MIEUX VAUT ÊTRE ACTIONNAIRE D’INBEV

chronique
Mieux vaut être actionnaire d’Inbev que poulet de Bresse. Deux bonnes nouvelles sont tombées pour les petits épargnants qui ont investi dans les-hommes-savent-pourquoi: d’abord, les bénéfices de la société ont explosé comme des pétards au carnaval de Rio depuis qu’Inbev a avalé une société brésilienne. Et surtout, les papelards de la société seront désormais libellés en magyar.
Il n’y a que les travailleurs de Jupille qui se plaignent. Comme toujours. Jamais contents, ces gens-là ! On les avait pourtant avertis depuis des années : apprenez les langues ! Mais, non. Fiers de parler nos idiomes locaux, de vérifier la consommation de la Leffe en flamand, de la Jupiler en français et de compter les bacs de bière en chiffres arabes, ils ont oublié que le monde a changé. Faute d’avoir pris modèle sur les petits Chinois et les plombiers polonais, les Wallons vont une fois de plus se faire dépasser, écraser.
Pas tous les Wallons, remarquez. Il y en a qui réussissent et qu’on appelle les pâârvenus (ce qui veut dire qu’ils sont parvenus à tirer de l’argent à la région wallonne). Monsieur Ecclestone, par exemple, symbole du p’tit Wallon qui monte. Je ne peux même plus vous dire combien il a réussi à faire cracher au gouvernement cette semaine, le chiffre change si vite que j’en ai le tournis. Cent mille euros de supplément chaque fois qu’on découvre un nouveau trou dans le macadam du circuit de Francorchamps, ça fait beaucoup de zéros. Et il y en a des trous; des petits trous, toujours des petits trous. Ce n’est plus un circuit, c’est un fromage de Hollande…
Que cette nouvelle mésaventure nous serve de leçon : il faut s’adapter au monde d’aujourd’hui et s’abonner toutes affaires cessantes à Assimil (un bon investissement pour les petits épargnants qui ne savent pas quoi faire de leurs dividendes d’Inbev): les sidérurgistes ont intérêt à se mettre à l’hindî (à moins que ce ne soit au rajasthani), les professionnels de l’immobilier au suédois et au finlandais et les vendeurs de voitures au chinois, après avoir péniblement assimilé les rudiments de japonais et de coréen.
Le plus amusant, c’est que les gaziers de Zeebrugge, eux, vont devoir apprendre le français si la fusion de Suez avec Gaz de France se confirme. Où va la Belgique ? Devoir parler français en Flandre et hindî en Wallonie… En quelle langue le roi nous adressera ses prochains vieux de Noël ? Les paris sont ouverts.

Alain Berenboom

P.S. : Courez voir Congo River. En remontant le fleuve Congo, Thierry Michel révèle, en images somptueuses, la misère, la détresse, l’inhumanité d’un pays cassé mais aussi l’humour et la solidarité de gens qui n’ont rien mais qui ont quelques leçons d’humanité à donner à des gens qui ont tout

Paru dans LE SOIR