LE PROCES-VERBAL (EXTRAITS)

Didjé – Je jure que je n’ai jamais téléphoné à un juge de ma vie. Vous me confondez avec Anne-Marie Lizin.
Juge 1 – J’ai pas dit que Didjé m’a téléphoné. J’ai dit que des indices sérieux de présomption me font suspecter que quelqu’un a peut-être…
Yveke – En tout cas, c’est pas moi !
Jo- Moi, j’ai reçu un coup de fil de Yveke qui me disait comme ça que Didjé avait reçu un appel de son collaborateur qui a été informé par l’avocat qui avait parlé au procureur, lequel a signalé que le juge s’était levé de mauvaise humeur et que c’était peut-être pas le jour qu’il prononce son jugement. Mais que le bâtonnier lui a interdit de le confirmer.
Didjé – Mon collaborateur s’est juste contenté de prendre des nouvelles. Dans notre métier, on passe son temps à prendre des nouvelles des gens. Vous n’imaginez pas le nombre de fois qu’on dit « et vous, ça va ? » dans une journée.
Yveke : ça, c’est vrai. Quand j’étais à l’hôpital, ils sont tous venus proposer de me remplacer. Tant d’attention, ça m’a vite remis sur pied.
Juge 2. – Mes collègues sont aussi venus me rendre visite quand je suis tombée malade juste pendant la délibération sur le jugement. Il y en a même un qui est entré par la cheminée, déguisé en père Noël et qui m’a dit : tiens signe ici, c’est juste une carte de vœux pour le président de la cour.
Juge 1 – Elle n’était même pas malade. Juste un peu de dépression.
Juge 2 – Si vous travailliez au palais, vous feriez aussi de la dépression ; et pas un peu !
Didjé – On voit que vous n’avez jamais pointé le nez dans le milieu politique. Moi qui n’ai qu’un plaisir dans la vie, passer la soirée avec un bon livre au fond de mon canapé, je suis obligé de souper avec mes « amis », Gérard et Olivier, pour préparer le petit déjeuner avec mes « alliés », Elio, Joëlleke, Herman et les autres avant d’aller me geler au football puis serrer la main des ouvriers d’usines dont je sais qu’elles vont fermer à la fin du mois, en leur disant avec un beau sourire « tout va bien » ! En rentrant au cabinet, je me fais engueuler par mes collègues étrangers parce que les banques belges entraînent celles de leurs pays dans la déroute et que l’euro s’enfonce à cause de notre dette publique.
L’huissier : – Monsieur le président, la planète vient de basculer sur son axe, les Etats-Unis ont fait aveu de faillite et la Chine a envahi la Russie.
Le Président (en rage) : – Tout est donc prétexte ici pour tenter de freiner le vrai débat, le seul qui intéresse nos citoyens: avez-vous ou non téléphoné au juge qui… ?

Alain Berenboom
www.berenboom.com