FAUX ET USAGE DE FAUX

La tradition du faux est aussi implantée en Belgique que celle de la frite ou du rollmops. Au siècle des Lumières, la contrefaçon des grands auteurs français, Voltaire, Beaumarchais ou les Encyclopédistes, a fait la richesse des imprimeurs de la principauté de Liège ou de Bouillon, véritables ancêtres des pirates de l’Internet.
A Bruxelles, ce sont les architectes qui ont usé et abusé du faux. La Grand Place est vendue aux touristes comme une merveille du moyen âge ; le palais de justice, faux temple babylonien, ou l’église Sainte Catherine, soi-disant monument gothico-renaissance, ont été façonnés par le plus schieve des architekts, Joseph Poelaert il y a moins de cent cinquante ans. Même le roi Léopold II est accusé d’avoir vendu aux musées royaux des faux tableaux de maître avant que Mariën et selon ses dires, son ami Magritte, ne confectionnent et vendent de faux Chirico ou Max Ernst.
La campagne électorale renoue avec cette heureuse tradition bien de chez nous.
Ainsi, du confédéralisme. Se servant de cette même notion juridiquement floue et incompréhensible de tous, libéraux flamands et nationalistes de la N-VA se disputent sa paternité tandis que le CD&V qui s’en était servi dans le passé pour faire semblant d’avoir un programme institutionnel ne sait plus comment s’en débarrasser, tel le sparadrap du capitaine Haddock. Même Philippe Moureaux avait brandi la formule, croyant faire ainsi ami-ami avec les Flamands, avant de se rendre compte que dans confédéralisme, seule la première syllabe a un sens.
Le confédéralisme veut tout dire et son contraire : indépendance pour les uns, simple fédéralisme pour les autres (telle la « confédération suisse » qui n’en est pas une !) : c’est surtout un slogan creux, lancé à la tête des uns et des autres comme des tartes à la crème dans un film de Laurel et Hardy.
Les promesses socio-économiques des partis politiques ont aussi l’air d’avoir été écrites par Pinocchio dans sa période long nez. Promettre une « réduction d’impôts » paraît en ces jours de détresse budgétaire aussi crédible que d’annoncer le lancement d’un produit qui assure aux chauves le retour des cheveux. Mais promettre pour demain « la vie et les soins de santé moins chers » est aussi crédible qu’affirmer comme le ministre des Pensions démissionnaire que l’on ne touchera ni à l’âge ni aux conditions de votre pension. Aucun de ces engagements n’est vrai. Mais laissons les uns et les autres s’accuser mutuellement que son programme conduit le pays tout droit « à une situation à la grec ». Des temples babyloniens aux temples grecs, on connaît la chanson…

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APERO, C’EST GEANT !

Cela commence par le mail d’un vague copain qui propose de se retrouver à sept heures au marché de la Batte ou devant l’enclos des pigeons du parc Josaphat (n’oublie pas la bouteille !) et cela se termine à dix mille à se bourrer le pif. Lassés des amitiés virtuelles et des leurres déshumanisés des réseaux sociaux, les gens redécouvrent le plaisir de s’assembler, de se toucher.
Puisque la vogue des apéros est dans l’air du temps, le monde politique plonge à son tour. C’est ainsi que le lardon de Wathelet, le moufflet de Michel et le petit Javaux ont décidé dans une belle unanimité d’unir (ce qui reste de) leurs forces dans un nouveau parti politique humanisto-écologico-réformateur. D’après La Libre Belgique, leur premier kern kabinet s’est tenu autour d’un Kicker. Comment, pas sérieux ? Vous dites ça parce que vous n’imaginez pas Yves Leterme se joindre à eux. Evidemment, prisonnier de son BlackBerry, branché en permanence sur son PC, enfermé dans son monde mutique, il n’a pas compris que les temps changent. Et que le goût de la vraie vie est enfin revenu.
Seule ombre au tableau, au trio des juniors devant le baby foot s’était joint un quatrième larron, Michel Daerden. Or lui, question apéro géant, il avait quelques longueurs d’avance sur les gamins. De là à penser qu’au moment où ils ont pris leur décision, Wathelet, Michel et Javaux étaient beurrés comme des petits Lu, il n’y a qu’un pas que je refuse de franchir. Pas eux et pas ça ! Que le p’tit Charles se laisse désespérément pousser quelques poils sur le menton pour ressembler à Magnette, lequel tente d’imiter Tom Boonen, d’accord. Mais qu’il aille jusqu’à lever le coude à la façon de Papa, non ! Cent fois non !
L’idée de recomposer le paysage politique au milieu des bouteilles a aussi de l’avenir en Flandre. Juste au moment où la mort de Bobbejaan Schoupen relance son immortel succès « Un café sans export ». La mode des apéros pourrait sonner le retour de Steve Stevaert. N’est-ce pas la nostalgie de son bistrot qui explique son départ brutal du monde de brutes dans lequel on l’avait propulsé ? Libérés par l’alcool, on verrait Bart De Wever dans les bras de Francis Delpérée, chantant tous les deux un vibrant « Belgique, ô mè-è-re chérie ! » Ou Marianne Thyssen succombant enfin aux charmes de Alexander De Croo. Et même la belle Freya Van den Bossche tentant de dégeler l’effroyable Geert Bourgeois, tandis que celui-ci s’efforcerait d’apprendre à l’inébranlable Olivier Maingain la traduction française du mot tongkus.
Que tous ces pisse-froids qui parlent d’interdire les saoulo-parties prennent garde. L’apéro géant, c’est l’avenir de la Belgique.

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CAHIERS DU CINEMA

Le Festival de Cannes célèbre cette semaine quelques classiques d’une étonnante actualité:
« Brève rencontre » : après une brève rencontre avec Gordon Brown, Nick Clegg, leader des libéraux-démocrates s’est empressé de signer une alliance avec les tories… sous le titre « Les liaisons dangereuses ». Churchill, reviens, ils sont devenus fous !
« Le Monstre est vivant » : à l’occasion de l’anniversaire de la fin de la « guerre patriotique », la Russie ressort des marais les portraits de Staline. Reste à effacer les goulags et à brûler livres, films et images des atrocités du p’tit père des peuples. Au secours, Eltsine, ils sont devenus fous !
« Retour vers le Futur » où Olivier Deleuze ressort tel le Belge du tombeau pour refonder le parti Ecolo ; ça promet : assemblées libres incompréhensibles, motions kilométriques recyclables sur papier recyclé, dirigeants de Suez reconduits (en vélo) à la frontière. Comme au temps où les jeunes verts ne priaient pas Jésus. Seigneur, reviens, Javaux est devenu fou !
« Divorce à l’italienne » : Berlusconi vient d’être condamné à payer une pension alimentaire de trois cent mille euros par mois à son ex-épouse Veronica. Supprimer le divorce en Italie, quelle idée folle ! Véronica claque la porte; Fini, son autre épouse, prépare ses malles. Andreotti, reviens, ils sont devenus fous !
« Edouard aux mains d’argent ». Toutes les tentatives pour scinder B.H.V. ayant lamentablement échoué, la botte secrète de la nouvelle majorité, s’appelle Edouard. En deux coups de ciseaux, ses mains d’argent auront vite fait de nous découper ça et on n’en parlera plus ! Dehaene, reviens, ils sont devenus fous !
« L’Impossible Monsieur Bébé » : le casting politique belge s’est spécialisé dans les fils de… (De Croo, Michel, De Gucht, Mathot, etc.) Des génériques qui évoquent la fiction de la « belle époque ». Façon de nous faire prendre les vessies pour des lanternes.
« Vol au-dessus d’un nid de coucous » : l’effondrement des bourses l’a démontré, le pouvoir financier est aux mains d’une bande de zinzins qui jongle avec les zéros aussi facilement qu’un ministre grec. Le « Casino Royale » ressemble de plus en plus à un décor de cinéma abandonné dans les sables. Si l’on songeait à remplacer le Monopoly par un autre jeu de société ? Le Meccano par exemple.
« L’Homme qui voulut être roi ». Les temps sont durs pour les givrés de pouvoir. Brown, Leterme, Merkel, Balkenende, Papandreou, Sarkozy. Ils promettaient les merveilles de la face cachée de la Lune avant de reconnaître qu’elle n’était qu’une triste copie de celle que nous contemplons depuis longtemps : désolée et glacée. S’ils s’intéressaient vraiment à « La vie des autres », peut-être nous sortiraient-ils enfin du « Grand Sommeil ».

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APOCALYPSE NOW

Chaque semaine, on se dit que le pire est derrière nous et la semaine suivante est pire encore. A peine se manifeste un signe d’espoir que crac ! une nouvelle tuile nous tombe sur la tête. Mais que fait donc le scénariste de cet épouvantable feuilleton ? A-t-il oublié qu’une des règles de tout raconteur d’histoires est d’alterner les scènes de drame et les moments de respiration, un sourire entre deux morts ? Sans oublier l’happy end. Mais l’actualité ressemble désormais à un « Derrick », glauque, désespéré, sans suspens – et sans pétrole. On a l’impression d’être condamné à vivre en Allemagne de l’est jusqu’à la fin des temps sans même un mur derrière lequel rêver que le paradis est à portée de la main.
Tenez, à peine était-on débarrassé d’Yves Leterme que l’on nous annonce que la N.-V.A. caracole en tête des sondages. Vous imaginez la prochaine législature ? Bart De Wever en premier ministre. Avec Modrikamen aux Finances, Jean-Marie Dedecker à la Justice et Michel Daerden à la Santé publique ou pire, aux Pensions. Il ne nous restera plus qu’à nous réfugier en Grèce.
En Grèce où l’euro est en train de transformer la monnaie unique européenne en drachme national.
Comme si nos malheurs politico-économiques ne suffisaient pas à attirer l’attention des spectateurs et leurs larmes, le scénariste a imaginé de faire aussi gronder les éléments. Sous l’influence de cette mode redoutable des effets spéciaux. Avec un volcan dont les déjections paralysent la planète. Les réserves pétrolières du golfe du Mexique qui explosent et dévastent les côtes du sud des Etats-Unis. Le gaz qui se répand à Liège. La terre qui tremble au Chili ou à Haïti. Ne manque plus que la scission de B.H.V. pour que les humains rendent définitivement les armes et s’effacent de la planète comme jadis les dinosaures.
Heureusement, quelques signes permettent d’espérer que le printemps finira par émerger de ce chaos. En juin, le roi se rend au Congo. Y a-t-il une image plus rassurante, une meilleure preuve de l’existence de la Belgique que celle-là ? Albert à Kinshasa, c’est le retour de Bwana Kitoko, de Tintin arpentant le monde pour sauver nos amis et terrasser les mauvais. L’image du temps béni des boîtes de biscuits Delacre et de l’odeur du chocolat Côte d’or sur les quais de la gare du Midi.
Le seul problème c’est que notre fichue constitution a prévu que le roi ne peut jamais se déplacer sans une cohorte de ministres. Et quinze jours après les élections, qui c’est qui écrira le discours royal ? Bart De Wever ? Michel Daerden? Mischa Modrikamen? Ce jour-là, on rêve d’un bon gros nuage de poussières…

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GAME OVER

Que faire perdu dans un aéroport lointain, prisonnier d’une valise de vingt kilos, en compagnie de deux enfants et d’un couple d’amis ? Des amis ? Disons de vagues relations avec lesquels, après un dîner sympathique, on s’est embarqué sans réfléchir pour sept jours all inclusive –on nage ensemble, on mange ensemble, on dort ensemble et on parle ensemble même quand on n’a rien à se dire, juste comme autour de la table de Leterme. Une semaine à faire semblant -on est civilisé- à tenir bon en décomptant les jours, les heures. Soudain, la délivrance ! Taxi, en route vers l’aéroport ! On se revoit à Bruxelles ? Très vite ! Promis ! Et soudain, en arrivant dans le hall au milieu d’une foule en folie, on apprend que ces amis, on est collé à eux pour des heures, des jours, des mois, peut-être pour le restant de notre vie.
Nous n’avons jamais réussi à atteindre le comptoir de la compagnie. Six cent voyageurs forment un rempart autrement efficace que la défense du Standard.
Les hôtels pris d’assaut, bus et voitures introuvables. Saigon, la veille de l’entrée des troupes communistes.
C’est alors que nos excellents amis ont imaginé un jeu : le premier qui dénoue le casse-tête de B.H.V. a gagné. La meilleure rédaction sera envoyée par mail au roi et aux gamins qui commencent à fatiguer. C’est pas comme nous, ils ne reviennent pas de vacances.
On s’y est tous mis. Y compris les enfants. Mes amis m’ont épaté, je l’avoue. Pendant que des milliers de Belges s’égosillaient égoïstement à écraser leurs voisins pour embarquer les premiers pour Zaventem (arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, soit dit en passant), nous, on se dévouait pour la chose publique.
Moi, j’avais élaboré un projet qui faisait de Bruxelles-national (propriété d’une société australienne) et de Brussels south (sous la dictature d’un Irlandais) une entité nouvelle où l’on ne parlerait qu’anglais (le reflet de la situation sur le terrain) et dont la tutelle serait exercée par deux gouverneurs, nommés par Canberra et Dublin. Les enfants ont imaginé de rattacher les six communes à facilités à Plopsaland (version originale flamande mais avec sous-titres français). Ma femme a suggéré de défiscaliser les magasins de luxe du Brabant flamand en échange de l’abandon des facilités.
Nous étions assez fiers de nous quand nous nous sommes aperçus qu’un autre passager, qui avait observé le résultat de nos cogitations au-dessus de nos épaules, a soudain renoncé à attendre son vol pour rejoindre Bruxelles au plus vite. J’ai cru reconnaître Alexander De Croo. L’air drôlement pressé. Et incroyablement inquiet. Eh, monsieur De Croo ! Ce n’était qu’un jeu ! Alexander, reviens, ils vont te rendre fou ! Trop tard. Il avait déjà disparu.

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BROL HAUTEMENT VULNERABLE

Depuis la Conférence de Washington, le président Obama l’a juré, le monde est plus sûr.
Le monde peut-être mais pas la base militaire de Kleine Brogel dans laquelle les pacifistes se promènent aussi facilement qu’à Disneyland. Plus facilement même : les attractions du domaine militaire sont gratuites.
Quoi qu’en disent les gros pleins d’étoiles, il est urgent de déménager les missiles ailleurs. Ou de les bazarder aux Petits Riens. Ailleurs ? Oui, mais où ? Personne n’en veut de nos vieux missiles made in U.S.A. La date de péremption est dépassée depuis si longtemps que même le président Mahmoud Ahmadinejad les refuserait si on voulait les lui refiler, croyant à un cadeau empoisonné qui lui pétera à la gueule une fois déballé.
Puisque Jean-Luc Dehaene est, paraît-il, à court d’idées, je me permets une suggestion qui devrait intéresser le Démineur. Pourquoi ne pas déménager ces sacrés missiles dans les six communes de B.H.V. – justifiant au passage la vraie signification de cette abréviation explosive Brol Hautement Vulnérable ?
Sur le plan communautaire, l’affaire est sûre : les missiles atomiques ne parlent pas français. Il n’y a aucun risque qu’aux prochaines élections, ils exigent d’être convoqués dans la langue de La Fayette. Ceci devrait suffire à justifier leur établissement en Flandre sans que le gouvernement ne leur oppose le décret « Wonen in eigen streek » et un manque d’affinité avec la culture de la région. Au contraire, les champignons sont une spécialité locale. Demandez au grand Schtroumpf, pardon au Grote Smurf.
Autre avantage de placer nos bombinnettes dans les communes à facilités du Brabant flamand: quel terroriste pourrait se promener dans les rues, pardon les avenues de Rhode ou de Linkebeek au milieu des 4×4 de Bobos revenant du tennis ou du golf ou ramenant les enfants du hockey ou du piano sans se faire immédiatement repérer avec leurs barbes folles et leur allure de grand guignol ? On peut même compter sur quelques revanchards flamingants, survivants du V.M.O., pour garder les missiles – à condition de les emballer dans un drapeau jaune et noir – dont la commune serait si contente de se débarrasser.
Puisque tous les budgets sont en berne en Belgique, on pourrait sacrifier quelques missiles à chaque fête nationale, régionale et communautaire. Vu leur nombre, on en viendra vite à bout.
Autre perspective qui ne manque pas de charme pour notre Démineur national : la peur atomique finira par faire fuir tous les habitants de B.H.V., quel que soit leur sexe linguistique, vers des cieux moins activés. Réglant ainsi définitivement la question. Dans un désert, peu importe la langue que parlent les cactus.

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SOUDAN, LE GRAND QUOI

De retour fin mars d’une tournée au Soudan en pleine campagne électorale, la députée européenne Véronique De Keyser nous avait raconté combien la vie politique y était « intense ». A la tête d’une mission d’observateurs de l’Union européenne, elle garantissait la solidité du processus électoral et annonçait le retour à la démocratie.
Véronique-nique- nique, qui croyait que, d’un coup de baguette magique, le chef de l’état, le redoutable Omar el-Béchir, poursuivi pour crime contre l’humanité, allait devenir un président respectable…
N’avait-elle pas entendu les principales figures de l’opposition décider de boycotter ces élections, qu’elles annonçaient truquées. N’avait-elle pas vu que le vote de plus de deux millions de Soudanais, chassés du Darfour par les milices du démocrate el-Béchir, allait compter pour du beurre ? Ni entendu Mia Farrow dénoncer de ceux qui faisaient croire que le bourreau du Darfour allait soudain accepter l’aléa des urnes ?
Après le Guantanamo-club Méditerranée d’Anne-Marie Lizin, on allait découvrir le Soudan-merveilleuse-terre-des-droits de l’homme de Véronique De Keyser.
Que n’avait-elle lu avant de partir à Khartoum  « Le Grand Quoi » de Dave Eggerts (éd. Gallimard) ? Ce n’est pas seulement un très grand livre mais aussi un témoignage précis et poignant de la vie d’un petit Soudanais noir, V.Achak Deng, dont toute la famille et le village ont été massacrés par les milices musulmanes lors de l’abominable guerre menée en 1983 par le pouvoir contre les animistes du sud et qui, d’exil en errance, a réussi par miracle à gagner les Etats-Unis.
Il y a quelques jours, on a vu avec stupéfaction madame De Keyser agiter en riant ses petits doigts devant les caméras. Oui, oui, disait-elle. Je suis rentrée intègre du Soudan. Un pays où a été rétabli la peine d’amputation.
Pourtant, même Véronique, qui avait avalé toutes les couleuvres, a fini par jeter l’éponge à quatre jours du scrutin. Faut dire que M. el-Béchir n’a pas résisté à ses démons habituels. Il a menacé de « couper la langue des observateurs internationaux » ! « Cela ne correspond pas du tout à l’hospitalité traditionnelle du monde arabe » a dit Véronique, qui ne connaît sans doute ni les prisons syriennes ou égyptiennes, ni la vie des femmes en Arabie.
Reste à faire les comptes. A se demander combien a coûté ce cirque, les voyages de tous ces observateurs européens, le travail de leurs collaborateurs. De l’argent qui aurait été tellement mieux utilisé au Darfour ou à ramener le bourreau de Khartoum à La Haye. Et combien de plumes l’Europe laisse à nouveau dans cette lamentable aventure en cautionnant trop longtemps ces élections bidon.

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SOS EMPLOI

Jaguar est à Tata et Volvo à Geely. Les grandes marques d’automobiles européennes sont désormais asiatiques. Ce qui ne fait pas peur aux travailleurs de Volvo à Gand. Syndicats en tête, ils assurent que la belle Chinoise ne bridera pas les moteurs. Promis, juré. Adieu donc aux belles Suédoises. Et welcome à la Lady from Shanghai !
Nos relations avec l’Empire du Milieu sont au top ? Tant mieux même si, sous cape, les Belges rient jaunes : si notre chocolat star, Godiva, est aujourd’hui turc, notre métallurgie indienne, notre électricité française et notre bière brésilienne, où nos enfants vont-ils désormais trouver du travail ?
Faudra-t-il apprendre le mandarin plus vite que le flamand pour trouver un job de technicien de surface dans les bureaux de Volvo à Pékin ?
Serons-nous les plombiers polonais du vingt et unième siècle ? Une spécialité bien de chez nous, soi-dit en passant, grâce à nos institutions tortueuses et toujours bouchées. Dites donc ! Voilà peut-être une piste pour résoudre nos problèmes d’emploi ! Nous sommes non seulement experts en chinoiseries mais aussi spécialistes mondiaux du maroquin à rallonge. Un gisement d’emploi inépuisable. Il suffit de détricoter les compétences en piles de quelques excellences pour fabriquer des jobs à gogo.
Un exemple au hasard. Geert Bourgeois, le bien nommé est à la fois (respirez bien) chargé de l’intérieur, du tourisme (on peut compter sur lui pour attirer les observateurs internationaux), de l’intégration (défense de rire !), de la périphérie flamande et des affaires administratives. Laissons-lui la périphérie et distribuons le reste aux chômeurs.
Du côté des communes, il y a aussi d’intéressants gisements d’emploi. Au lieu de se casser la tête avec cette histoire de bourgmestres nommés ou pas nommés, pourquoi ne pas multiplier les postes ? Un bourgmestre chargé des citoyens francophones de la périphérie, un autre pour les citoyens flamands, un autre encore pour les étrangers. Mais qui convoquera les électeurs et en quelle langue ? Dénouer ce casse-tête mérite une quatrième excellence. Avec un adjoint stagiaire parce qu’en la matière on n’apprend jamais trop jeune.
Voyez comme une solution simple peut résoudre plusieurs problèmes à la fois : chômage, différends communautaires et problèmes de BHV. Sans mécontenter la Nv-A (important, ça !)
Ne me remerciez pas. C’est juste un coup de pouce à Jean-Luc Dehaene qui en a bien besoin car de ses amis, il ne peut attendre que des coups de Jarnac. Comment dit-on Jarnac en chinois ?

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CHARLEROI, DEUX MINUTES D’ARRÊT

De Charleroi, on croyait tout connaître. De ses dessous. Et de ses pardessus.
On imaginait bêtement que l’argent y coulait à flots, que les caves de ses HLM regorgeaient de vins rares, que son aéroport rutilant avait transformé la ville en Eldorado. Brussels south, tellement plus chic qu’Uccle Calevoet.
Et voilà qu’une juge souffle les paillettes et nous dévoile sans vergogne qu’à Charleroi, mieux vaut être pauvre, socialiste et malade que riche, subsidié et clinquant.
Il n’est « peut-être pas raisonnable d’afficher sa prospérité dans une région économiquement sinistrée » dit-elle pour condamner le propriétaire d’une maison rénovée grâce à des subventions de la région à les rembourser. Le fait que cet homme d’affaires a subi plusieurs car-jackings, cambriolages et agressions à main armée, que sa famille a été menacée, n’est pas un motif justifiant qu’il se soit fait la malle avant la date prévue par la convention de subsidiation.
La juge a raison. L’agresseur, c’est lui. Quelle idée en effet de frimer en Jaguar sur les boulevards dévastés de Charleroi ? Quand on a de la galette, on se paye deux voitures, monsieur, la Jag’ pour les week-ends à Knokke et les déjeuners à Mons. Et une bagnole pourrie, la même que celle du juge, pour faire son shopping au Carrefour du coin avant qu’il ne ferme définitivement ses portes.
Et cette villa de rêve, cet hôtel de maître rénové à coups de millions et de subventions publiques ? Une pure provocation quand on voit l’état de délabrement du palais de Justice de Charleroi, une de ces constructions modèle socialisto-stalinien des années soixante. On s’étonne même que les agresseurs n’aient pas eu la charité de verser une partie de leur butin aux magistrats locaux.
Il y a quelques années, un juge avait acquitté une petite voleuse qui avait piqué dans une grande surface en considérant que l’étalement obscène des biens de consommation ne pouvait qu’inciter au vol.
Nul doute que si les voleurs qui ont failli faire la peau de cet homme d’affaires arrivaient devant le tribunal, ils auraient des chances de recevoir les félicitations du jury. Inutile même de les rechercher. La police a bien d’autres choses à faire à Charleroi.
Peut-être serait-il bon que la présidente de la quatrième chambre revoie le film « La Traversée de Paris » (adapté d’une superbe nouvelle de Marcel Aymé) où Jean Gabin lance : « Salauds de pauvres ! » à une poignée de misérables.
Ou qu’elle aille voir un autre film, justement sur les écrans depuis peu, « Tales from the golden age » de Cristian Mungiu, belle histoire de pauvres, autrement exemplaire, lumineuse et pathétique, pétaradante de joie de vivre.

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GESTE HUMANITAIRE

Comprenons bien les raisons du ministre de la défense Pieter « Rambo » De Crem avant de le critiquer.
Si le président Sarkozy a pu faire défiler l’armée allemande sur les Champs Elysées, pourquoi pas des soldats congolais sur la rue Royale ?
Il faut rester cohérent. On ne peut accuser l’armée congolaise d’être incapable de mater quelque rébellion ou désordre que ce soit, la soupçonner de crimes, de tortures et de viols et accepter qu’elle poursuive ses méfaits. Dès lors l’idée de l’emmener en Belgique est tout simplement un geste humanitaire, l’un des rares que la Belgique a posé au Congo depuis longtemps (quand on y réfléchit bien, à moins d’un trou de mémoire, je n’en vois guère d’autre tout au long de notre tumultueuse histoire commune).
Tant que les pioupious de Kabila resteront à Bruxelles, il y a peu de danger que les massacres se poursuivent dans l’est du Congo.
C’est pourquoi je dis à M. De Crem : bravo et merci ! Son prédécesseur, Dédé Flahaut, avait été accusé de transformer nos troufions en bonnes d’enfants et en porteurs de valises pour les GONG (les gentilles ONG). Et Louis Michel d’apporter tant d’amour à nos ex-compatriotes qu’ils en mourraient étouffés. Rambo se propose de faire mieux, beaucoup mieux. Sauver la population civile des exactions de ces soudards.
Ce qui suppose évidemment qu’arrivés le 20 juillet, on ne les renvoie pas dans leur amère patrie le lendemain. Pas question d’aligner la durée de leur séjour en Belgique sur celle du roi en RDC.
Mais qu’en faire alors sans les vexer ?
Le Musée Magritte, la Cinématek, le musée de la mode à Anvers, le musée Tchantchès à Liège ? Non, ce n’est pas un bon plan. Le musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren ? Difficile de faire défiler ces braves garçons devant des vitrines qui montrent les bienfaits de la colonisation belge et l’œuvre civilisatrice de nos missionnaires. Pas plus malin de leur montrer les somptueuses réalisations de Léopold II (quoi que le palais de justice soit justement à la recherche de candidats acquéreurs). Reste le musée de la Bière, toujours assuré d’un franc succès. Mais on en a vite fait le tour même avec la séance de dégustation.
Je ne vois alors qu’une seule façon de prolonger leur pause dans notre beau pays : leur proposer de troquer leurs uniformes de soldats congolais contre ceux de policiers de Bruxelles. Justement, depuis les derniers incidents qui ont fait monter l’angoisse de nos concitoyens, l’idée de renforcer le nombre de gardiens de la paix était dans l’air. Des nouveaux flics, pas chers, qui savent exactement comment traiter les voyous et leur donner un encadrement militaire ?
Bravo, Rambo, vous méritez de devenir président de l’ONU.

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