QUAND J’ENTENDS LE MOT CULTURE

Il avait un bon avocat, Bertrand Cantat. Condamné à huit ans de prison pour avoir tué sa compagne Marie Trintignant, il a été libéré à la moitié de sa peine. Pour bonne conduite.

Ce qui signifie que, pendant sa détention, il n’a pas tabassé de gardien – que des hommes, remarquez, ceci explique peut-être cela.

Tout le monde n’a pas la chance d’avoir  un ténor du barreau. Tenez, Sophocle par exemple. Un artiste lui aussi, au moins aussi inspiré que ledit Cantat. Mais qui a un handicap par rapport à l’auteur de « Veuillez rendre l’âme » : lui, il est mort. Et depuis si longtemps que ses pièces sont tombées dans le domaine public.

Un auteur vivant ou ses héritiers ont le droit de refuser à un metteur en scène ou un interprète de jouer ses oeuvres. Hélas, si le grand tragédien grec peut s’enorgueillir d’un triple A jusqu’à la fin des temps civilisés, ni lui ni ses héritiers ne peuvent empêcher un metteur en scène canadien et le bourreau d’une jeune femme française de se servir d’ « Antigone » pour servir leurs intérêts, faire scandale et vendre des tickets (sur lesquels ni l’auteur ni son pays ne recevront un radis).

« Nous n’avons pas à poser une question morale sur ce choix. Nous devons nous en tenir à l’aspect juridique des choses » dit M. Colpé, patron du Théâtre de Namur et coproducteur du spectacle avec le théâtre du Manège à Mons.

Voilà donc qu’un jongleur s’abrite derrière le dos d’un flic pour justifier son petit commerce ! On aura tout vu ! Bel effet de la marchandisation de la culture dénoncé jadis par un certain Bertrand Cantat.

Certes, le meurtrier de Marie Trintignant a purgé sa peine. Il est redevenu un homme juridiquement libre. Il peut remonter sur scène, donner des leçons de morale et de politique comme il aimait le faire jadis – avant la mort de sa compagne et le suicide de son épouse. Mais prétendre que la culture peut se passer de morale ? Pardon, M. Colpé. Mais, comme disait Jean Cocteau : « A force d’aller au fond des choses, on y reste ».

Si Bertrand Cantat était chemisier, employé de bureau, caissier à Carrefour, menuisier, ramoneur, fonctionnaire, oui, il aurait pu reprendre son boulot d’avant. Mais un artiste, c’est autre chose. Il porte la parole d’un auteur, son éthique, ses valeurs. Il incarne son message artistique, philosophique, politique. Et, à la fin, c’est lui qui se fait applaudir.

« Ce que je déteste, c’est qu’un coupable, quand il se voit pris sur le fait, cherche à peindre son crime en beau. » Tiens ? Justement de Sophocle. Et dans Antigone…

Alors, oui, je trouve indécent qu’un homme condamné pour violence meurtrière sur une femme monte sur des scènes emblématiques de la communauté française et prétende porter le message de Sophocle.

Je suis un non violent, disait Francis Blanche. Quand j’entends parler de revolver, je sors ma culture.

 

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AAA

Depuis quelques mois, le A occupe une place essentielle dans l’actualité. La perte par la Belgique de la petite queue de son double A a permis de boucler en quelques jours un gouvernement qui ahanait depuis plus d’un an et demi.

« Si la France perd son triple A, je suis mort ! » a lâché Nicolas Sarkozy. Diable ! La lettre ou le néant…

Et la position d’Obamaaa est rendue de plus en plus précaire par le déclassement de son pays par une agence de notation. Les USA sans A restent sans voix.

D’où vient donc la magie de la première lettre de l’alphabet ?

Une lettre qui s’écrit de la même manière, Ah !, qu’elle exprime le plaisir, la stupéfaction ou la douleur.

Ah ! a soupiré Obama quand les Etats-Unis ont été réduits à AA. Bien loin de son « Ah ! » un peu plus tôt quand ses commandos sont entrés dans le salon télé de Oussama Ben Laden.

Ah ! s’est écrié Elio Di Rupo nommé premier ministre grâce à la dégradation de la Belgique en AA.

Ah ! diront les observateurs quand la Grèce affichera soudain une note AA.

Tandis que la Castafiore imperturbable : « Ah ! Je me sens si belle en ce miroir ! »

On n’aurait pas dû être aussi surpris de l’importance accordée au A. La science-fiction américaine avait déjà découvert ses vertus il y a plus de soixante ans dans « Le Monde des A » sous la plume d’un des maîtres du genre, A.E. Van Vogt (dont la traduction par Boris Vian n’est pas étrangère au charme de l’œuvre en français même si elle trahit le titre original qui est « Le Monde des non-A »).

Un roman qui raconte une gigantesque partie d’échecs cosmique. C’est dire le poids accordé à A par Van Vogt. Mais la Bible elle-même n’avait-elle pas déjà annoncé toute l’importance mais aussi l’ambigüité du A ?

On traduit généralement en français la première phrase de la Genèse de la façon suivante : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. »

Or, le texte hébreu est plus bizarre : au lieu de commencer par la lettre A, le premier mot de l’ancien testament a pour première lettre B –on sait toute l’importance symbolique de chaque lettre du Livre, ce ne peut donc être un hasard. Les commentateurs en tirent pour conclusion qu’avant notre monde, il en existait un autre, le monde des A en quelque sorte.
Ce qui devrait rassurer tous ceux que la volée de A laisse pétrifiés. Demain, lorsque les agences de notation auront définitivement rogné la note de tous nos pays, de AA à A puis à rien, s’ouvrira un nouveau monde, celui des B ou des zéros, peu importe, qui gouvernera notre vie comme celle des A aujourd’hui. Mais la perspective de vivre les yeux fixés sur le maintien du B ou du 0 sera peut-être à la longue moins éprouvante.

Ah ! (de soulagement).

 

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DEUX MILLE DOUCE

Décembre deux mille douce et c’est la fin du monde… A voir nos dirigeants européens tourner en rond comme des poules sans tête, nul doute qu’ils ont choisi de respecter le calendrier maya.

A Bruxelles, le coup de cymbale final sera-t-il donné par Elio Di Rupo ? Le seul moyen pour lui de rester au pouvoir est de retarder le vote de la réforme institutionnelle et de la scission de B.H.V. jusqu’au 11 décembre à minuit. A peine la constitution modifiée, elle disparaîtra avec toute le reste de la planète. Même Olivier Maingain n’a pu rêver plus beau scénario !

Grâce à Bart De Wever, qui prépare ça depuis longtemps, la Flandre sera la seule à échapper au cataclysme. Ayant compris qu’il n’arrivera jamais à se séparer de Bruxelles et de la Wallonie, il a entrepris en douce la construction d’une super-fusée destinée à libérer les Flamands de l’emprise belgicaine : elle les emmènera sur l’une des ces planètes jumelles de la Terre que les astronautes viennent de découvrir. Grâce à l’extraordinaire prévoyance du grand président de la N-VA, les seuls survivants de la catastrophe finale seront donc des militants nationalistes flamands. Bonne chance aux habitants de la planète lointaine sur laquelle ils débarqueront avec pour tout bagage le programme de la N-VA, des gaufres et du J.Jambon. Espérons qu’il n’existe pas chez nos cousins de lois contre les immigrés. Ni contre l’usage des langues étrangères…

Est-ce un hasard ? 2012 est une année d’élections un peu partout sur la planète. Comme si l’on voulait s’offrir un dirigeant de rêve pour terminer l’histoire. On vote aux Etats-Unis, en Russie, en France, dans plusieurs pays arabes. On désigne le nouveau président européen. Et même la dernière tête du parti Ecolo. Il paraît qu’on se bouscule au parti vert pour avoir l’honneur d’annoncer l’anéantissement de la planète.

Etrange de penser que ce n’est pas le réchauffement climatique qui aura sa peau, ni l’explosion d’une nouvelle centrale atomique, ni l’épuisement du pétrole et des autres matières premières. Non, ce sont ces bons vieux Mayas avec leurs prévisions faites il y a des milliers d’années à une époque où ils ne connaissaient ni les 4×4, ni l’avion, même pas la roue.

Remarquez : il existe un curieux lien entre Mayas et Ecolos. Quand on coupe la tête du patron du parti vert, il en en pousse deux autres comme dans l’hydre de la légende. Or, l’hydre est un serpent. Chez les Mayas, c’est justement un serpent, le dieu Kukulkan (le serpent à plumes) qui annoncera la fin du monde.

De là à conclure au rôle historique que jouera sur la planète l’élection des deux successeurs de Jean-Michel Javaux, il n’y a qu’un pas. Un homme, une femme, un serpent. Et tout le bazar recommencera…

Bonne année douce !

 

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PERE NOËL EN DE KERSTMAN

On a longtemps raconté aux enfants l’histoire du père Noël. Pourquoi ne pas leur dire la vérité, leur avouer qu’il y a plusieurs pères Noël et qu’ils ne s’entendent pas ?

A une époque reculée, c’est vrai, il n’existait qu’un père Noël qui accomplissait sa tâche avec le sourire, tout heureux de faire plaisir aux enfants. Sa récompense, c’était leur rire, leur joie. Et le bonheur d’entendre leurs petites voix résonner tout excitées dans la cheminée après avoir déballé leurs cadeaux, « Merci, père Noël! »

C’était l’époque bénie où il pouvait faire en une nuit Bruxelles-Saint-Pétersbourg et Pékin-Montevidéo. Mais l’âge touche les plus castars, même le père Noël. Quelle corvée! se plaignait-il. Une nuit à trimer comme une bête et trois cent soixante quatre jours à se ronger le frein, en attendant cette terrible la soirée du 24 décembre.

Il n’en dormait plus, attentif au moindre signe de faiblesse et, dès l’automne, hanté par des cauchemars. Il se voyait glissant du toit avant même d’avoir atteint la première cheminée. Sa hotte prenait feu, dévorant tous les cadeaux, puis sa barbe. Les loups le croquaient, un troupeau d’éléphants écrabouillait son attelage, des voleurs lui dérobaient tout son stock le matin même de Noël.

Quand arrivait enfin le réveillon, il se trouvait dans un tel état qu’il bâclait la distribution des cadeaux pour retrouver son lit. Oserais-je l’avouer ? Le bon père Noël, le plus grand ami des petits, en était arrivé à détester les enfants. A les haïr. A souhaiter leur disparition de la surface de la terre. Ah! se disait-il. Dieu fasse qu’il n’y ait plus que des braves vieux comme moi, qui ont  oublié depuis longtemps l’existence du père Noël. Je sais. C’est affreux. Mais tout homme traverse des moments de dépression. Même le père Noël qui en était venu à rogner sur ses heures de travail puis sur sa zone de distribution, comme un vulgaire conducteur des TEC.

Devant les plaintes de plus en plus nombreuses, son patron décida de reprendre les choses en mains. Il essaya d’abord de confier une partie de la mission du père Noël au Père Fouettard. Ce fut un désastre. Dès qu’il tenait un cadeau en mains, le père Fouettard le mettait en pièces. Lancés du dessus des cheminées, les écrans atterrissaient en morceaux au pied des sapins.

« J’ai beau faire un effort, expliqua-t-il, je n’y parviens pas. C’est plus fort que moi ! Impossible de faire un gentil d’un méchant ! »

Après s’être longtemps gratté la tête, le boss dut se résoudre à truquer le bazar. Puisque le père Noël ne suffisait pas à la tâche, il en engagea quelques autres, habillés à sa façon.

Mais que faire de l’authentique ?

« Repose-toi, lui dit-il. Profite des quelques milliers d’années qu’il te reste à vivre. Tiens, voilà un C 4 qui te permettra de profiter du chômage. »

Le père Noël revint le lendemain : l’ONEM n’avait pas voulu de lui. Il ne justifiait pas d’assez de jours de travail.

– Mille ans de boulot, ça ne suffit pas ? s’étrangla le boss.

– Selon la loi d’Elio 1er, seule la dernière année entre en ligne de compte. Or, l’an dernier, je n’ai travaillé qu’un seul jour. Qui ne peut être comptabilisé. Car je n’ai pas pensé à demander au ministère l’autorisation de travailler la nuit. »

Pour éviter au père Noël de finir sa vie sous un pont, le boss le laissa reprendre la distribution des cadeaux. Mais, vu son état, il lui confia une petite zone de distribution, la capitale de l’Europe, tandis que les nouveaux pères Noël se partageaient le reste du monde.

La première année, tout fonctionna parfaitement. Le boss s’endormit tranquillement, persuadé que l’affaire était dans le sac pour quelques siècles quand il fut réveillé par le bruit d’une terrible dispute.

A moitié éveillé, il tenta de comprendre pourquoi le vrai père Noël et deux jeunots de la nouvelle équipe en étaient venus aux mains. Quand il parvint à les séparer, leurs explications le laissèrent pantois.

Les deux jeunes reprochaient au père Noël d’avoir dépassé sa zone de distribution. Toutes les cheminées des dix-neuf communes de la région de Bruxelles-capitale servies, il avait continué de vider son sac dans les petites villes voisines. A la grande fureur des deux jeunes pères Noël.

– Il n’a pas le droit de dépasser les frontières ! s’écrièrent-ils d’une seule et même voix.

– La Wallonie c’est pour moi ! Et moi seul ! dit l’un.

– Vous m’avez donné la Flandre en exclusivité moi ! reprit l’autre. D’ailleurs, regardez le gâchis, ajouta-t-il, en sortant une boîte de jeu video.

– Eh bien ? demanda le boss.

– Toutes les inscriptions de cette boîte sont en français ! Strikt verboten ! C’est la loi dans ce pays !

L’autre surenchérit en montrant une boîte de chocolat, sertie de brillants.

– Ce vieux birbe a déposé ce ballotin à Lasne. Lisez : la composition des pralines est en néerlandais ! A Lasne ! Il a failli provoquer une émeute ! Heureusement Que les parents ont enlevé à temps la boîte des mains de leurs enfants avant qu’ils ne soient contaminés !

Le boss poussa un long soupir.

– Ne vous mettriez-vous pas autour d’une table pour discuter de tout ça ? suggéra-t-il.

Les trois hommes hochèrent la tête, pas convaincus, mais personne n’osait discuter les ordres du patron.

Quand arriva le 23 décembre suivant, le boss réunit tous les pères Noël des cinq continents pour organiser la tournée et distribuer les commandes des enfants. Trois hommes manquaient à l’appel. Ceux qui s’occupaient des régions de Belgique.

« Sont enfermés depuis un an dans c’te pièce » dit un des pères Noël, un grand Noir hilare chargé des îles Tonga.

– A quoi jouez-vous ? hurla le boss en découvrant les trois hommes en train de se disputer comme au premier jour de leurs réunion.

– C’est vôt faute, dit le jeune chargé de la Wallonie.

Le père Noël flamand hocha la tête.

– Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d’accord…

– A s’arracher les cheveux et la barbe, soupira le père Noël avec une voix d’outre-tombe. Il avait l’air d’avoir pris cent ans.

– Vous êtes fous ? s’écria le boss. Vous avez oublié que Noël, c’est demain et que les enfants vous attendent ?

– Bof ! Du moment que les enfants flamands soient servis,… marmonna l’un.

– Ceux de Wallonie seront gâtés, ajouta l’autre. Rassurez-vous.

– Bon, soupira le père Noël, en caressant le museau de ses rênes. Je pense que je vais reprendre tout seul la tournée de toute la planète.

– Pas question ! s’écrièrent les deux jeunes père Noël.

– Le reste du monde si vous voulez mais la Flandre ne cèdera pas d’un pouce !

– Ni la Wallonie, conclut l’autre.

– Chef ? demanda le père Noël ? Je me sens vraiment fatigué. Croyez-vous qu’on pourrait revoir les lois sur le chômage ou la pension ?

– Hélas non, père Noël, soupira le patron. Depuis le temps qu’on distribue sans regarder ce qu’il y a dans la caisse, tout le pognon est passé dans les cadeaux…

 

Alain Berenboom

ANNUS MIRABILIS

On ne l’entend jamais quand ça va mal. Mais, dès que reviennent les hirondelles, le président de l’Europe montre le bout de son nez.

Faut croire que le printemps n’est pas loin puisque notre ex-furtif premier ministre sort de son long silence pour annoncer, devant les parlementaires européens ébahis, que 2011 était une « annus mirabilis ». Pour ceux qui en ont avalé leur latin, l’annus en question désigne l’année et mirabilis veut dire « miraculeuse » et non misérable comme l’aurait cru le vulgum pecus.

Des millions de travailleurs en Europe sans emploi et pour une partie d’entre eux sans aides publiques, l’effondrement de l’euro, auxquels s’ajoute une abominable contagion de tueurs en série de Liège à Oslo, voilà ce que M. Van Rompuy qualifie d’événements miraculeux ?

Dans plusieurs religions, il est vrai, le déclenchement de cataclysmes annonce la fin du monde. Une fin catastrophique pour les uns, heureuse pour les autres, comme dans la religion juive où l’apocalypse précède l’arrivée du messie, censé apporter la paix sur terre.

Est-ce à cette prophétie qu’a faite allusion Zen Herman à Strasbourg ? La connaissance de la mystique juive ne faisait pas jusqu’ici partie des innombrables lumières du plus haïku des hommes politiques.

Alors, de quel miracle parlait-il ?

De l’arrivée de la démocratie « à l’occidentale » dans des pays jusqu’ici connus pour leur système musclé ? Comme la Russie ou le Congo. Mais, les élections récentes de Kabila et des copains de Poutine ressemblent plutôt à un cauchemar qu’aux promesses de liberté que les Européens ont vendu aux citoyens russes et congolais comme le remède à tous leurs maux. Et les premières élections des ex-dictatures arabes exhalent elles aussi un parfum inquiétant.

Faut-il penser que notre Herman chéri est resté trop longtemps dans le bunker où, depuis son élection, Sarkozy et Merkel l’avaient enfermé, ligoté et bâillonné ? Ou a-t-il passé son temps à fumer la carpette de son abri ce qui explique pourquoi, depuis le nuage sur lequel il est perché, il ne voit que du rose : son salaire mensuel, sa réélection qui se profile sans souci dans l’annus qui vient, la fin très provisoire des nuits de négociation fédérale en Belgique, la montée irrésistible dans les sondages de la N-VA, la traversée du désert de Michel Daerden (ou Daerden au pays de la soif), le succès de Tintin au cinéma, l’autorisation donnée par le gouvernement au prince Laurent de voyager dans le sultanat d’Oman, tous événements que l’on peut en effet qualifier de miraculeux.

Où l’ont voit qu’on a eu tort de laisser ce docteur-miracle quitter notre pays où il aurait dirigé un gouvernement de bonnes nouvelles au lieu d’un premier ministre qui ne nous promet que du sang et des larmes.

 

 

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ELIO, FAIS-MOI UN DESSEIN!

Le nouveau premier ministre, qui est aussi le premier patron de gauche du pays depuis des lunes a posé d’emblée deux actes symboliques.

Abandonnant sa fonction de président du parti, il a adoubé comme nouveau boss un certain Thierry G. Thierry who ?

En nommant cet apparent brave homme, Elio Di Rupo a-t-il voulu relancer la gauche en Wallonie ?

S’il faut en croire son propre site, l’activité de député de Thierry Giet a été la suivante : une proposition de loi visant à déclarer valables certains contrats de jeux de hasard, une autre pour modifier la loi relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales. Et une proposition de modification de l’arrêté royal portant règlement général sur la police de la circulation routière et de l’usage de la voie publique en ce qui concerne les capitaines de route encadrant les groupes de cyclistes et de motocyclistes.

Oula, camarades ! Lénine, Vandervelde, tremblez dans vos cercueils rouges ! La gauche du vingt et unième siècle se profile à l’horizon du boulevard de l’empereur…

Tout aussi à gauche, la déclaration inaugurale de M. Di Rupo à la Chambre ? Disons qu’on  peut qualifier de gauche trrrès prudente ce résumé consciencieux de l’accord ficelé par l’étrange majorité à géométrie variable qui va nous gouverner. Là où on attendait le souffle de l’histoire, quelques idées nouvelles pour la société de demain ou au moins un peu d’oxygène pour les mois à venir, on a eu droit à un exercice destiné à prouver les qualités de chimiste du docteur Di Rupo : quand on mélange du bleu et de l’orange avec une pincée de vert, absorbée avant la fin de l’opération, ça ne fait jamais du rouge du moins sur cette planète.

Voilà le résultat d’une plongée en apesanteur depuis près de deux ans d’un être humain autour d’une table dont il reste plus grand-chose sinon la langue de bois.

Des promesses ? me direz-vous mais il n’y a pas un sou en caisse. Certes, on n’attend plus les « demain, on rasera gratis » de Bart De Wever ou « avec moi, moins de taxes » de Didier Reynders. Mais un dessein, genre la « nouvelle frontière » de Kennedy qui nous avait promis la Lune.

Justement, la découverte deux jours avant la déclaration gouvernementale d’une nouvelle planète habitable, une espèce de double de la Terre deux fois et demi plus grande, aurait pu booster son discours.

S’inspirant du « Petit Prince » de Saint-Exupéry, il aurait pu nous faire rêver. Nous laisser entrevoir qu’avec Elio 1er, nous découvrirons à quoi ressemble la Belgique sur Kepler-22, le BHV local, la forme des gaufres et le montant des pensions deux fois et demi plus épaisses à 600 années-lumière de chez nous.

Allez, Elio, fais-nous un dessein !

 

 

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LES AFFAIRES REPRENNENT

Dans le monde, les bourses jouent au yo-yo. Et en Belgique, les affaires reprennent.

Vous me direz que ce ne sont jamais que les bonnes affaires des PS liégeois et carolo ? Erreur, c’est bien plus que ça : les premiers signes d’une fumée blanche après deux ans de crise. La renaissance d’une région qui gagne. Wallonie, la niaque !

La preuve ? D’abord, si on accuse des mandataires de s’être largement servi dans la caisse (mais ils sont présumés innocents), c’est que la caisse n’était pas vide. Enfin, un effet du plan Marshall ?

Ensuite, il a fallu des années à la justice pour instruire ces affaires, démêler l’écheveau que des dénonciateurs anonymes mais drôlement bien informés leur avaient soigneusement décortiqué, preuve que leurs initiateurs ont déployé des trésors d’ingénérie.

Voilà l’enseignement positif de cette histoire : il existe une science du managing wallon.

Dans les époques primitives, les politiciens se contentaient d’une enveloppe qu’on leur mettait en poche et dont ils dépensaient le contenu en payant en noir l’imprimeur et le traiteur qui préparait le poulet-compote des soirées de campagne. Une fois les menus frais dépensés et quelques amis arrosés, il leur restait à peine de quoi payer les études en révisorat d’entreprises de leur fiston.

Maintenant, les présumés innocents travaillent sur une toute autre échelle : avec sociétés écrans, comptes étrangers et toutes sortes de détours, qui démontrent qu’à l’ère du capitalisme sauvage, les Wallons sont devenus aussi habiles que la plupart des autres peuples de la planète (lesquels sont eux aussi présumés innocents).

Grâce à nos nouveaux politiciens, les services publics et notamment les intercommunales ne servent plus bêtement les citoyens mais ils sont là pour faire de l’argent.

C’est la preuve du dynamisme des jeunes pousses du socialisme wallon. On craignait qu’après la retraite ou la mise à l’écart de leurs glorieux aînés, si hauts en couleurs, les nouveaux politiciens ne soient plus que de tristes bureaucrates, de ternes experts, le nez sur les chiffres toujours plus décevants des affaires du pays, des gagne-petit de la politique qui comptent un à un les sous de leurs concitoyens. Grâce à la justice, on est soulagé que nos nouveaux dirigeants soient aussi audacieux que leurs pairs mais encore plus inventifs.

L’éclatement soudain de ces affaires intervient juste au moment de la formation du nouveau gouvernement. Un complot ? Mais non, le signal de la fin de ce long interrègne de plus de cinq cents jours pendant lesquels la Belgique restait figée : pas de dirigeants, pas de nouveaux impôts, pas de lois scélérates. Mais pas non plus de scandales politico-financiers.

Le signal que, comme le promet la nouvelle équipe, les affaires reprennent et que la crise est finie.

 

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NOVEMBRE DECEMBRE 2011

Alain Berenboom présentera son livre « Messie malgré tout! »

  • le 8 nov. 2011 à 19h15, à la Librairie Tropismes, galerie St Hubert; rencontre avec Joseph Duhamel; lecture de textes par Bruno Coppens
  • le 15 nov. 2011 à 18h30, rencontre organisée par la librairie Brüsel au théâtre Marni (près de la place Flagey) entre Alain Berenboom et Bernar Yslaire
    modérateur: Daniel Couvreur, journaliste au Soir.
  • le 17 nov. 2011 à 12h00, à la Librairie La Licorne, chaussée d’Alsemberg 656, avec Bruno Coppens, qui fera une lecture
  • le 20 nov. 2011 après-midi, au Salon du Livre belge au Centre culturel d’Uccle
  • le 1er déc. 2011 à 18h00, à la librairie Filigranes; lecture par Riton Liebman
  • le 6 déc. 2011 à 18h30, à la Librairie La Licorne, chaussée d’Alsemberg 656
  • le 8 déc. 2011 à 20h30, Autour du Messie, au CCLJ (Centre culturel et laïc juif), au 56, rue Hôtel des Monnaies, St-Gilles: entretien avec Alain Berenboom et lecture-spectacle du livre par Eric de Staercke

 

PETIT SOUCI

Jadis, pour régler « un gros problème », on se retroussait les manches et on essayait d’affronter l’obstacle. Depuis un certain temps, on ne parle plus de gros problèmes. Il n’existe plus de problèmes du tout. Juste des « petits soucis ». Vous ne vous en rendiez peut-être pas compte mais avec l’ère des petits soucis, « tout va bien, madame la marquise. »

Tchernobyl ? C’était une catastrophe. L’explosion de la centrale de Fukushima ? Un petit souci. D’ailleurs, qui sait encore que le réacteur continue de projeter dans l’atmosphère ses émanations empoisonnées et de semer la mort ? Qui a calculé pendant combien d’années la planète va étouffer sous le nuage nippon ? Pas de souci, voyons !

M. Berlusconi a modifié l’arsenal législatif italien pour le mettre à son profit personnel et piller l’état italien ? Qui s’en inquiète ? Oublions ces petits soucis au rythme des soirées bonga-bonga ! Ciel, une inondation ! Du calme ! Ne vous faites pas de cheveux blancs ! Appelons les « spécialistes » pour nettoyer les caves et remettre les tuyaux en place avant de revenir aux affaires quand ils auront rendu les lieux plus ou moins présentables.

La Belgique va être un de ces jours massacrée par les marchés internationaux et les agences de notation ? Pfff ! Petit souci ! Comme se le demandait avec son habituelle pertinence Philippe Moureaux l’autre jour, « d’abord, c’est qui les marchés ? »

Vous avez raison de ne pas vous en faire, Philippe, ils ne se promènent pas dans les rues de Molenbeek. Elles ne sont plus qu’un petit souci depuis que vous en êtes le maïeur.

Comme il n’y a rien de plus grave que les petits soucis dans la hiérarchie des difficultés à résoudre, personne n’a plus rien à craindre désormais. Inconscience ou cynisme ? Mettre la tête sous le sable c’est tellement meilleur que se la taper contre les murs.

Dès lors, si alléger les dettes énormes de l’état, protéger notre système de pension et la sécurité sociale, et discuter du nombre de cylindrés à partir desquelles il faut taxer les voitures de société, c’est à peu près la même chose, juste de « petits soucis » ménagers, il ne faut pas s’étonner que nos brillants dirigeants perdent la tête et nous font tous plonger du nez.

Aux Etats-Unis, tout va bien aussi, madame la marquise. La plus grande économie du monde

est malade mais les députés républicains n’ont qu’une seule préoccupation, l’élection de l’un des leurs l’an prochain, même s’il va régner c’est sur un champ de ruines.

On commence à se demander si le gros problème n’est pas à chercher du côté des dirigeants  politiques. En changeant la façon de gouverner, on n’aurait peut-être plus tant de petits soucis à se mettre sous la dent.

 

 

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MARKETMAN

Depuis des mois, les politiciens occidentaux tremblent à la seule invocation de son nom. « Le marché ». Il fait et surtout défait les gouvernements, fait imploser les états, démantèle les lois, transforme en une nuit des dispositifs législatifs que des années de palabres n’avaient pas réussi à faire bouger.

Mais qui est donc ce terrible Superman qui fait plier la planète ?

Superman, la comparaison est idoine. Dans la vie de tous les jours, le célèbre super-héros n’est pas cet extravagant personnage habillé d’oripeaux ridicules et doté de super pouvoirs. Clark – tel est son nom – est juste un brave journaliste myope et un peu maladroit qui se cogne dans les meubles et est incapable de redresser une armoire bancale.

Or, si le monsieur du marché ressemble à Superman, cela signifie qu’il ressemble aussi à Clark.

Le jour, Marketman balaye d’un revers de souris d’ordinateur le chef de la troisième économie d’Europe, oblige le président français à passer week-ends et soirées avec Frau Angela Merkel plutôt qu’à pouponner avec la sublime Carla Bruni, abandonnée seule avec les biberons.

Mais, la nuit, notre super-héros laisse tomber la veste. Il redevient le brave gars, bon voisin, bon père de famille, qui tond le gazon, aide ses enfants à terminer leurs devoirs, chante une berceuse au petit dernier qui a du mal à s’endormir et lit le journal à son épouse pendant qu’elle fait la vaisselle (c’est sa limite : on n’est pas très féministe chez les Marketman, désolé, chères lectrices !)

« Epargne-moi les pages de la Bourse, Marketman ! »

« Bien sûr, dear. Que veux-tu que je te lise ? Un tremblement de terre a ravagé les côtes de… »

« Tais-toi ! Je déteste les histoires horribles ! »

« Alors, les derniers exploits de DSK ? »

« Tu sais que je n’aime pas les histoires sordides, Marketman. Il n’y a vraiment rien d’autre dans ton canard de plus politiquement correct ? »

« Ah, si ! Un nouvel épisode de ton feuilleton préféré, dear. »

« Chouette ! Les aventures de Super-Elio ? C’est vrai, j’adore ! Alors, qu’est-ce que mon super-héros favori a trouvé aujourd’hui ? Les rebondissements qu’il imagine sont toujours plus renversants ! Comment fait-il ? C’est vraiment un super héros ! »

« Un super-héros, lui ? Voyons ! Ses intrigues tournent en rond depuis plus d’un an et demi! » (soupir de Marketman).

Vous vous demandiez pourquoi la Belgique a échappé jusqu’ici aux terribles déflagrations qui ont ravagé ses voisins, pourtant bien plus puissants qu’elle ? Pourquoi les agences de notation n’ont pas dégradé notre note, la même que celle des Etats-Unis ? Pourquoi le marché ne spécule pas sur le défaut de notre pays ?

La réponse est simple : pour plaire à son épouse bien aimée, Marketman ne peut toucher à la Belgique.

Mais, attention, rappelons-nous que souvent femme varie…