de Trump savent que le virus ne sera pas vaincu. Mais ils s’en fichent. Avec sa baguette magique, Mister America First offre l’illusion, pas la réalité. Et c’est ce que veulent ses partisans, des lendemains aussi brillants qu’un cabriolet Mustang 1968 tout neuf aux jantes chromées fonçant sur la US Route 66 en direction de Santa Monica. 

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LES ENFANTS MAUDITS DE NAPOLEON

  Il y a un mystère Napoléon. Pourquoi Hitler, Staline, Gengis Khan sont-ils définitivement considérés comme des monstres sanguinaires mais pas Napoléon ?

  Un peu partout dans le monde, des clubs, des écrivains, des collectionneurs continuent d’alimenter le culte du vaincu de Waterloo. Je suis certain que Napoléon a plus de fans qu’Einstein, Martin Luther King et Louis Pasteur réunis. 

  Cette semaine encore, un admirateur russe de l’empereur, historien honorable, a manifesté son enthousiasme pour le grand homme en découpant en morceaux sa compagne – elle-même groupie de Napoléon- en autant de morceaux que l’avait fait leur héros avec l’Europe il y a deux siècles. 

  Ce qui montre les dégâts que peut engendrer une dictature pourtant battue et éliminée de la carte politique longtemps après sa disparition. Il n’y a pas qu’à Saint-Pétersbourg que la folie des tyrans de la belle époque continue de contaminer nos contemporains, un peu comme la maladie qui a frappé les archéologues découvrant le tombeau de Toutânkhamon avant de tomber comme des mouches. 

 On voit ces temps-ci l’effloraison des graines semées par les régimes les plus odieux de l’histoire.

Qui aurait pu penser que le premier parti d’Italie clamerait son admiration pour Mussolini alors que ses électeurs ont été bercés par des cinéastes, des écrivains, qui ont démonté l’horreur de ce régime et les dégâts qu’il a causés pas seulement sur les âmes, mais même sur l’économie du pays ? Bassani, Silone, Ginzburg, Primo Levi, Carlo Levi, Monicelli, de Sica, les Taviani, réveillez-vous, ils sont devenus fous !  

Et voyez les dernières élections en Allemagne, en Espagne.  

 Ainsi que chez nous, en Flandre, où a vu débarquer au parlement une tripotée de jeunes néo-fascistes, la bouche en coeur. Pour les combattre, le nouveau ministre-président (qui s’est approprié le portefeuille de la culture) n’a rien trouvé de mieux que d’étouffer financièrement artistes et créateurs. Ces artistes qui ont fait briller la Flandre dans toute l’Europe. Le « canon » flamand brandi il y a quelques semaines est déjà dans les patates ! Seul espoir, que ses collègues ne se laissent pas enfumer par le Jambon ! 

    Avec l’accélération de l’amnésie politique, on n’ose pas imaginer à quoi ressemblera le deuxième mandat du président Trump ! Pour autant que la littérature serve encore à réveiller les lecteurs, on conseillera de lire cette joyeuse et terrifiante uchronie de Philip Roth « Le Complot contre l’Amérique ». 

On en profitera pour vous faire acheter aussi le plus beau roman italien de cette année, « Tous, sauf moi » de Francesca Melandri, superbe plongée dans le Rome actuel (confrontée à l’immigration) avec en parallèle le souvenir de la conquête barbare de l’Ethiopie par les troupes du Duce. Le tout à glisser sous le sapin !  

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TRESSES, ETC

 Que la vie était paisible lorsque la terre était plate et que le soleil et les autres planètes tournaient autour de la terre ! Il a fallu que Copernic puis Galilée jouent aux quilles pour que tout le système solaire se transforme en bowling géant et que les problèmes commencent à s’accumuler. Vous remarquerez que la naissance de l’imprimerie coïncide, à vingt ans près, avec celle de Copernic. Ce n’est pas un hasard. Le désordre du monde n’est-il pas, pour un certain nombre de gens, la conséquence du développement des media ?

   Galilée ne s’y est pas trompé. Il est passé à la postérité pour avoir lancé la première punch line qui a fait le tour du monde : « Et pourtant, elle tourne… » 

   La mondialisation d’une info – ou d’une opinion – bien avant la création d’internet et des réseaux sociaux…

   Depuis ces déclarations maudites, la planète bleue s’est mise à foncer à plus de 107.000 km /h. et le soleil à plus de 700.000 km/h. 

   Pourquoi s’étonner alors qu’ici-bas, les gens sont devenus fous, violents, déprimés, déséquilibrés ? 

   On dit souvent que les medias ont une lourde responsabilité dans la perception que nous avons des excès qui se commettent dans le monde et qu’ils contribuent à les accentuer. Hitler, Mussolini, Staline auraient-ils jamais emporté l’adhésion de leurs peuples sans leurs services de propagande machiavéliques ? S’ils n’avaient pas été filmés par des chaînes de télé en continu, relayés par des réseaux sociaux hystériques, les gilets jaunes auraient-ils réussi à manifester semaine après semaine depuis près d’un an ? Trump aurait-il été élu s’il n’était pas déjà une star du petit écran ? 

    Ceci pour dire que les braves Demotte et Bourgeois auront un gros effort à faire pour exister. Pour l’instant, ils sont largement écrasés par Shakira et Katy Perry, respectivement 52 millions de fans et 22 millions de followers. Oufti ! 

  Mais les medias ont, c’est vrai, la tentation de mettre en avant ce qui ne va pas en considérant que des informations positives n’intéresseront pas leurs lecteurs, auditeurs ou spectateurs. Or, un même sujet peut être traité de façon dramatique ou constructive. Pourquoi croit-on que les citoyens préfèrent le masque du tragique ? 

Prenons le cas de Greta Thunberg, représentée de façon systématique tirant la gueule en invectivant les responsables politiques. Il y a une autre façon de parler d’elle. Oublier cette histoire polémique du climat, qui fout les jetons, et plutôt mettre en avant le fait qu’une ado suédoise s’exprime aussi bien et aussi facilement en anglais. Quel exemple pour les jeunes wallons et bruxellois qui prétendent avoir tant de mal à assimiler la seconde langue nationale.

Le don des langues n’entre tout de même pas par les tresses, si ? 

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BONNES NOUVELLES DE BERLIN

   Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles venant d’Allemagne. Ainsi, n’avez-vous pas été frappé comme moi qu’aucun des dirigeants ni même des dirigeantes de l’AfD ne porte de moustache ? Cette retenue est en soi une information, un programme, une promesse. 

Autre indication importante : quelques-unes des pires figures du futur nouveau Reich sont des femmes. Alors que le national socialisme avait résumé le rôle des femmes en trois mots : Kinder, Kirche, Küche (enfants, église, cuisine).

Alice Weidel, qui a co-dirigé la campagne électorale avant de présider le groupe au Bundestag ne se cache pas d’avoir pour compagne une immigrée sri-lankaise. Frauke Petry, leur ancienne porte-parole, vient comme Angela Merkel de RDA et a une aussi solide formation scientifique qu’elle. 

Tout ceci pour dire que l’AfD est fréquentable ? Non ! Au contraire ! Il faut combattre ce mouvement maudit mais en ne se trompant pas d’armes ni d’arguments. 

Lors d’une campagne électorale à Anvers il y a plusieurs années, des adversaires du Vlaams Blok avaient cru affaiblir le parti d’extrême droite en pleine expansion en placardant des affiches assimilant Filip Dewinter à Hitler. Echec complet. Aucun électeur n’a compris le message. 

Le führer de l’éphémère Troisième Reich ne fait plus peur à des générations qui ne l’ont pas connu, ni lui, ni ses victimes. Il leur paraît aussi ringard que Gengis Khan ou Napoléon. Mais surtout aucun électeur, tenté par les discours des partis populistes, ne confond « Mein Kampf » avec les promesses des nouveaux fachos ni avec les sympathiques messages que ces politichiens et politichiennes postent chaque jour vers leurs « amis » sur les réseaux sociaux.  

La lutte contre ces malfaisants doit répondre aux angoisses de leurs électeurs, l’immigration, l’identité culturelle, deux questions que l’on doit cesser de mettre sous le tapis. 

En regardant ailleurs pendant que l’Italie se débattait et se débrouillait avec les réfugiés, ses « partenaires » européens ont fourni à Salvini les munitions pour abattre les partis démocratiques de la Botte. 

En investissant trop peu dans la culture, l’éducation et l’enseignement, les gouvernements (singulièrement les nôtres) ont donné aux citoyens le sentiment que nos identités étaient en train de se perdre et de se diluer.  L’éclatement des matières culturelles et l’enseignement entre les communautés a aussi oublié la défense et le développement des valeurs, des artistes, des créations qui se veulent belges et qui refusent d’être réduites à une culture de village. 

Pour appuyer sa demande de naturalisation, Maurice Béjart écrivait : « Que je puisse lire dans les biographies qui me sont consacrées »Maurice Béjart, chorégraphe belge », c’est là mon souhait le plus sincère ». 

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KIRK FOR EVER

Happy Birthday, Kirk ! Né de parents immigrés, qui ne parlaient pas un mot d’anglais à leur arrivée aux Etats-Unis, Kirk Douglas restera pour l’éternité le modèle de l’Américain idéal, prêt à se battre seul contre tous pour la liberté, la démocratie, la tolérance, la culture. Il a lui-même produit plusieurs des meilleurs films dans lesquels il incarne ce genre de personnage, prêt à tout pour défendre ses valeurs, Spartacus, Les Sentiers de la Gloire, Règlement de comptes à OK Corral.

Pour l’éternité ? Pas sûr. Kirk qui ? me demandait une jeune avocate quand j’évoquais les Sentiers de la Gloire. Et de quels Sentiers parles-tu ?

Pendant la campagne électorale, Kirk Douglas, qui s’est battu contre Trump a raconté qu’il se rappelait des réactions de beaucoup de gens à l’arrivée d’Hitler au pouvoir (il avait seize ans). « Pendant près d’une décennie, on s’était moqué de lui. On le considérait comme un bouffon dont le nationalisme haineux n’emporterait jamais l’adhésion d’un peuple instruit et civilisé. » Or, voilà qu’en entendant un discours prononcé par Trump dans l’Arizona, ses mots lui ont fait « froid dans le dos, à lui, et à sa femme, Anne, qui a grandi en Allemagne, des mots qui semblaient tout droit sortis de 1933 ».

« Un peuple instruit et civilisé ». Retenez ces mots. Il y a quelques jours, un professeur de sciences politiques de l’ULB m’a avoué qu’une partie de ses étudiants n’a jamais entendu parler de Mussolini et certains même de Hitler. Heureusement que cette chère Pisa a interrogé les ados de quinze ans plutôt que des étudiants universitaires, sinon quelle serait la place de la Belgique dans son classement ?

Emmanuel Macron a dangereusement surestimé les électeurs français en s’écriant : « cette primaire, c’est OK Corral ! » A part les vieux abonnés du Ciné-club de Minuit, qui l’aura compris ? J’exagère ? Reprenez une tranche du rapport Pisa. L’état des connaissances de nos jeunes est dur à digérer même pour la sémillante ministre par Marie-Martine « Belles Crolles » Schyns qui croit fermement en l’avenir de l’humanité en générale et des jeunes pousses wallonnes de quinze ans en particulier.    

Mais, la matière grise semble dans nos régions suivre la pente dangereuse de nos matières premières : la veine s’épuise. Savoir qui est Kirk Douglas ne sert à rien. Pas plus que d’avoir une idée sur la Blitz-carrière du Führer. Pour la plupart d’entre nous, les maths ne servent pas non plus à grand-chose. Ni la théorie des quanta ou le tableau de Mendeleïev. Pas plus que ceux de Picasso ou de Hopper. Sauf que c’est avec tous ces savoirs et ces émotions inutiles qu’on fabrique « un peuple instruit et civilisé ». Un être humain, c’est beaucoup d’eau, une goutte de vin et plein de choses inutiles. Sans ces choses inutiles, il devient un robot.

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CRUCIFIXION

D’après les derniers sondages, la cote de popularité du président Hollande est sur le point de plonger en dessous de zéro. Comme dans les banques, il faudra bientôt payer pour l’aimer…

Cette histoire de sondages, vous savez, ça va, ça vient. Hitler bénéficiait d’une cote de popularité au zénith en Allemagne et en Autriche (et dans quelques pays voisins) à la fin des années trente. Ou Staline juste après la guerre. Aujourd’hui, ach ! ce sont des monstres qu’on évoque pour faire peur aux enfants en ces jours de Halloween.

Que Hollande se console en se disant que les sondages réalisés à Jérusalem en l’an 33 montrent que Jésus de Nazareth était encore plus impopulaire que lui. Rien n’est donc perdu. Si François Hollande rêve d’un destin aussi exceptionnel que son jeune collègue, on lui conseille quelques trucs, qui ont permis que le Nouveau Testament reste en tête du hit parade depuis plus de deux mille ans. Et que son programme de réformes soit toujours un modèle, mais si, mais si.

Première règle : changer le calendrier. L’idée de décliner les années à partir de la mort de Jésus n’a pas été pour peu dans son succès, la médiatisation de son nom dans tous les foyers, le rappel incessant de sa personnalité.

Si un jour, on commence à compter à partir de la mort politique de FH, ce n’est pas encore gagné mais c’est déjà un premier pas vers la gloire. Saluer l’élection de Ségolène Royal en l’an 10 après FH, avouez que ça a une autre gueule que d’écrire qu’elle a été élue en 2027 après JC (exactement au même âge qu’aura Hillary Clinton lorsqu’elle briguera un second mandat).

Faut aussi qu’il s’assure quelques belles plumes pour saluer son bilan, répéter ses plus belles citations et lui tresser des lauriers. La grande erreur du président français est d’être incapable de déléguer. Il veut à tout prix faire le travail lui-même. Résultat, il se plante. Ses petites pensées, ses petites phrases, ses petites envolées ne suscitent pas le moindre écho, sinon quelques sarcasmes, quand c’est lui qui les exprime.

Socrate a été assez malin pour ne pas laisser la moindre trace écrite. Depuis des siècles, grâce à Platon et à Xénophon, il est devenu l’un des piliers de la philosophie.

Et Jésus ? Ce sont ses fans qui en ont fait une icône, Matthieu (un ancien collecteur d’impôts comme Macron), Luc (un médecin comme Cahuzac) ou Paul (grand voyageur comme Laurent Fabius, son ex-ministre des affaires étrangères). Evidemment, réunir dans un même volume une hagiographie de Hollande signée par Macron, Cahuzac et Fabius paraît plus insurmontable que de faire le chemin de croix à genoux ou de marcher sur le lac Tibériade. Mais si ce miracle se réalise, pas de doute, Hollande sera un Dieu. Sinon, ce sera l’Apocalypse…

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