L’ETAT PERD LA BOULE

     Un peu moins de deux ans après avoir enterré son dernier gouvernement de plein exercice, la Belgique a un nouvel exécutif. Hosanna ! Accouché dans la douleur, le nouveau-né est, d’après les médecins, vivant et viable (mais peut-on leur faire confiance ? Avec la pandémie, n’ont-ils pas la tête ailleurs ?) Restons prudents. Sans le père présumé, caché dans le placard avec son lion favori, gare aux maladies orphelines. Méfions-nous aussi de l’autisme et autres troubles de la communication entre sept parents qui depuis tant de mois refusaient de se parler.  

  L’avortement ? Chut ! Le petit vient de naître. N’allez pas le perturber avec ce genre de choses.

  Que trouve-t-on dans le couffin ? Rien que des beaux jouets : centrales nucléaires (pim, poum, paf !), réforme de ceci et de cela et plein de chèques pour s’acheter les plus beaux emplacements du Monopoly, un hôpital, une belle case prison, un palais de justice flambant neuf. Et le cadeau préféré de nos excellences, une nouvelle réforme de l’état. Waw ! Qu’est-ce qu’on va s’amuser pendant que tombe la pluie sur le plat pays ! 

   Remarquez, la réforme 5G ne va plus être votée en catimini comme par le passé, dans le secret des commissions parlementaires. Elle sera discutée par les académiques, experts, citoyens et qui veut. C’est dire comme ça va être facile de déformer une nouvelle fois cette pauvre Constitution déjà toute couturée. 

  Puisque chaque citoyen peut désormais jouer au législateur, la boîte aux suggestions est ouverte. Je vous en glisse deux. 

 La plus simple, supprimer la Constitution. 

A quoi bon, passer son temps depuis un demi-siècle à raturer, effacer, corriger, saigner, déchirer chaque article tous les cinq ans ? Les Anglais n’ont jamais eu de constitution. Leurs droits sont-ils moins respectés que les nôtres ? Ils ont même régionalisé le royaume sans faire exploser leur loi fondamentale. Une constitution fantôme, ce n’est pas un beau projet ?

Non. Je sens que ça ne vous plaît pas. Les Belges aiment chipoter, triturer, mégotter. D’accord. Alors, pourquoi ne pas limiter le nombre de ministres ? Moins ils seront, plus ils auront de travail et moins ils auront le temps de se manger le nez. Aujourd’hui, personne ne connait le nom de la plupart d’entre eux. Ils sont aussi gris et dispersés que leurs ministères. Pour redonner du lustre à la fonction, je propose de les loger tous ensemble, dans un seul lieu, l’Atomium. Neuf boules, neuf ministres, pas un de plus. 

En cas de crise, on bloque l’ascenseur jusqu’à ce qu’elle soit apaisée. Sans eau et sans nourriture, ça ne traînera pas. Ou alors, ils se mangeront entre eux. Ce qui permettra de sérieuses économies, après tout ce qu’on a dépensé pour que le nourrisson accepte d’apparaître.  

www.berenboom.com

BABY NEIL

Violentes manifestations sur le campus de Berkeley (Californie) pour empêcher un proche de Trump de prendre la parole à la tribune de la célèbre université. Les forces de l’ordre ont dû intervenir et déployer les grands moyens.

1967 ? Non, 2017 ! Comme pour fêter le jubilé des démonstrations contre le président Lyndon Johnson. A l’époque, la révolte d’une partie des Américains n’a pas empêché l’élection à la fin de cette année-là de Richard Nixon mais le mouvement finira par porter ses fruits. Nixon sera emporté avant la fin de son mandat. Non sans avoir dû boire auparavant le vin jusqu’à la lie en négociant, la mort dans l’âme, la fin de l’engagement raté des Etats-Unis au Vietnam.

Coïncidence, c’est justement en cette même année 1967 qu’est né Neil Gorsuch.

L’homme que Donald Trump  vient de nommer au siège vacant de la Cour suprême pour faire basculer la Cour dans le camp des partisans des thèses juridiques et éthiques les plus réactionnaires. Favorable à la peine de mort, opposé à la limitation des armes, à l’avortement et même à la contraception, Neil Gorsuch se flatte d’être un excellent pêcheur mais c’est le genre qui ne remet jamais ses prises à l’eau. Jamais.

On ne sait comment vivaient ses parents quand est né Baby Neil. Portaient-ils les cheveux longs ? Des colliers de fleurs ? Ont-ils défilé contre la guerre du Vietnam ? Manifesté pour le droit à l’avortement que la Cour suprême allait légaliser en 1973 ? A-t-il grandi, bercé par les odeurs de fumette ?

En tout cas, sa mère a été la première responsable de l’Agence de protection de l’environnement, une agence que Trump songe à supprimer. Au passage, on se dit qu’on aurait tort de comparer Trump à Reagan. Car c’est lui qui a nommé la maman de Neil. Il est vrai que Reagan a conservé quelques réflexes de son passé démocrate et peut-être de ses rôles dans les films très « libéraux » de son réalisateur fétiche, Allan Dwan.

On ne manquera donc pas de penser que, devenu grand garçon, Neil G. a voulu couper le cordon ombilical et effacer l’esprit de ses années de jeunesse. Retour vers le futur…

Entretemps, devenu un éminent juriste, il s’est attaché à défendre ce qu’on appelle une « lecture originelle » de la Constitution américaine. Selon lui, le texte fondateur ne peut se lire  que tel que les pères fondateurs l’ont établi en 1787 sans être interprété ou adapté à l’évolution de la société (or, c’est ce qui avait permis à la Cour de légaliser l’avortement). Ca promet !

L’ancien président Obama a des cheveux gris à se faire. Si son sort et ses droits sont revus à la lumière des règles de vie de la fin du dix-huitième siècle, il n’est pas certain qu’il puisse longtemps jouir de la jolie propriété où il s’est retiré à Washington à moins d’y travailler comme cireur de chaussures.

www.berenboom.com

PAS DE FUMEE SANS FEU

  Ne comptez pas sur moi pour dénoncer la politique de l’église catholique, apostolique et romaine ! Pour crier au loup avec les Femen (mes seins ne sont pas à la hauteur, à mon grand regret) ! Comment reprocher à l’Eglise du Christ de vendre les produits et services de son fonds de commerce plutôt que ceux de ses concurrents ? Demander au pape de célébrer le mariage gay, d’approuver l’avortement ou l’euthanasie, d’admettre l’ordination des femmes, ce serait proposer à Mac Donald de supprimer la graisse dans ses cuisines et de viser les étoiles du Michelin.

Même si un pape noir avait été choisi, personne n’aurait cru à un Obama coiffé d’une mitre s’avançant dans de petites pantoufles rouges. L’Eglise est réactionnaire. Une nouvelle preuve avec cette histoire de fumée qui a fasciné la planète cette semaine. Fumée noire, fumée blanche. On se serait cru à la finale du 100 mètres olympique ou à celle de The Voice. Oh ! Ah ! Sur écran géant ! Tout le monde s’extasiait devant ces volutes qui s’échappaient de la chapelle Sixtine. Sans que personne ne s’avise que la loi a changé : même dans l’état du Saint Siège, il est interdit de fumer dans les lieux publics. A fortiori dans les musées. Or, voilà que les cardinaux, au lieu de griller leur clope à l’ombre du porche comme tout le monde, ont passé leur temps à flamber leur paquet de Marlboro, de Ninas, ou à s’allumer un pétard dans un des lieux témoins les plus fascinants de l’art occidental de la Renaissance, au milieu des chefs d’œuvre de Michel Ange, du Pérugin, de Botticelli.

Pourtant, les inscriptions « danger » qui protègent la santé des fumeurs sont là. L’immense fresque du Jugement dernier de Michel Ange n’avertit-elle pas (de façon jésuite, forcément jésuite) que le cancer guette les intoxiqués ? Mais, à leur âge, les hauts dignitaires se moquent de l’état de leurs poumons. Les voies (respiratoires) du Seigneur sont impénétrables.

Que les nouveaux dirigeants de Rome prennent garde de céder aux sirènes des media. Beaucoup attendent du pape François qu’il dépoussière enfin là où ses prédécesseurs ont refusé de passer le plumeau. C’est une erreur. Que le souverain pontife poursuive sa route en regardant derrière lui dans sa pampa-mobile et en évitant de jeter l’enfant Jésus avec l’eau du baptême. Gaucho, oui. Mais de gauche, non ! A quoi distinguera-t-on un bon catholique d’un bête sans-Dieu si le divorce, le préservatif ou (Dieu nous en garde !) la femme sont reconnus par l’église ?

Chacun à sa place ! Dans cette époque troublée et sans repères, si les Pussy Riots (bénies soient-elles !) devenaient des modèles, des saintes aussi pour les pèlerins pieux et les moines ermites, que resterait-il aux indignés, aux contestataires, aux démocrates, sinon leurs yeux pour pleurer ?

www.berenboom.com