RENCONTRES AVEC MR OPTIMISTE

Présentation de « Monsieur Optimiste » à La Librairie Tropismes (Galerie Saint-Hubert) le 17 octobre à 19h15.

Avant la chute définitive des feuilles, en voilà deux cent cinquante environ qui racontent une histoire qui m’est arrivé quand j’ai décidé d’ouvrir les caisses de lettres et autres vieux papelards que m’ont laissés mon papa et ma maman au fond de leur appartement. Et alors, j’ai découvert une vraie caverne d’ali baba…
si vous voulez suivre les aventures de mon papa, venu d’un petit village polonais, de sa mère qui ne le lâche pas et lui écrit sans cesse, de ma maman, débarquée de Vilnius, l’aristocratique, de leur rencontre quelques jours avant que les Allemands ne les rejoignent à Bruxelles…   Bref, si vous voulez savoir comment deux immigrés fabriquent un petit Belge de souche, venez donc prendre un verre avec nous…

_ le vendredi 18 octobre à 19h15 en compagnie de Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du journal Le Soir, à la librairie Tropismes, galerie St-Hubert.
_ le jeudi 24 octobre à 20h30 au CCLJ, au 52, rue de l’hôtel des monnaies 1060 St-Gilles en compagnie d’Eric Hollander
_ le mardi 5 novembre à 18h15 à la Librairie Filigranes, 39 avenue des Arts
_ le jeudi 14 novembre à 18h00 à la librairie Libris, à Louvain-la-Neuve en compagnie de Dominique Costermans

Présentation de « Monsieur Optimiste » à Paris le 9 novembre à l’Hôtel Lutetia de 18h à 19h. Info http://www.motsparleurs.org/lectures/lecture.20131109.html

Vous avez retrouvé Alain Berenboom et son nouveau livre Monsieur Optimiste le week end de la Fureur du Livre:
_ le samedi 12 octobre, signature du livre à la Librairie La Licorne (chaussée d’Alsemberg -Uccle) de 12h30 à 14h.
_ le samedi 12 octobre à l’Atelier La Dolce Vita à la Maison de l’Amérique latine, en compagnie de Patrick Weber. Lectures par Romain Dierckx.
_ le dimanche 13 octobre à 11h à la Librairie Grafiti (Waterloo) en compagnie de Thomas Gunzig.

X ET COMPAGNIE

Comme tout le monde et comme le roi et le premier ministre, je me suis vivement réjoui cette semaine d’apprendre qu’un Belge, le professeur Englert, a décroché le jackpot de l’euromillion. Il était temps. Depuis le temps qu’il achetait ses petits bulletins de la Loterie, toujours perdants, les budgets de la recherche en Belgique avaient fondu comme neige au soleil. Et mon collègue de l’ULB (ça fait chic, hein ?) n’avait presque plus les moyens de se payer son ticket pour faire comme chaque dimanche un petit tour dans la machine à remonter le temps. Un rituel auquel il n’a jamais renoncé malgré son âge. Il adore ça, monsieur Englert, retourner au moment zéro de l’histoire de l’univers pour observer le bing bang par le hublot avant de revenir chez lui juste à l’heure du poulet-compote. Merci, monsieur Einstein – c’est lui qui a inventé l’attraction.

Discours, gâteaux, champagne, l’ULB en fête, très bien tout ça. On a même réussi à écarter discrètement son ex-collègue, Chichah et son groupe de clowns, qui auraient voulu intervenir pour rappeler en chantant – burqa ! blabla! – qu’Einstein, Englert, c’était que des imposteurs. Que le big bang, Adam et Eve et tout le reste, même l’ULB, c’était une idée du prophète…

Enfin, ce qui a surtout fait sauter les bouchons, ce fut le chèque. Un petit papier plein de zéros venu de Suède et tiré sur la succession de monsieur Nobel, le type qui a inventé nitro et dynamite, les produits qui ont ouvert l’âge des armes de destruction massive (dont Einstein, toujours lui, a complété la panoplie quelques années plus tard avec l’inconscience du professeur Tournesol).

Résumons-nous : le professeur Englert a réussi à expliquer comment s’est formée la planète Terre et son mécène, Alfred Nobel, comment la faire sauter. Etonnant raccourci !

Quel Belge succédera à F. Englert au palmarès de Stockholm? En éducation physique, peut-être. Mais en physique, aucun. Pourquoi ? Inutile de faire appel à la théorie des quanta. Comparez le salaire d’un footballeur ou d’un cycliste à celui d’un chercheur en Belgique. Et vous aurez la réponse.

Evidemment, en échange de leurs plantureux émoluments, nos génies du sport acceptent de s’exhiber en petites culottes et maillots en lycra, portant le nom de leur sponsor en lettres fluo. Et de se soumettre à des tests humiliants pour vérifier qu’ils ne sont pas dopés. Mais, si cela ouvrait les cordons de la bourse, je parie que la plupart des émules d’Englert seraient prêts à travailler avec la photo de Didier Bellens sur leurs T-shirts et même à faire pipi dans une éprouvette chaque fois qu’ils entrent et qu’ils sortent de leur labo.

Un prix Nobel, un pays se le fabrique dès l’école primaire…

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VIEUX ET COURTISANES

   On a longtemps prétendu que le parti socialiste vivait dans l’ombre du PS français, en lui empruntant ses slogans, ses programmes et même son célèbre logo, le poing et la rose.

Ce n’est plus vrai. Plusieurs signes prouvent que le boulevard de l’Empereur a cessé de lorgner du côté de la rue de Solferino. Et cela, au moment où, pour la première fois, un socialiste préside aux destinées du gouvernement dans les deux pays.

Le premier signe de divergence concerne les vieux.

Le candidat Hollande avait fait campagne en dénonçant la remise en question de la retraite à soixante ans. Ce slogan (devenu à géométrie variable depuis qu’il a été élu) vient d’être abandonné par notre PS. Le prochain congrès du parti va supprimer la limite d’âge des élus, que les statuts fixaient depuis quelques années à soixante-cinq ans.

Retour au bon temps où Kamiel Huysmans siégeait à la Chambre en soufflant ses nonante-quatre bougies.

Guy Coeme pourra faire son éternel retour. Philippe Moureaux fêter son come-back et amuser ses camarades pendant longtemps encore. Il n’aura nonante-quatre ans qu’en 2033. Et Stéphane Moreau continuer à tisser sa toile jusqu’en 2058.

Paul Magnette, qui se voyait déjà définitivement calife à la place du calife, a dû avoir un hoquet en apprenant que la fonction de président du parti va elle aussi être prolongée. Elio Di Rupo – soixante deux ans – pourra donc lui reprendre son fauteuil tout chaud, dans un an, dans dix ans, peu importe, quand on aime (la politique), on ne compte pas, comme le chante Berlusconi.

Une autre mesure spectaculaire indique la rupture avec les camarades d’Outre–Quiévrain. L’annonce officielle par le très socialiste Alain Mathot de l’ouverture en fanfare du premier Eros center de Wallonie dans la commune de son papa, Seraing.

Waw ! Encore une décision de gauche, qui montre que le PS francophone est resté fidèle aux principes révolutionnaires de la charte de Quaregnon alors que les roses français s’enfoncent dans le mollo-centrisme.

L’appel à l’immigration à Seraing de nouvelles prostituées (des emplois d’avenir subventionnées par le plan Marshall ?) tombe vingt-quatre heures après la conférence de presse de la ministre française du Droit des Femmes, madame Vallaud Belkacem, venue à Bruxelles réclamer le renforcement des mesures contre la prostitution et l’accélération de la lutte contre ce fléau.

Qui croira à une coïncidence de la part du leader auto-proclamé des socialistes liégeois ?

Erreur de casting ? La porte-parole du gouvernement français siégeait aux côté de la ministre Joëlle Milquet et de la reine Mathilde. Fâcheux oubli, elle avait oublié d’inviter Alain Mathot…

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RIRE AVEC BART

   Certains ont eu un haut-le-cœur devant la dernière fantaisie de l’irrésistible bourgmestre d’Anvers, construire une prison belge au Maroc pour y fourrer nos détenus marocains. Editos, réactions indignées, déclarations politiques outragées. Allez ! Vous n’avez donc pas compris ? C’était une blague !

On croyait que ce qui séparait le nord du sud, c’était la couleur des poteaux de signalisation et le nombre de pandas dans les zoos. Le sens de l’humour ne serait-il plus le même de part et d’autre de la frontière linguistique ? Ce qui fait la joie des habitants de Steenokkerzeel n’amuse donc plus à Jehay-Bodegnée ? Si le rire perd sa vertu universelle, où va le monde ?

Charlot faisait rire petits Chinois, petits Finnois ou petits Boliviens avec les mêmes pitreries. Et sans sous-titres. Comme Laurel et Hardy et même Louis de Funès. Et Tintin est traduit dans le monde entier. L’ami Bart cherche depuis longtemps à s’inscrire dans cette grande tradition. Lui qui a réussi à incarner en une même carrière d’abord Olivier Hardy puis Stan Laurel à lui tout seul n’aurait-il pas le droit d’être considéré comme le descendant de ces grands comiques du siècle dernier ?

Je pense qu’il y a un vrai malentendu. Ou que les journalistes francophones, toujours si suspicieux à l’égard des initiatives flamandes, n’aient retenu qu’une partie du sketch, le rendant incompréhensible.

Dans la version longue, Bart suggérait d’autres idées toutes aussi désopilantes. Ainsi, il proposait que la fonction de ministre soit réservée aux Belges de souche. Si survient, par exemple, un Italien d’origine, pourrait-il siéger au gouvernement ? Mais non, s’écriait-il, faites-le gouverneur de la Sicile ! (On rit).

Autre petite blague de notre potache anversois: pourquoi pas Kris Peeters comme premier ministre fédéral ? Kris Peeters ? L’homme qui a fait sa carrière grâce à l’organisation patronale flamande ultra nationaliste, lui qui est si fier d’avoir le premier appelé à une révolution « copernicienne », entendez à vider entièrement l’état central de l’essentiel de ses compétences ? Autant lui demander de présider ce qui reste de la banque pourrie de Dexia.

C’était d’ailleurs la conclusion de Bart De Wever : tout ce qui ne va pas en Belgique, ou plutôt tout ce qui le dérange, loin d’ici – comprenez loin de Flandre. Les ministres fédéraux sur l’île d’Elbe, le Standard de Liège au Congo, les journalistes du Soir en Syrie, le roi à Monaco, Didier Reynders à Macao, les syndicats en Chine, les livres sur la deuxième guerre mondiale au pilon et les Wallons aussi. On gardera juste Stromae, qui fait tant d’argent qu’on peut le faire passer pour Flamand, et Annie Cordy qui est intransportable vu la suppression de la sécurité sociale.

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ALLO, QUOI ?

Ce n’est pas pour me vanter mais j’ai toujours détesté le téléphone. Aujourd’hui, je sais pourquoi. Je suis abonné chez Base. Encore raté ! Jamais, une créature blonde, l’air glacial à la Kim Novak, le casque sur les oreilles, n’a écouté une seule de mes conversations, n’a enregistré le moindre de mes murmures, n’a rapporté à ses chefs la plus infime syllabe susurrée à mon comptable, à ma maman ou à la STIB. Appuyer sur 1. Appuyer sur 2. Taper étoile.

Même les femmes ont des grandes oreilles, contrairement à ce qu’écrit Haruki Murakami qui, de roman en roman, les décrit avec de délicieuses et minuscules coquillettes de chat. Mais les chats surveillent-ils les conversations transatlantiques ? Pas sur Base, en tout cas. Hélas !

Je découvre, mais un peu tard, que j’aurais dû choisir Belgacom, faire confiance à M. Didier Bellens. Un patron de service public dont le salaire est resté inconnu même des plus fins limiers de la CIA ne peut être tout à fait mauvais.

Si j’étais entré dans le club Belgacom, j’aurais moi aussi été un VIP. J’aurais passé un coup de fil à l’ambassadeur de Syrie en Iran, au frère de Ben Laden aux Etats-Unis ou même au patron de Tecteo juste pour ressentir ce doux frisson à l’idée que toutes les grandes oreilles du monde sont brusquement tournées vers moi et suspendues à mes lèvres. Waw ! La minute de gloire dont nous rêvons tous à croire Andy Warhol.

J’aurais pu être en direct avec la blonde glaciale et lui raconter des choses plaisantes qu’elle aurait notées religieusement en pinçant ses lèvres peintes avant d’aller fièrement porter son petit carnet dans le bureau ovale.

Cette histoire d’écoutes mystérieuses des lignes de Belgacom m’a aussi permis de trouver la réponse à une question que je me posais depuis longtemps. Qui sont ces types que l’on croise dans la rue des types, l’air hyper-sérieux, l’oreille collée à leur GSM, un pli profond creusant leur front, parler en regardant autour d’eux d’un air hostile tandis que leur interlocuteur leur livre manifestement une info top secret ? Des petits hommes verts déguisés en Terriens venus régler le sort de la planète ? Avec mon bête GSM qui ne sert qu’à téléphoner, impossible de vérifier sur-le-champ si la planète bleue tourne toujours autour du Soleil. Je dois attendre de lire Le Soir du lendemain. Mais je comprends mieux le comportement de ces bizarres correspondants. La prochaine fois, j’observerai la forme de leurs oreilles. C’est à leur taille, d’après ce que j’ai compris, qu’on reconnaît un abonné belge de souche de Belgacom. Brusquement, le doute me saisit. Et, si moi aussi ? Non, ne m’obligez pas à allez vérifier devant mon miroir. Je vous jure que je suis abonné à Base.

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VINTAGE

Où est le temps béni des bons et des méchants ? Celui où l’on pouvait désigner du doigt le salaud et célébrer le héros ?
Depuis la disparition de l’empire soviétique, c’est le chaos. Tout le monde joue à contre emploi. Le bon se révèle une crapule. Le mauvais, encore plus épouvantable que dans le scénario. Bush a bien tenté, mais trop tard, de revenir au confortable schéma classique, si rassurant pour tous les spectateurs, avec sa superproduction « l’Axe du Mâle ». Moi, le bon. Saddam Hussein, Ben Laden, Khamenei, les affreux, sales et méchants. Les attaques du 11 septembre semblaient lui avoir été servies comme sur un plateau (de cinéma) par ses ennemis. Malgré cet épouvantable épisode, son blockbuster s’est révélé un flop. Il a fallu s’y résoudre. Le temps du western est définitivement révolu. John Wayne est mort et il n’y a plus de duel à OK Corral.
Sur les écrans d’aujourd’hui, la star, c’est Poutine. Un personnage que jamais les scénaristes de l’âge d’or d’Hollywood n’auraient mis en vedette. Grâce à lui, la Russie est à l’URSS ce que Sergio Leone était à John Ford. Un film où il n’y a plus que des brutes et des truands. Ce n’est plus le bon qui triomphe à présent. Il a été tué dès la première bobine. C’est le plus tordu, le plus machiavélique, celui qui, dans l’ombre tire les ficelles. Après le western, la mode est revenue aux montreurs de marionnettes. Au docteur Frankenstein, dont la créature ravage tout sur son passage. Et depuis l’apparition du 3-D, hélas, la créature (Kadyrov ou Assad) est vraiment devenue un monstre. On verra ce qu’en fera Depardieu quand il reprendra le rôle.
Dans le temps, le héros sentait bon le sable chaud. Maintenant, il dégage une odeur de laboratoire. Comme tous les protagonistes sont obligés de se battre, un masque à gaz sur la figure, il est difficile de les distinguer. Pas étonnant dans ces conditions qu’ils nous donnent tous l’envie de quitter la salle en hurlant.
Heureusement, l’histoire du cinéma l’a prouvé, tous les films de genre finissent par lasser. Lorsque Poutine-Frankenstein ne fera plus recette, peut-être retrouvera-t-on le temps de la comédie musicale ? Et puisque l’automne commence, chantons sous la pluie…
PS : à vous recommander, cette magnifique photographie de notre époque, signée Marina Lewycka, « Traders, hippies et hamsters » (éditions des Deux Terres). Un portrait corrosif et tendre à la fois de l’Angleterre d’aujourd’hui qui entremêle vieux idéalistes, traders paumés, flambeurs obsédés par l’argent et la réussite et un pays (qui pourrait être le nôtre) en train de sombrer dans le vide. Un rappel salutaire que la seule façon pour qu’une société continue de vivre, c’est tout bêtement qu’elle retrouve ses convictions, qu’elle combatte pour ses valeurs.
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UNE HISTOIRE A DORMIR DEBOUT

C’est évidemment un président français, V. Giscard d’Estaing, qui a imaginé le G 6. Au pays du discours-roi, les causeurs raflent toujours la mise. C’était donc une idée de génie de transformer les principaux chefs d’état en maîtres du monde par la seule vertu du verbe.

Ces grandes messes annuelles n’ont pas pour fonction d’améliorer l’économie, la finance, le commerce mondial, la fiscalité, le chômage, sujets habituels à l’ordre du jour, mais comme dans les comices agricoles célébrés jadis par Alphonse Daudet et le maire de Champignac, c’est de parler haut.

Les chefs d’état se réunissent rituellement pour que toutes les caméras soient braquées sur eux, que leurs paroles soient recueillies comme vérités, guides, baumes, permettant et promettant de panser les plaies universelles. Panser c’est penser. Tout est mis en scène pour qu’ils apparaissent comme les guérisseurs du monde puisqu’ils détiennent la puissance du mot.

Le premier sommet du G6 s’était réuni peu après la crise pétrolière de 1973, le séisme qui a fissuré l’optimisme tranquille des Trente Glorieuses. Pendant trente ans, les hommes politiques avaient pu se reposer sur une croissance sans hoquets. Mais, dès la fin de la guerre du Kippour, ils ont dû changer de stratégie. Devenir les parleurs universels, faute d’un autre outil pour redresser, colmater ce qui commençait à faire eau de toute part.

Le « truc » a connu un immense succès. Tous les dirigeants de la planète ont joué des coudes pour faire partie du club. Aujourd’hui, ils sont 20 à Saint Pétersbourg à brandir leur carte de membre pour avoir droit aux micros. Je suis le maître du monde, dit Poutine, puisque G 20 invités les plus prestigieux de la terre à mes pieds. G 20 promesses non tenues, songent Obama, Mitchell ou Hollande mais peu importe puisque, devant les caméras, je donne toujours l’impression d’être le boss.

Qui se rappelle encore des grands serments des années passées sur la coordination des politiques économiques, la surveillance de la finance, et blabla et blabla ?

Qui se souviendra, lorsque la Syrie ne sera plus qu’une tache blême, des grands discours rooseveltiens sur « attention à ne pas dépasser la ligne rouge », « nous ne laisserons pas assassiner impunément » et autres « ne défiez pas le monde » ?

Sans remonter aux calendes nazies, on a pu massacrer tranquille au Cambodge ou au Rwanda et combien d’années a-t-il fallu avant que l’on vienne ramasser les morceaux en Bosnie ?

Assad peut gazer sa population puis ses voisins, s’ils ne restent pas dans les clous. L’Iran construire pépère sa bombe atomique. Tout le monde peut faire ce qu’il veut pourvu que les dirigeants du monde sourient sur la photo pour illustrer les futurs livres d’histoire (à dormir debout).

 

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A RECULONS

Chaque année, on se disait : chouette, la fin des vacances ! On était heureux de se retrouver enfin dans une ville embouteillée pleine de gens énervés et ronchons au lieu d’errer dans une capitale morte. De revoir la pluie en attendant la neige, loin de ce soleil brûlant qui, telle une piqure de rappel, nous murmurait désagréablement que le climat allait changer si l’on négligeait de remplacer les ampoules de l’appartement pour sauver la planète. De faire la queue à la banque derrière dix autres clients venus eux aussi vider leurs comptes d’épargne pour rembourser à Mr Neckerman tout ce qui n’était pas prévu dans son all inclusive, de payer les innombrables frais scolaires réclamés par le lycée en échange d’un enseignement soi-disant gratuit, de financer les achats compulsifs de toute la famille sur internet, de se demander si le flic n’a pas, par erreur, ajouté deux zéros au montant de l’amende qu’on avait omis d’acquitter juste avant de partir en vacances en espérant que la machine l’ait effacée à notre retour comme elle le fait régulièrement avec nos travaux quand on veut les enregistrer à la fin de la journée avant de quitter le bureau.

Cette année, c’est différent. Au lieu de fêter le retour au boulot, à l’école, aux emmerdes, tout le monde semble vouloir pousser sur la pédale du frein, revenir en arrière, éviter à tout prix cette bonne rentrée jadis si pleine de promesses.

Où est ce bon temps d’avant les révolutions arabes ? gémissent Obama et les autres dirigeants occidentaux, où un dictateur faisait bon ordre dans son royaume à coup de matraques et de prison. On pouvait détourner les yeux sans ce bête sentiment de gêne que provoquent maintenant ces maladroits de dirigeants syriens et égyptiens.

Où est ce bon temps où les partis au pouvoir n’hésitaient pas à se taper dessus quand se profilaient les prochaines élections, assurés qu’une fois les urnes vidées, les mêmes se retrouveraient paisiblement au gouvernement ? Les voilà à présent obligés de partir en vacances ensemble et de danser la bamba en se tenant par les épaules, de peur de se retrouver au chômage comme tant de leurs électeurs dès l’été prochain.

Où est ce bon temps où les services publics étaient dirigés par des fonctionnaires compétents, payés selon le barème, qui ne considéraient pas leurs produits comme des têtes de gondole chez Lidl à liquider au plus vite ?

Seule constante, rassurante pour le consommateur, les instituteurs sont toujours aussi mal payés. C’est pourtant eux, les seuls héros de la rentrée.

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MR OPTIMISTE

OCTOBRE 2013: PARUTION DU NOUVEAU LIVRE d’Alain BERENBOOM

optimiste

À la mort de ses parents, le narrateur décide de ranger, non sans réticence, les archives familiales empilées depuis des lustres dans une armoire. Vieilles lettres de famille en plonais et en yiddish, formulaires divers, reçus d’administrations disparues. Il redoute ce travail fastidieux, persuadé que son père, un petit pharmacien de quartier, a eu une vie « sans histoires ». Or, au fil des découvertes, se dessine le portrait d’un Don Quichotte original et aventureux.

Parti de son shtetl de Pologne, il arrive à Liège, à la fin des années vingt, pour étudier la pharmacie. Comme il ne parle pas français, il trouve le job idéal auprès d’un prestidigitateur à la recherche d’un « étranger » prêt à monter sur scène à chaque représentation pour confirmer au public que la femme à couper en deux est bien dans son écrin. C’est ainsi que commence la vie en Belgique de Monsieur Optimiste.

Pendant ce temps, Rebecca, sa future femme arrive de Vilnius à la fin des années trente. Lorsqu’elle rencontre Mr Optimiste dans une pharmacie de Bruxelles, c’est le coup de foudre. Ils se marient et aussitôt, la guerre éclate…

Sous couvert de divers patronymes, Mr Optimiste va surmonter bien des épreuves, de son voyage de noces sous les bombardements à Boulogne-sur-Mer, à une amitié imprudente avec un Allemand qui se révèle espion du iiie Reich. De la perte de sa soeur cadette dans le ghetto de Varsovie à la clandestinité. Il lui faudra aussi déployer beaucoup d’imagination pour échapper aux nazis ou, ensuite, à la Sûreté de l’État, à l’affût de ses amitiés communistes.

Mauvais juif [mais lecteur assidu de la Bible], sollicité par sa mère de revenir en Pologne mais tenté de vivre  en Israël tout en se montrant défenseur inconditionnel de son pays d’accueil, concocteur de remèdes magiques pour  hommes, femmes et pigeons. Voilà quelques-unes des facettes contradictoires de cet indéfectible optimiste.

À travers ce récit, tantôt burlesque, tantôt poignant et nostalgique, inspiré de la vie du père de l’auteur, c’est bien sûr l’Histoire du xxe siècle qui se dessine en filigranes mais c’est surtout pour l’auteur, une façon de tendre la main à ses origines et de cerner sa propre identité.

 

SUJET D’ACTUALITE

   Ce jour-là, le roi redeviendra sujet. Sujet, enfin ! Après tant d’années où il a été objet. Objet de culte ou de médisances, de critiques ou d’admiration, de harcèlement ou de rassemblement. Objet entre les mains des politiques et des medias. Chez nous, le roi ne règne pas. On règne sur lui.

Certains s’étonneront pourtant : pourquoi se prive-t-il des « privilèges » de sa fonction ? Vous appelez ça un privilège d’être le seul citoyen condamné au silence dans un pays où le sport national, avant le vélo et le ballon, est de se plaindre, de critiquer ou de se moquer, en tout cas de parler, de jacasser, de jacter, de discutailler, de jargonner, bref de l’ouvrir tout simplement ? Se taire, un privilège ? Dans un peuple de bavards, c’est plus lourd qu’un discours d’inauguration, plus lourd même qu’une couronne !

Au point qu’une fois, tout de même, le roi a fini par donner de la voix quand les politiques avaient perdu la leur. Heureusement que, dans le silence assourdissant, il a alors osé sortir de son mutisme ! Mais, la crise réglée, il est rentré dans le rang avant qu’on lui dise : « On la ferme, sire ! »

Transformé en sujet, le roi sera enfin souverain. Car, beaucoup l’oublient, ce n’est pas le chef de l’état mais le peuple qui est souverain, pour reprendre la jolie formule de la constitution de 1793, comme l’a souligné le roi lui-même dans son allocution.

Objet, il était muet. Sujet, il a droit au verbe. Et aux adjectifs, en veux-tu en voilà ! Ainsi qu’aux compléments, des compliments qu’il mérite assurément pour la superbe mission qu’il a accomplie depuis vingt ans.

Désormais, ce n’est plus seulement sur son yacht qu’il sera seul maître à bord après Dieu: c’est le sujet qui commande la phrase, mille sabords ! Lui qui décide du singulier comme du pluriel, du masculin et du féminin, qui accepte ou non de s’adjoindre une ou plusieurs subordonnées. Il peut ouvrir des parenthèses (il est sain de faire entrer l’R quand les D risquent d’être pipés), glisser des sous-entendus, ajouter des tas de mots, même gros, et les faire suivre de points d’exclamation en forme de coups de poing s’il en a envie (Attention ! Sujet méchant ! Le verbe meurt mais ne se rend pas !)

Le sujet est libre de sa langue, avec ou sans sous-titres. Et, sans sa majesté, il peut se montrer, comme n’importe quel citoyen, bon ou mauvais sujet.

Il pourra défiler librement, s’il en a envie. Faire un petit voyage à Liège, pour crier avec les supporters, sous les fenêtres du Standard : « Président ! Casse-toi ! » Ou à Anvers, pour chanter devant l’hôtel de ville « Vive la Belgique ! L’union fait la force ! » Ou, à la hollandaise : « Je maintiendrai ! »

Qu’il doit être agréable, après avoir été roi des Belges, de reprendre enfin de l’empire sur sa vie…

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