SAPIENS SAPIENS

Jadis, on pensait que le rire est le propre de l’homme. Depuis, des scientifiques fort sérieux ont découvert que la plupart des animaux se marrent beaucoup plus que nous. Que nos amis les bêtes nous pardonnent de ne pas partager leur hilarité. On n’a plus vraiment la tête à rire ces temps-ci.

Comme nous sommes très attachés à notre titre de roi de la planète Terre, nous avons cherché d’autres explications à la supériorité de l’homo sapiens sapiens. Hélas, deux informations récentes mettent à mal une fois de plus notre statut de race élue élue.

Des chercheurs ont découvert que certains animaux parvenaient à fabriquer des outils aussi bien que nous et surtout à transmettre cet art et le maniement des ustensiles à leurs congénères et descendants sans intervention humaine. Pour les petits curieux, je précise que ces observations ont été faites d’abord sur une espèce particulière de perroquet, les cacatoès de Goffin, qui vivent en Indonésie. Mais aussi sur des corbeaux de Nouvelle Calédonie et des pinsons-pics –les bien nommés.

Le perroquet ne se contente donc pas de répéter toutes les conneries proférées par son maître (« Caramba, encore raté ! Grrrros plein de soupe ! ») Voilà qu’il se met à imiter ce que nous faisons de plus stupide, travailler.

Ce ne sont donc plus seulement les êtres humains qui pourront fièrement afficher sur leur devanture leur nom suivi de celui de leurs enfants mâles pour prouver la pérennité de leur commerce (Lagardère & Fils, Tobback & Fils, Michel & Fils) mais aussi les perroquets. Cacatoès Goffin & Fils. Corbeau & Renard & Fils. Sacré coup à notre orgueil, non ?

L’autre coup au moral nous est venu du Rocher de Gibraltar.

Sur la paroi d’une grotte –que bizarrement personne n’avait explorée auparavant- on a repéré un étrange dessin, des formes abstraites tracées au grattoir par un homme de Neandertal.

Comment être sûr que ce ne sont pas les restes du tag d’un voyou du coin ? Les scientifiques sont formels (dans ce cas…) C’est ce stupide primate sans menton, cette barrique poilue, la souche ratée de notre belle race, abandonnée par Dieu quand il a vu son erreur et qu’il a corrigée en nous fabriquant à son image, qui est l’auteur de ce dessin. Que représente-t-il ? Une espèce d’auto-portrait façon Mondrian ? Une quête de l’absolu, une angoisse du vide, comme on l’a dit des abstraits du siècle dernier ? Plutôt qu’une bête exposition de mammouths comme le dessinaient les enfants de ses collègues sapiens à Lascaux ? Quand on voit les prix qu’atteignent aujourd’hui n’importe quel œuvre de Rothko ou de Pollock, on peut affirmer que cet artiste brute de Gibraltar a intérêt à revenir. Il pourra s’offrir une grotte cinq étoiles.

Qui prétendra encore que le plus sapiens, c’est nous ?

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