L’ERE DU FAUX

On n’avait pas encore trouvé d’étiquette pour le vingt et unième siècle. Le siècle des Lumières était déjà pris. La Renaissance aussi. De toute façon, personne n’aurait osé coller ces merveilleux qualificatifs sur une ère inaugurée par les attentats du 11 septembre, suivis des ravages qui dévorent le Moyen Orient, la Lybie, l’Ukraine pour citer les plus joyeux …

Le scandale du poisson qui vient d’éclater cette semaine en Belgique mettra tout le monde d’accord : ce siècle sera baptisé un jour par les historiens le siècle du Faux.

Faux poisson dans les assiettes, fausse viande dans les surgelés, fausses émissions de CO2 dans les bagnoles, fausses compassion pour les réfugiés, les pauvres, les immigrés, faux seins, faux dieux, fausses performances sportives. Ce n’est pas un hasard qu’en Belgique, le gouvernement Michel s’est lancé dans une politique de contrefaçon dès son entrée en fonction. Il était dans l’air (et l’ère) du temps avec les chiffres fantaisistes de la SNCB balbutiés par madame Galant et ces faux ministres démocrates qui, juste avant la déclaration gouvernementale, couraient fêter leur arrivée au pouvoir avec un ancien collaborateur des nazis.

On peut y ajouter, et pas seulement du côté de chez nous, la politique systématique des fausses promesses : baisse du chômage, lutte contre la pollution, baisse des impôts, amélioration de la justice. Si, si, promis, juré ! Tu parles !

La technologie n’est pas en reste : le développement du monde virtuel nous donne la fausse impression d’être connectés en permanence au reste de la planète, que nous avons notre mot à dire dans les grandes questions du monde comme dans les plus petites, que nos tweets influencent ceux qui nous dirigent, que nous avons accès aux connaissances universelles, que nous sommes intelligents et cultivés et que nous pouvons rencontrer les plus belles filles du monde d’un simple clic.

Le phénomène va s’emballer. Déjà s’annoncent d’autres machines à fabriquer le faux en quantité industrielle comme la photocopieuse 3-D. Un automate qui va nous permettre, paraît-il, de bricoler chez nous, facile et pas cher, tout ce dont nous rêvons. Un poisson en 3-D, la Vénus de Milo, une paire de chaussures Louboutin, un sac Vuitton, ou la fille de la voisine.

Dans ce décor plein d’illusions et de chausse-trappes, comment distinguer le faux du vrai ? Et d’ailleurs, pourquoi, alors qu’il est plus enivrant et plus apaisant de vivre dans la chimère ? Il n’y a vraiment que les obsédés de la théorie du complot qui s’en offusquent. « L’homme n’a jamais marché sur la Lune », « les tours du WTC sont toujours debout ». C’est un comble puisqu’ils participent eux-mêmes à la construction des plus ingénieuses manipulations !

 

www.berenboom.com

FAUX ET USAGE DE FAUX

La tradition du faux est aussi implantée en Belgique que celle de la frite ou du rollmops. Au siècle des Lumières, la contrefaçon des grands auteurs français, Voltaire, Beaumarchais ou les Encyclopédistes, a fait la richesse des imprimeurs de la principauté de Liège ou de Bouillon, véritables ancêtres des pirates de l’Internet.
A Bruxelles, ce sont les architectes qui ont usé et abusé du faux. La Grand Place est vendue aux touristes comme une merveille du moyen âge ; le palais de justice, faux temple babylonien, ou l’église Sainte Catherine, soi-disant monument gothico-renaissance, ont été façonnés par le plus schieve des architekts, Joseph Poelaert il y a moins de cent cinquante ans. Même le roi Léopold II est accusé d’avoir vendu aux musées royaux des faux tableaux de maître avant que Mariën et selon ses dires, son ami Magritte, ne confectionnent et vendent de faux Chirico ou Max Ernst.
La campagne électorale renoue avec cette heureuse tradition bien de chez nous.
Ainsi, du confédéralisme. Se servant de cette même notion juridiquement floue et incompréhensible de tous, libéraux flamands et nationalistes de la N-VA se disputent sa paternité tandis que le CD&V qui s’en était servi dans le passé pour faire semblant d’avoir un programme institutionnel ne sait plus comment s’en débarrasser, tel le sparadrap du capitaine Haddock. Même Philippe Moureaux avait brandi la formule, croyant faire ainsi ami-ami avec les Flamands, avant de se rendre compte que dans confédéralisme, seule la première syllabe a un sens.
Le confédéralisme veut tout dire et son contraire : indépendance pour les uns, simple fédéralisme pour les autres (telle la « confédération suisse » qui n’en est pas une !) : c’est surtout un slogan creux, lancé à la tête des uns et des autres comme des tartes à la crème dans un film de Laurel et Hardy.
Les promesses socio-économiques des partis politiques ont aussi l’air d’avoir été écrites par Pinocchio dans sa période long nez. Promettre une « réduction d’impôts » paraît en ces jours de détresse budgétaire aussi crédible que d’annoncer le lancement d’un produit qui assure aux chauves le retour des cheveux. Mais promettre pour demain « la vie et les soins de santé moins chers » est aussi crédible qu’affirmer comme le ministre des Pensions démissionnaire que l’on ne touchera ni à l’âge ni aux conditions de votre pension. Aucun de ces engagements n’est vrai. Mais laissons les uns et les autres s’accuser mutuellement que son programme conduit le pays tout droit « à une situation à la grec ». Des temples babyloniens aux temples grecs, on connaît la chanson…

www.berenboom.com