CUMUL LAID

Et maintenant voilà Siegfried Bracke, pris à son tour la moustache dans le pot de confiture …

Ce n’est plus de commissions d’enquête dont on a besoin en Belgique, c’est d’un psychiatre. Une armée de psychiatres, vu le nombre de mandataires politiques atteints par la maladie du cumul.

La question n’est pas de savoir combien vaudraient en vente publique ces collections de mandats. Ce n’est pas une histoire d’argent. Pas seulement. Il y en a même beaucoup qui se battent pour décrocher des postes non rémunérés. La question est : pourquoi cette obsession?

Pourquoi des adultes consentants font-ils des pieds et des mains pour passer leurs soirées dans des conseils d’administration d’intercommunales chargés du traitement des déchets, de l’assainissement des eaux, de la gestion de l’abattoir de Ciney, du crematorium d’Audenarde ou de Namur, du centre psychiatrique de Mons-Borinage ? Beaucoup de ces mandataires, qui sont aussi échevins ou députés, n’hésitent pas à courir d’un conseil à l’autre. Le lundi, ils siègent à l’abattoir, le mardi au crematorium, le mercredi chez le câbleur.

Je ne vois qu’une raison à cette boulimie : ces pauvres élus s’emmerdent. Ils aiment pas lire, ils aiment pas la télé, même pas le catch féminin, ils aiment pas leurs femmes, leur mari, leurs enfants. Ils s’emmerdent.

Tels des boulimiques qui courent apaiser leur fièvre plusieurs fois par jour chez McDonald’s, ils ne peuvent résister aux conseils d’administration. Là, ils se calment un peu, en entendant le rapport de gestion du président, l’état des comptes du trésorier et surtout l’hommage à leurs collègues récemment disparus. Pendant la minute de silence, enfin, ils écrasent une larme d’émotion. La seule de la semaine.

De nouvelles lois ? Des sanctions ? On ne va pas les guérir en leur tapant sur les doigts. Il faut leur proposer d’autres activités pour apaiser leur addiction.

On conseillerait volontiers à Pascal Smets de taguer, la nuit, les murs de Bruxelles, lui qui a passé son temps comme ministre à choisir la nouvelle couleur des trams plutôt que d’écouter craquer les tunnels. On imagine Théo Francken reconverti en pion dans des écoles dites difficiles. « Je ne veux voir qu’une seule tête. Celle qui est blonde. » A Siegfried Bracke, des cours de coiffure pour dames du troisième âge. Il les teindrait en orange, plutôt qu’en mauve, façon de célébrer en groupe son rêve de la réunification des Pays-Bas.

On verrait bien aussi quelques hommes et femmes politiques élever des pitbulls, de quoi s’en inspirer en rendant leurs discours devant les assemblées encore plus musclés et plus bilingues.

Peu à peu, qui sait, on parviendra peut-être en les forçant à goûter à d’autres plaisirs, à les rendre presque humains.

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EN VERT ET CONTRE TOUS

Hissez les couleurs, mille sabords ! De loin, « La terre est bleue comme une orange » (Paul Eluard). De près, elle scintille de mille couleurs depuis que « la lumière fut », des folles paillettes de la queue du paon à la peau kaléidoscope du caméléon. Il n’y a que chez les hommes que, côté couleur, ça grince un peu.

En entendant crier : V’là les roûches ! Ou Allez les Mauves et Blancs ! les uns se mettent à vociférer et les autres au garde-à-vous. Chacun dans son coin, chacun coincé dans sa couleur. Selon que la mariée s’habille en noir, en jaune ou en violet, l’histoire du couple sera différente. Dans la société homo soi-disant sapiens, la couleur vous colle à la peau. On a beau être riche et célèbre comme Michaël Jackson, changer de peau finit le plus souvent en tragédie.

L’arc-en-ciel, ça existe pourtant. On en rêve. Mais c’est loin, très loin. « Somewhere over the Rainbow » chantait Judy Garland pour échapper au « désordre sans espoir » de ce monde et voler jusqu’au pays d’Oz où « les soucis fondent comme du sorbet au citron ».

Mais, quand les syndicats crient « on est à l’os ! », ils ne célèbrent pas le Magicien. Pourtant, le gris souris des prisons wallonnes n’est pas une fatalité.

La preuve par l’Autriche dont le vert pomme a permis à ce qui reste de l’empire d’échapper au brun sinistre. En espérant que le noir Marine ne recouvre pas la France où le rouge peu à peu rose est devenu presque transparent. Reste comme toujours Angela Merkel dont la couleur extravagante des vestes, canari ou saumon, permet de garder le moral. En attendant de découvrir qui redonnera du Technicolor à l’Espagne.

Chez nous, dès sa mise en place, le gouvernement avait tenté de mêler les couleurs en annonçant fièrement la suédoise. Il s’est plutôt mêlé les pinceaux. Certains observateurs avaient prévenus : le mélange bleu orange avec le noir et jaune sentait bon le kamikaze…

Après deux ans de travaux, chaque couleur fout le camp de son côté. Les murs de la rue de la Loi ont repris l’aspect lépreux dans lequel Charles Michel les avaient trouvés.

Ceux qui rêvent du retour d’une bonne couche de rouge devraient prendre garde. Aux Etats-Unis, le rouge est la couleur des républicains de Donald Trump. C’est le bleu, la couleur des démocrates. Preuve qu’en matière de couleur, tout est relatif et trompeur. Une couleur peut en cacher une autre.

Avec l’Euro de foot, on s’attend à un feu d’artifices mais une fois encore les couleurs ne se mélangeront pas. Au contraire. Dans le sport, c’est chacun pour soi. Peut-on compter alors sur les manifestants qui remuent et bloquent Bruxelles et Paris ? Au lieu de se fâcher tout rouge, ils pourraient aller vérifier, du moins si les trains se remettent à rouler, la légende qui promet un pot d’or à tous ceux qui arrivent jusqu’au pied de l’arc-en-ciel.

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DARWIN SUPER STAR

 

L’imagination de la nature m’a toujours fasciné. Les couleurs folles des oiseaux tropicaux, l’arc en ciel des caméléons, la capacité de certains insectes de changer en quelques secondes leur robe noire en un habit tacheté ou en une longue traîne rouge selon les feuilles ou les fleurs qu’ils butinent. Dans le monde animal, les mutations explosent comme des feux d’artifice. Oh ! La belle bleue ! Oh ! La belle rouge !

Certains esprits superficiels croient que l’homme n’a pas cette faculté. Certes, la mutation ne s’opère pas de la même façon chez tous les membres d’une même espèce. Mais une étude récente montre que chez les homo sapiens sapiens, l’aptitude à changer de peau est substantielle à leur développement. Les plus évolués des mammifères sont à chercher du côté de l’homo politicus. De tous les êtres humains, c’est celui qui montre le plus de talent à varier de couleur en un tournemain. Chez certains exemplaires peu avancés, ce changement physique est facile à repérer. Lorsqu’il se contredit, la peau de son visage rougit ou elle se couvre de plaques. Chez d’autres, le nez s’allonge exagérément – le syndrome de Pinocchio. Les homo politicus sur lesquels ces phénomènes sont aussi faciles à observer ne font pas long feu. Car ils seront incapables de s’adapter aux modifications profondes de leur milieu.

En revanche, chez d’autres, la transformation est si totale qu’elle passe inaperçue. Ce sont les mutants les plus accomplis. Ceux qui vaincront les autres, selon la dure loi de Darwin. Prenons un exemple. Bart De Wever. D’après certains chercheurs, ses aïeux flirtaient pendant la deuxième guerre mondiale avec la couleur noire, tirant parfois sur le vert bouteille, couleur dominante à l’époque. Quand le vert bouteille a été balayé, Bart s’est mis au noir et jaune, nouvelle couleur à la mode. Et dans quelques semaines, il sera capable sans rougir de se mettre au bleu ou au rose indifféremment pourvu que cette nouvelle couleur lui assure le trône couvert d’or d’empereur des animaux.

Guy Verhofstadt a lui aussi réussi sa mutation, un spectacle qui laisse aussi ébloui que celui d’un paon faisant la roue. En passant du bleu le plus profond au vert vif sans paraître le moins du monde incommodé. Et Elio ? Lui qui faisait campagne lors des précédentes élections sur le thème : le bleu ? Jamais ! Aussitôt élu, il s’est empressé de mélanger beaucoup de bleu et un peu de rouge, tout en ménageant l’orange et en neutralisant le vert. Quel peintre aurait pu égaler une telle performance ?

C’est ça qui est angoissant quand on va voter, choisir la couleur d’un bulletin et s’apercevoir qu’il change de teinte dès qu’on l’a glissé dans l’urne.

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