A MOSCOU, CE FUT L’INCENDIE. A WATERLOO, CE FUT LE SORT 

     Quelles sont ces mauvaises langues qui prétendent que la Wallonie ne redresse pas la tête ? Son nouveau nouveau nouveau plan de redressement annoncé à grand coups de tambours par son fringant ministre-président à peine déployé, les fonctionnaires chargés du tourisme, doigt sur la couture du pantalon, ont suivi les instructions du boss. D’accord, chef. Dites, on a une idée de génie. Grâce à la guerre d’Ukraine, on va attirer des milliers de touristes en Wallonie.

Tous ceux que fascine la boucherie qui enflamme et ensanglante l’est de l’Europe n’ont plus besoin de prendre des risques idiots en essayant d’aller voir sur place ou juste de l’autre côté de la frontière, comme tous ces hommes et femmes politiques qui vont se faire photographier à Kiev ou Odessa (parfois seulement à Lviv, d’où on se débine plus facilement vers la Pologne). Afin de faire admirer leur courage par les électeurs.

Ils veulent la guerre ? Eh bien, ils l’auront ! Et pour pas cher ! On va mettre les visiteurs au sein même du théâtre des opérations, avec des tas de canons, des explosions, en veux-tu en voilà, plein de fumées et de bruit, et même des blessés et des morts (pour rire, hein !) On promet des leçons de maniement des armes, des démonstrations de soins aux blessé (je n’invente rien), cela s’appelle la reconstitution de la Bataille de Waterloo, annoncée à grand coups de pub. « Vous sentirez la poudre des canons et des fusils », promet le site … Pendant qu’on meurt pour de vrai dans le Donbass ou à Marioupol, on va mourir pour le spectacle à Waterloo dans un mois … 

Bon goût, mauvais goût ? Qui s’intéresse au goût s’il s’agit de sauver la région wallonne ? 

Il y a d’ailleurs un lien entre la Russie et le Brabant wallon. Victor Hugo n’a-t-il pas écrit : « A Moscou, ce fut l’incendie/A Waterloo, ce fut le sort ». 

L’écrivain qui ne fut pas dupe de tout ce bazar quand il fit le récit de sa visite de la morne plaine : « Fausse montagne, faux lion. La montagne n’est pas en roche et le lion n’est pas en bronze. Dans cet argile, façonnée en hauteur, dans cette fonte, peinte en airain, dans cette grandeur fausse, on sent la petitesse. Ce n’est pas un lieu, c’est un décor. »

Facile pour un écrivain français de critiquer les initiatives de chez nous et l’imagination de nos fonctionnaires. A Hugo, on n’a jamais demandé de monter un spectacle pour sauver sa région. 

Le week-end terminé, quand les familles rentreront chez elles et qu’elles ouvriront la télé, comment expliqueront-elles les images d’Ukraine à leurs enfants qui viennent de s’amuser comme des fous à compter les morts de part et d’autre sous le son de la mitraille ? J’espère qu’avec le ticket, les organisateurs penseront à fournir un petit mode d’emploi pour différencier la vraie guerre de la fausse…

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LES ENFANTS MAUDITS DE NAPOLEON

  Il y a un mystère Napoléon. Pourquoi Hitler, Staline, Gengis Khan sont-ils définitivement considérés comme des monstres sanguinaires mais pas Napoléon ?

  Un peu partout dans le monde, des clubs, des écrivains, des collectionneurs continuent d’alimenter le culte du vaincu de Waterloo. Je suis certain que Napoléon a plus de fans qu’Einstein, Martin Luther King et Louis Pasteur réunis. 

  Cette semaine encore, un admirateur russe de l’empereur, historien honorable, a manifesté son enthousiasme pour le grand homme en découpant en morceaux sa compagne – elle-même groupie de Napoléon- en autant de morceaux que l’avait fait leur héros avec l’Europe il y a deux siècles. 

  Ce qui montre les dégâts que peut engendrer une dictature pourtant battue et éliminée de la carte politique longtemps après sa disparition. Il n’y a pas qu’à Saint-Pétersbourg que la folie des tyrans de la belle époque continue de contaminer nos contemporains, un peu comme la maladie qui a frappé les archéologues découvrant le tombeau de Toutânkhamon avant de tomber comme des mouches. 

 On voit ces temps-ci l’effloraison des graines semées par les régimes les plus odieux de l’histoire.

Qui aurait pu penser que le premier parti d’Italie clamerait son admiration pour Mussolini alors que ses électeurs ont été bercés par des cinéastes, des écrivains, qui ont démonté l’horreur de ce régime et les dégâts qu’il a causés pas seulement sur les âmes, mais même sur l’économie du pays ? Bassani, Silone, Ginzburg, Primo Levi, Carlo Levi, Monicelli, de Sica, les Taviani, réveillez-vous, ils sont devenus fous !  

Et voyez les dernières élections en Allemagne, en Espagne.  

 Ainsi que chez nous, en Flandre, où a vu débarquer au parlement une tripotée de jeunes néo-fascistes, la bouche en coeur. Pour les combattre, le nouveau ministre-président (qui s’est approprié le portefeuille de la culture) n’a rien trouvé de mieux que d’étouffer financièrement artistes et créateurs. Ces artistes qui ont fait briller la Flandre dans toute l’Europe. Le « canon » flamand brandi il y a quelques semaines est déjà dans les patates ! Seul espoir, que ses collègues ne se laissent pas enfumer par le Jambon ! 

    Avec l’accélération de l’amnésie politique, on n’ose pas imaginer à quoi ressemblera le deuxième mandat du président Trump ! Pour autant que la littérature serve encore à réveiller les lecteurs, on conseillera de lire cette joyeuse et terrifiante uchronie de Philip Roth « Le Complot contre l’Amérique ». 

On en profitera pour vous faire acheter aussi le plus beau roman italien de cette année, « Tous, sauf moi » de Francesca Melandri, superbe plongée dans le Rome actuel (confrontée à l’immigration) avec en parallèle le souvenir de la conquête barbare de l’Ethiopie par les troupes du Duce. Le tout à glisser sous le sapin !  

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