NE MELENCHON PAS LES PINCEAUX

Il y a eu jadis Bernard Tapie, Jean-Pierre Chevènement et quelques autres hérauts aussi oubliés qui, le temps d’une campagne, ont soulevé le cœur des « travailleurs-travailleuses » de France et de leurs camarades. Les déçus, les aigris, les rêveurs du grand soir, les amoureux des mots qui résonnent, qui claquent, qui serrent la gorge, qui font venir les larmes aux fans de meetings parce qu’ils ont eu l’impression ce soir-là d’avoir construit des barricades, changé le monde et refait la Commune.

Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fê-ête…

Cette fois, c’est Mélenchon, le pur et dur, qui porte haut le rouge qui tache. Sa voix a le son râpeux et triomphant de la trompette d’Amstrong même si on l’imagine mal, hélas, se mettre au scat en repoussant les feuilles de son discours. Il ferait bien pourtant car si sa musique est inspirée, ses paroles rappellent plus les strophes ampoulées de Déroulède que les pensées de Jaurès, l’icône de la gauche française, celui que Trotski appelait « l’athlète de l’idée ».

Qu’est-ce qui fait le succès de Mélenchon ? D’avoir été ministre de Jospin ? D’être grand officier de l’ordre national du mérite argentin ? D’être le premier socialiste depuis le congrès de Tours en décembre 1920, qui avait consacré la scission de la gauche française en deux mouvements ennemis à porter les couleurs communistes ?

Non, tout ça n’a plus aucune importance. L’histoire n’intéresse plus personne ; elle s’oublie au fur et à mesure que se remplit ce grand waterzooi qu’est internet.

Ce qui fait le succès de Mélenchon, c’est de dire non à tout : à l’Europe, à l’austérité, à Sarkozy fatigué de gouverner n’importe comment et à Hollande qui a l’air de gouverner depuis cent ans.

Mais, pendant que résonnent les mâles discours, une à une, ferment les usines. Et à quoi ressemblent les boulots qui restent ? Colleurs d’affiches, chauffeur de meetings, peintres d’affiches électorales, des jobs aussi éphémères que les lendemains qui chantent chez Mélanchon.

Que la gauche soit dure ou molle, rigoureuse ou laxiste ou même laxative, elle ferait bien de s’aviser que son fond de commerce a disparu avec une partie de l’économie occidentale. Dans un discours qui a précipité sa chute, Lionel Jospin avait lâché : « l’état ne peut pas tout » lors de la fermeture d’une usine Michelin. Grave erreur : l’état ne peut pas empêcher un propriétaire de bazarder son entreprise mais il peut réfléchir à une autre politique de l’emploi, à une autre économie, et surtout réformer et renforcer l’enseignement.

Car il est bien court, le temps des cerises
Où l’on s’en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles…

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