LE LIVRE DES RECORDS

 

  • Qu’est-ce que tu fais ?

  • Tais-toi, j’écris !

  • Sans ton téléphone ? Ca craint…

  • Je tiens la fortune, mon vieux ! Oublions l’euro-millions. Depuis le temps qu’on joue et qu’on se plante. Cette fois, c’est du dur.

  • Ce gribouillis, la fortune ?

  • Le jackpot maintenant, ce sont les livres ! Cette semaine, un Américain a acheté un manuscrit quatorze millions de dollars.

  • Quatorze millions de… ? En échange de quoi ? Des documents secrets de la CIA ? Les rapports d’écoute de la NSA ?

  • Il n’existe plus de documents secrets. Ils ont déjà été tous publiés et pour pas cher.

  • La version sexy secrète de Harry Potter que J.K. Rowling avait réservée à son mari comme cadeau d’anniversaire ?

  • Le sexe ? Pfff… Ca n’intéresse plus personne. La dernière mode, ce sont les psaumes. Malraux l’avait prédit : le vingt et unième siècle sera religieux ou ne sera pas, enfin quelque chose du genre…

  • J’y pense. Je dois pouvoir retrouver à la cave le vieux missel de ma tante, une affreuse bigote. Heureusement que je ne l’ai pas jeté. Si tu le veux, je te fais un prix…

  • Non, non. Laisse-moi rédiger une suite au livre des Psaumes.

  • D’un côté, un texte religieux fait sauter le casino. De l’autre, le pape François publie une encyclique où il dénonce l’idolâtrie de l’argent. Il y a de quoi perdre son latin…

  • Bon, je m’y remets.

  • Les Psaumes-Le Retour? J’hallucine !

  • Si les remakes et les sequels cartonnent sur le grand écran, je ne vois pas pourquoi ils n’emballeraient pas aussi les hit-parades des libraires. D’ailleurs, je prévois une édition téléchargeable. Rien n’est plus adapté aux technologies nouvelles que les psaumes, qui ne sont rien d’autre que du rap, version lamentations, supplications, pénitences. Quelques lignes de lamentos le matin dans le métro, ça vous requinque le moral pour la journée.

  • C’est vrai. Rien de plus réconfortant que les lamentations des autres.

  • Seule contrainte. Si les Hébreux n’avaient à l’époque besoin que d’une cinquantaine de pages, moi, j’ai de quoi remplir une dizaine de tomes rien qu’avec les gémissements des copains, des copines et de la radio.

  • « Pourquoi ces nations en tumulte et ces préoccupations dépourvues de sens parmi les peuples ? » Tout était déjà dans l’édition originale, version avant Jésus Christ.

  • Version moderne, j’entends plutôt dans ma cuisine au petit déjeuner : « Qui a chipé ma crème de jour ? », « Dois-je acheter chaque nouvelle console ? », « Pourquoi Ryan Air peut-il atterrir à Zaventem et la France sauter sur Bangui ? »

PS : Si les Psaumes ne sont pas votre tasse de thé, « Pourquoi ces nations en tumulte » est aussi le titre d’un merveilleux recueil de nouvelles de Flannery O’Connor, grand écrivain du sud des Etats-Unis (Gallimard), où il est plus question des hommes que des dieux.

 

 

 

NOIR, JAUNE ET AUTRES COULEURS

 Luc Trullemans, typhon électoral ? Les bleu-blanc-belge du parti dit populaire s’imaginent que l’ex-madame Irma de la météo va enfin rendre leur groupuscule visible.

Suffit-il d’avoir montré sa bouille sur le petit écran et de stigmatiser les « gens du sud habillés en tenues traditionnelles » pour mettre les électeurs dans sa poche ?

Depuis quelque temps, le respect des goûts et surtout des couleurs a passé de mode. Une ministre italienne se fait traiter de singe, la garde des sceaux française de guenon, y compris par des enfants, pendant que son collègue de l’Intérieur tente d’échapper au désamour de l’équipe gouvernementale dont il fait partie en dénonçant les Roms. Ils sont « en confrontation » avec les Français, dit-il, offrant généreusement d’aider « les Français contre ces populations. »

Dans ce tohu-bohu, on a du mal à retrouver le chemin de la civilisation. Marine Le Pen menace ceux qui la rangent à l’extrême droite et le nouveau leader bien aimé respecté du PP demande des indemnités parce qu’on l’aurait traité de raciste.

Faut-il se plonger dans les stades de football illuminés par les drapeaux noir-jaune-rouge pour retrouver la fraîcheur d’une fraternité cosmopolite ? Même si les diables rouges ont succombé aux démons jaunes, les supporters ont fêté les joueurs de toutes les couleurs. Façon de rappeler que notre étendard n’est pas blanc pur jus mais joyeusement coloré.

Les lois contre le racisme ne suffisent pas à endiguer la vague révulsive amplifiée par les réseaux sociaux. Pas plus que les leçons de morale et les efforts de beaucoup de profs.

Seul l’exemple donne le la. Laissons les grincheux hystériques plébisciter Trullemans parce qu’il annonce que l’hiver, la neige et les ouragans, c’est la faute à l’Afrique. Mieux vaut plonger dans les livres, les films, mais aussi les jardins ou les villes mélangées pour retrouver un peu de couleurs.

Au hasard, mêlez-vous aux vrais Indiens d’Amérique sous la plume de Louise Erdrich ou aux noirs du sud dans les polars de Kris Nelscott ou dans « 1275 âmes » de Jim Thompson (magnifiquement adapté au cinéma par Bertrand Tavernier sous le titre « Coup de Torchon »). La galère des Chinois est celle de tous les immigrants dans « Seuls le ciel et la terre », le roman déchirant de Brian Leung ou celle des Italiens dans le « Bandini » de John Fante. Dans les années cinquante déjà, la grande Doris Lessing (disparue cette semaine) témoignait des affrontements en Rhodésie dans « Le Carnet d’or ».

Parmi les innombrables films, retenez « My Beautiful Laundrette » de Stephen Frears sur le Londres tutti frutti d’aujourd’hui, « Bamboozled » de Spike Lee. Sans oublier « To be ou not be » de Lubitsch sur la chasse aux Juifs à Varsovie en 1940. Le racisme se dissout dans l’humour.

www.berenboom.com

MONSIEUR OPTIMISTE

Alain BERENBOOM présente son nouveau livre MONSIEUR OPTIMISTE

  • le mardi 5 novembre à 18h30 à la librairie Filigranes, avenue des Arts (Madou) à Bruxelles
  • le 14 novembre à 18h00 à Libris Agora à Louvain la Neuve, avec Dominique Costeáramos
  • le dimanche 17 novembre au salon du Livre d’Uccle, rue Rouge
  • le vendredi 22 novembre à 18h00 à la librairie Tapage, cours St-Michel 83, rue Père De Deken, Etterbeek, avec François De Smet
  • le 27 novembre au Foyer Culturel juif de Liège

EN RADIO:

  • le lundi 4 novembre de 9h10 à 9h45 sur la Première de la RTBF
  • le samedi 8 novembre (sur France Inter) ou le dimanche 9 novembre à 12h00 (sur la RTBF) dans La Librairie Francophone.
  • le samedi 16 septembre à 17 sur France Inter ou le dimanche 17 septembre à midi sur RTBF-La Première « La Librairie Francophone »

LA SEMAINE D’EOLE

  Mon livre préféré quand j’étais enfant racontait l’histoire des trois petits cochons. Signé de Walt Disney, on y voyait un grand méchant loup effrayant avec des yeux immenses et un museau de crocodile, d’où s’échappaient quelques gouttes de bave. Ce que j’aimais surtout – parce que c’était l’image qui m’effrayait le plus – c’était la scène où le grand méchant loup soufflait la baraque en paille et en bois des deux premiers petits cochons. Sur le point de passer à la casserole, ils échappaient de peu au loup dans la maison en brique construite par le troisième.

Les habitants des Philippines n’ont pas eu cette chance. En brique, en béton, en bambou ou en bois, tout a été emporté comme fétus de paille par un Eole en rage.

« Décampe! Tu reviens sous le courroux des dieux!” crie le dieu furieux à Ulysse rejeté sur le rivage de son île – sous la plume d’Homère.

Combien de dizaine de milliers de morts en quelques minutes ? On ne le saura jamais. Juste un solide coup de vent courant à la vitesse d’une BMW M6, pas plus. Entre temps, on discutait à Varsovie des mesures à prendre pour le réchauffement climatique, étant entendu que chacun exigeait que ce soit son voisin ou mieux encore, le voisin de son voisin qui prenne les mesures les plus difficiles pour empêcher les prochaines générations de devoir émigrer sur une autre planète lorsque l’atmosphère de la nôtre aura été soufflée comme jadis celle de Mars, tel le chapeau des Dupondt, emporté par le khamsin dans le désert au pays de l’Or noir. Le pétrole justement, source de la colère des dieux et de leur bronchite, dont on a dit qu’il a boosté la civilisation mais qui pourtant est en passe de la faire périr…

Je songeais au sort de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, de cette nation balayée pour des dizaines d’années en écoutant à la radio le reportage d’un envoyé spécial. Revenu sur antenne, le présentateur enchaîna sans transition avec la séparation de Jean Dujardin et de sa compagne. Interview, commentaire atterré de l’acteur. Le sujet prit le même temps que celui consacré au typhon, au dénuement des survivants, à l’impuissance des secours. Ce jour-là, le débat qui suivait le journal portait sur la légalité de l’arrestation d’un député régional, soupçonné de meurtre. Faut-il ou non lever son immunité parlementaire ? Voilà ce qui retenait tous les commentaires. Pas la victime, comme le relevait judicieusement Pierre Mertens. Les mortes, décidément, ici et là, seules ou en masse, n’ont pas de chance avec l’info. Faut faire sexy maintenant pour maintenir l’audience et la pub. Être dans le chaud, l’immédiat. C’est vrai que la mort, ce n’est pas très sexy, même celle de notre planète. Et surtout trop lent pour intéresser les auditeurs.

www.berenboom.com

AH ! QUE LA GUERRE EST JOLIE !

     Jadis à l’école, un de nos profs nous expliquait que, malgré quelques inconvénients, la guerre n’avait pas que des défauts.

Et d’énumérer les bienfaits de 14-18. Sans la première guerre mondiale, expliquait-il le doigt levé, jamais l’aviation n’aurait décollé. (Conseil à Ryan air : offrez le transport gratuit à tous les poilus : cette pub est sans risques.) La Pologne n’aurait pas été indépendante et le tsar régnerait toujours, comme l’injustice, sur la Russie.

Il ajoutait la liste des inventions nées de l’industrie militaire: fermeture éclair, émaux de couleurs pour vernis à ongles, taxis de la Marne, sans compter les avancées de la médecine : chirurgie d’amputation, transfusions de corps à corps, j’en passe et des plus appétissantes.

Mais le plus important, soulignait-il, 1918 n’a pas été la victoire des alliés mais celle des femmes. Grâce à la guerre, elles ont coupé leurs cheveux, remonté leurs jupes, regardé les hommes dans les yeux et dansé le charleston. Pour le droit de vote, il leur a fallu une guerre de plus.

Maintenant qu’il ne reste plus un seul ancien combattant pour souffler les cent bougies ou ranimer celle du soldat inconnu, pas un pour raconter le bon temps des veillées dans les tranchées, au milieu du sang, de l’odeur et de la boue, que reste-t-il de cette foutue guerre ?

Contrairement à la légende, l’histoire des hommes ne sert pas de leçon à leurs successeurs. A la guerre ont succédé les guerres. Et le siècle qui s’est ouvert à Sarajevo par deux coups de pistolet (fabriqués, paraît-il, à Herstal) s’est terminé sous la mitraille des snipers dans les mêmes rues de Sarajevo.

Reste tout de même un héritage de la der’ des der’, un seul, les oeuvres magnifiques qu’elle a inspirées et qui peuplent pour toujours notre imaginaire. Au hasard de mes souvenirs (et pardon pour tous mes oublis), des dessinateurs (Tardi), des cinéastes (« Les Sentiers de la Gloire » de Kubrick, « La Grande Illusion » de Renoir, « La Victoire en chantant » de Jean-Jacques Annaud ou le magnifique « Maudite soit la guerre ! » film belge de 1913 d’Alfred Machin, qui anticipe le conflit). Des chansons (Merci à Brassens !) ou du théâtre (« Ah Dieu ! Que la guerre est jolie ! » de Joan Littlewood). Et surtout des tas de merveilleux romans. On va relire évidemment « A l’ouest, rien de nouveau » de E.M. Remarque, « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust (avec ses beaux portraits des planqués) ou les « Thibault » de Roger Martin du Gard et « Johnny s’en va en guerre » de Dalton Trumbo (qu’il a lui-même adapté au cinéma). Mais, ne passez pas à côté du « Prophète au manteau vert » (qui se passe à la frontière russo-turque), signé du plus merveilleux raconteur d’histoires de l’époque, John Buchan.

Mille ans de plaisir…

www.berenboom.com

MIEUX VAUT PERE FOUETTARD QUE JAMAIS

On appelle ça une crise d’autorité. La méfiance des Français à l’égard de leur président est à l’image de celle de beaucoup de citoyens européens à l’égard de leurs dirigeants.

Quel est le principal reproche des Français à François Hollande ? Sa volonté de rechercher le consensus, qualifiée de mollesse et d’incapacité à décider. Leur modèle de chef, c’est un type qui tape sur la table, qui crie « je veux » devant les caméras, qui vitupère devant les petits caïds des quartiers sensibles et qui s’oppose violemment à « Bruxelles ». Comme aucun de ses adversaires de la droite démocratique ne leur paraît non plus capable d’endosser le costume de guide musclé de la nation, ils plébiscitent Marine Le Penn. C’est vrai que dans l’opposition, les Français cherchent vainement un clone de Nicolas Sarkozy, époque Kärscher. Ni François Fillon qui a fermé sa gueule devant toutes les outrances de son boss pendant cinq ans, ni Jean-François Coppée, éternel second couteau des séries d’avant soirée, ni Nathalie Kosciusko-Morizet qui semble une personne plus déplacée en dehors de Neuilly qu’une famille Rom et que la police de Manuel Valls risque d’expulser du territoire par mégarde.

Durant le règne de Sarkozy, les Français ont pourtant vu les résultats d’une politique soi-disant musclée. Mais, quelques mois plus tard, le moment de lucidité passé, ils sont à nouveau persuadés que seuls un homme ou mieux une femme providentiels va les sortir de la mélasse.

A leurs yeux, Marine n’est plus la fifille de Jean-Marie Le Penn, la descendante de la France de Pétain et des tortionnaires d’Algérie, mais une nouvelle Margaret Thatcher. Qu’ils demandent donc aux Anglais ce qui restait de la Grande Bretagne quand la dame de fer a commencé à rouiller.

Ce mythe qu’on vivra heureux, protégé par la ligne Maginot, a décidément la vie dure. C’est aussi l’illusion que vend la N-VA avec son nouveau-vieux programme. Est-ce vraiment un hasard si le fifils de Bart De Wever, le petit Jan Jambon, a lui aussi fricoté avec les nostalgiques de l’extrême droite ?

C’est dans cette atmosphère qu’a surgi la polémique sur le père Fouettard. Aussi, je pose la question : qui veut la peau du méchant dans le couple Saint Nicolas ? Est-ce un contre-feu maladroit allumé par les amis de Hollande et tous ceux qui s’inquiètent de la résistible ascension des boss gonflés aux hormones ? C’est une erreur politique – une de plus. Le duo Saint Nicolas-père Fouettard est exactement ce qu’attendent les enfants et surtout leurs parents, la promesse de cadeaux d’un côté et la certitude d’une solide raclée de l’autre. Hollande ne survivrait pas sans Vals (Royal aurait aussi fait l’affaire). De Wever sans Siegfried Bracke.

www.berenboom.com

HISTOIRE DE PETITES CULOTTES

  Je le promets, je ne me moquerai plus jamais des nouvelles technologies. Jusqu’ici, j’étais l’un de ces beaux esprits qui se gaussent des geeks et autres agités de la tablette. Je m’offusquais des systèmes d’écoute d’Internet. Et je n’avais que mépris pour ceux qui attendent avec impatience l’arrivée de la photocopieuse 3-D qui crachera en quelques instants le clone de votre dentier, de votre belle-mère ou une nouvelle petite culotte.

Justement, c’est une histoire de petite culotte qui a ébranlé mes convictions.

Dans une petite ville de Poitou-Charentes (la région de Ségolène Royal; n’y voyez aucun lien), des habitants se plaignaient depuis plusieurs mois de la présence d’un voleur de petites culottes. L’homme dérobait impunément les dessous féminins qui séchaient dans les jardins du coin sans que la police ne réussisse à l’appréhender.

Devant cette nouvelle preuve de la défaillance des autorités au pays de Hollande-Royal, une famille a pris les choses en mains (si j’ose dire). Elle a acheté une webcam dernier cri, installé des mini caméras soigneusement dissimulées dans le jardin, reliées à un écran de contrôle. Cet écran était surveillé en permanence par le chef de famille et ses deux fils, qui se succédaient comme (jadis) chez Arcelor-Mittal, en équipe trois fois huit heures.

Et bingo ! Le malfrat a été surpris par le matériel sophistiqué une nuit en pleine action. Aussitôt, le père et ses deux fils se sont précipités sur le malandrin qu’ils ont ligoté avec une bonne vieille corde avant de prévenir les argousins, arrivés peu après la queue entre les jambes. En les attendant, ils ont photographié la scène avec leur portable, un pied sur le corps du délinquant couché dans l’herbe pendant que les petites culottes s’échappaient de ses poches.

Bien sûr, ce matériel, webcam, caméras, écrans de contrôle, cette veille pendant des jours et des nuits, tout cela peut sembler disproportionné avec le préjudice, le vol de quelques dizaines de petites culottes. Mais, toute l’histoire de l’humanité ne s’est-elle pas construite ainsi : petites causes-grands effets ? Que se rappelle-t-on de Christophe Colomb ? Qu’il a trouvé le moyen de faire tenir un œuf droit sur la table. La découverte de l’Amérique ? L’honneur en est revenu à Amerigo Vespucci. Et de Mitterrand ? Une fille cachée et d’obscures relations nouées pendant la guerre.

Le ramassage scolaire par les flics français d’une seule petite fille Rom risque de balayer les socialistes français quel que soit l’état de la courbe du chômage. L’impuissance ou la pusillanimité des partis de notre majorité fédérale devant les petites affaires de Didier Bellens et celles de Tecteo peuvent balayer tout le travail réalisé par le gouvernement Di Rupo.

www.berenboom.com

RENCONTRER ALAIN BERENBOOM

_ le mardi 21 octobre à 18 h30 avec Monique Toussaint, à la librairie Chapitre XII au 12, avenue des Klauwaerts (étangs d’XL)

_ le jeudi 24 octobre à 20h30 au CCLJ, au 52, rue de l’hôtel des monnaies 1060 St-Gilles en compagnie d’Eric Hollander

_ le mardi 5 novembre à 18h15 à la Librairie Filigranes, 39 avenue des Arts

_ le jeudi 14 novembre à 18h00 à la librairie Libris, à Louvain-la-Neuve en compagnie de Dominique Costermans

 

CINEMA BELGE

Existe-t-il encore un cinéma belge ? Les Palmes d’or des frères Dardenne ont imposé au monde entier le cinéma wallon. Et le succès hollywoodien de Rundskop et de Loft consacré le cinéma flamand, des productions qui font courir les foules dans le nord du pays. Jan Verheyen et Erik Van Looy y sont des stars aussi célèbres que Spielberg tout en restant de parfaits inconnus à Bruxelles et à Liège.

La littérature subit le même sort. Qui connait au sud les romans flamands depuis « Le Chagrin des Belges » (le bien nommé) d’Hugo Claus (publié il y a plus de trente ans) et au nord les écrivains du sud depuis « Une paix royale » de Pierre Mertens ? Or, dans leur région, beaucoup d’écrivains sont en tête des hit-parades.

La Belgique a commencé de pourrir par la tête. Par sa culture. Magritte, Hergé ou Brel sont les derniers artistes « nationaux ». Ils sont morts depuis longtemps. Depuis, il faut être flamand ou francophone (sinon wallon).

On croyait le mouvement irréversible. C’était mal connaître l’activisme de notre gouvernement qui a compris que la seule façon de survivre aux prochaines élections était de renverser la vapeur. Les Diables rouges ont fait chanter à des foules immenses la Brabançonne dans les deux langues et ressortir ce drapeau tricolore que l’on croyait définitivement mangé des mites (et des mythes). Stromae qui peut se proclamer (comme moi) Belge de souche, n’ayant d’origine ni au nord ni au sud du pays a remis une couche de noir, jaune, rouge. Et voilà que nos services de police ont parachevé le travail. Et rétabli l’honneur du cinéma national.

Rappelons l’histoire, manifestement inspirée à nos Dupond-Dupont par le film Argo (dont le scénario racontait une histoire véridique, le sauvetage de diplomates américains en Iran au moment de la prise d’otages de l’ambassade des USA à Téhéran).

Deux pirates somaliens ont été capturés à leur arrivée à Zaventem, attirés en Belgique par la perspective de signer un contrat avec des cinéastes belges (belges, je le souligne) qui leur avaient fait miroiter une participation à un film dans lequel ils se proposaient de reconstituer leurs exploits. Les cinéastes étaient des policiers déguisés et le script, un piège.

Tenant compte des moyens dont disposent nos productions, on comprend que les Somaliens se sont laissés convaincre que la scène d’arraisonnement d’un bateau belge dans les eaux somaliennes ne pouvait être reconstitué que sur le canal de Willebroek, avec leur aide comme consultants.

Les Somaliens sont en prison et les flics-cinéastes font la fête. Reste un immense regret. Ce qui aurait pu contribuer à remettre en selle la culture belge est resté dans les cartons. Le seul film belge du XXI ème siècle n’était qu’une illusion, un leurre.

 

www.berenboom.com