L’ENCHERE EST TRISTE, HELAS !

La mode, cette année, est de vendre sur internet les cadeaux que le père Noël vient de glisser sous le sapin. Les sites de ventes aux enchères croulent, paraît-il, sous les piles de DVD, i-pods et autres babioles même pas déballées. A première vue, le geste semble choquant : à peine reçus, tout de suite jetés. Mais, pourquoi faire preuve de sentimentalisme ? A quoi bon s’encombrer de gadgets dont on ne se souviendra plus dans quelques mois de celle qui a eu l’idée saugrenue de nous les donner ? Depuis trop longtemps, nous vivons entourés de chères vieilles choses dont nous n’avons jamais eu le courage de nous débarrasser et que nous continuons d’entretenir alors que la vie devient de plus en plus coûteuse. Négligence, pudeur, conservatisme, attachement irrationnel, peu importe nos raisons. Les temps changent. Passons à l’ère des enchères ! Vendre, acheter, revendre sans état d’âme. Soyons réalistes, comme le reste de la planète. A l’image de nos dirigeants éclairés qui se sont mis eux aussi à jeter allégrement tout ce que nous avons stupidement financé pendant trop d’années : poste, réseaux téléphoniques, compagnies d’électricité, tous vendus au plus offrant. Bon débarras ! Pourvu qu’ils ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Tant d’autres poids morts nous pèsent inutilement : écoles, universités, hôpitaux, S.N.C.B., sécurité sociale, autoroutes, habitations sociales, circuits automobiles. A quoi bon tous ces gouffres financiers ? Aux enchères ! Et vite ! Avant nos voisins ! Ce n’est pas tout : une fois les bijoux de famille bazardés, il nous restera encore quelques fonds de tiroir à nettoyer: parlements et gouvernements régionaux et communautaires, conseils d’administration des intercommunales, tribunaux, ministères désormais inutiles. Si personne n’en veut, on pourra toujours les donner en prime à celui qui achètera la R.T.B.F., nos plages et nos musées.
Reste évidemment à se mettre d’accord sur la réutilisation de l’argent ainsi récolté. Des lots pour les prochains tirages de la Loterie nationale (si elle n’a pas été vendue entre temps) ? Des statues à la gloire de nos dirigeants éclairés pour rendre les parcs plus rigolos (s’ils n’ont pas été transformés en champs d’O.G.M.) ? Nous pourrions aussi nous lancer à notre tour dans les enchères : acheter la poste danoise, les H.L.M. français, les plages italiennes et les hôpitaux congolais.
Une sacrée année commence; on va bien s’amuser !

Alain Berenboom

Paru dans LE SOIR

PS : ce billet est dédié en guise de cadeau de fin d’années aux infirmières, instituteurs, chauffeurs de bus, de trains et de trams, aux facteurs et aux autres super-héros de notre temps qui nous permettent de rester plus ou moins civilisés.