E FINITA LA COMMEDIA!

    De Macron à G.L. Bouchez, les grands de ce monde se mobilisent pour les artistes. Les uns et les autres ne cessent de prononcer de chouettes discours en faveur des auteurs et interprètes. 

Le plus grand mérite de cette bienveillance est d’offrir du boulot au moins à quelques plumes, celles qui écrivent leurs discours.  

De l’argent, un statut pour les autres créateurs ? On verra plus tard. Entre temps, c’est tout de même sympa, non ? 

Parlant de plumes, je connais un certain nombre d’écrivains qui sont prêts à cachetonner eux aussi pour tous les hommes d’état nationaux, fédéraux, régionaux, communautaires, communaux. Dans le métier, être le nègre (désolé, ça s’appelle comme ça, depuis Alexandre Dumas), ce n’est pas très valorisant. Mais ça permet de payer le loyer, la bouffe du petit, quelques mètres de tissu, et même de louer un kayak un dimanche. 

Beaucoup d’artistes sont aussi d’accord de remplacer Macron, Bouchez, Linard ou Jambon pour faire le clown à leur place devant micros et caméras (je ne peux croire que ces messieurs-dames sérieux n’ont pas autre chose à faire que de parler des artistes avec des trémolos dans la voix mais sans budget. Mais, on le sait, l’art doit rester pur ; l’argent c’est impur). 

Faire un stand-up – ou le Guignol- pour remplacer le président au 20 h. de TF1, en prime-time, cela rapporte assez de droits pour s’offrir du gel et des masques pour tous les copains et copines. 

Certains hommes et femmes politiques auraient d’ailleurs intérêt à s’offrir un comédien ou une comédienne pour les remplacer lors des conférences de presse ou autres communications. D’abord, les artistes sont capables de réciter par cœur leurs textes sans broubeler. Ils arrivent toujours à l’heure. Et l’impro, la plupart en connaisse les ficelles et peuvent glisser l’une ou l’autre réplique amusante pour détendre l’atmosphère et surtout pour se défiler des questions embarrassantes sans avoir l’air ridicule. 

Les figurants aussi sont dans la mouise avec l’arrêt des tournages. Pourquoi ne pas leur proposer de siéger dans les multiples assemblées du pays ? Comme les élus, ils voteront aveuglément selon les instructions du parti, promis. Ils n’ont pas de difficulté à jouer masqués. Et leurs salaires sont bien plus compétitifs que ceux des excellences.   

Autre possibilité, tellement plus simple : pourquoi ne pas allouer aux auteurs et artistes une allocation universelle en attendant la reprise des activités ? Le système peut s’appuyer sur une pratique qui a déjà fait ses preuves. Les droits de copie privée et de reprographie sont versés ainsi de manière forfaitaire. Pourquoi ne pas créer une attribution forfaitaire spéciale sur les œuvres dont la représentation ou la reproduction ont été interrompues ou qui n’ont pu être distribuées ?

www.berenboom.com

PAUVRE PETITE FILLE RICHE

Dearest England,

J’ai bien reçu ta lettre nous annonçant ton départ de la maison, ce qui m’affecte énormément même si le flegme m’oblige à n’en rien laisser paraître. Oui, je déplore que tu nous quittes après plus de quarante années de vie commune. Certes, nous avons eu des différends et tu ne t’es pas assagie avec le temps, que non. Je me souviens de quelques-uns de tes éclats qui ont secoué toute la famille : « I want my money back ! » t’es-tu écriée un jour sans prendre de gants. Et de ta grossièreté envers un de nos invités, Jacques Delors qui parlait de faire bourse commune avec nous, quand tu lui as répondu : « Dites-lui où il peut le mettre son Ecu » !

Malgré tes excentricités -peut-être à cause d’elles- je suis désolé de ta décision et je crains que tu ne le sois aussi un jour quand tu reprendras tes esprits.

Qui te nourrira désormais ? Seule dans la cuisine,  tu ne sais pas faire grand-chose devant un fourneau, à part casser des œufs – pas seulement des œufs. Rappelle-toi de cet avertissement de Talleyrand : « L’Angleterre a deux sauces et trois cents religions; la France au contraire a deux religions, mais plus de trois cents sauces. »  Ta vie, sans nous, risque de te paraître bien fade.

Toi qui te plaignais de la cacophonie qui régnait à la maison, tu vas regretter notre tour de Babel. La langue anglaise est belle, si belle que tu as emporté avec toi une grande partie de notre bibliothèque, alors que tu sais comme nous chérissons les auteurs anglo-saxons. Ils ont alimenté notre imaginaire autant que le tien. Si nous ne nous débarrasserons pas de l’anglais, dont tu as subtilement introduit l’usage dans toutes nos réunions de famille et même dans les relations avec notre petit personnel, tu regretteras le babil, les cris et les chansons de tes frères, sœurs, cousins dispersés dans toute la maison et qui sont fiers de s’exprimer dans plus de vingt autres langues. Quel appauvrissement va être ta vie coincée entre les barbons d’Oxford et les vieilles barbes de Cambridge, à avaler ton porridge !

J’ajoute à ces regrets que j’ai aussi quelques reproches à formuler. Croyais-tu que je fermerais les yeux en découvrant que tu as emporté une partie des bijoux de famille ? Cette petite friponnerie, je te préviens, ne restera pas sans suite. Je t’invite à restituer ce que tu as pris d’autant que ta mère y tient beaucoup. Après ton départ, tu la connais, elle voudra se montrer partout, plus belle que jamais, dans tout son éclat, portant haut ses plus belles parures.

Je ne peux terminer cette missive sans t’inviter à réfléchir à nouveau à l’opportunité de ton geste théâtral (que je te pardonne, le théâtre fait partie de notre A.D.N.) en t’assurant que nous sommes toujours prêts à l’oublier pour te retrouver.

www.berenboom.com