FATWA AWARDS

Une mauvaise vidéo sur You Tube à propos du prophète et c’est la castagne ? Depuis quand les gens manifestent-ils devant la médiocrité ? A-t-on vu des foules en colère lors de la sortie du nouveau disque de Céline Dion, du dernier film de Terence Malick, d’un roman de Michel Houellebecq ?

A-t-on cassé les vitres du 10 Downing Street lorsque, honte sur eux !, les producteurs de James Bond avaient osé remplacer le génial Sean Connery par le fade Roger Moore avant de confier le rôle de l’agent 007 à Daniel Craig, avec sa gueule de caricature de garde du corps de Vladimir Poutine ?

Normalement, c’est une œuvre de qualité, un coup de génie, qui suscite la haine et la violence des imbéciles. Pas la bêtise.

Profitant du désordre actuel dans le monde musulman et de la fureur anti-occidentale des barbus de tout poil, les dirigeants iraniens relancent la fatwa contre Salman Rushdie. Bravo ! Bien vu ! L’auteur des Enfants de Minuit, voilà le vrai danger ! Avec un écrivain de cette qualité, des citoyens décervelés peuvent en effet retrouver la vraie foi, celle de l’intelligence. Faire tomber le voile. C’est ce que l’iman Khomeiny, manifestement un excellent lecteur, avait compris en son temps. Et ses successeurs aujourd’hui, qui remettent le couvert. Oui, un livre peut changer le monde. Bien plus qu’un groupe de pauvres types en train de hurler et de lancer des cailloux. Plus même qu’un commando d’assassins. Ou une bombe islamique. Les dirigeants iraniens se gardent bien de lancer une fatwa contre Bashar el-Assad. A quoi bon ? Les discours du dictateur syrien n’ont jamais éveillé personne. Rushdie, si. Son propos est autrement pertinent, atomique, déstabilisateur.

En revanche, on ne comprend pas très bien pourquoi descendre dans la rue et faire une telle pub pour un vidéaste amateur dont le film est tellement calamiteux qu’il ne mérite même pas de figurer aux Razzie Awards. Qu’ils regardent le film avant de le lapider. Comment peut-on prendre au sérieux son réalisateur, le seul Egyptien de l’histoire qui a jamais tenté de se faire passer pour Israélien ?

Qu’on dénonce aussi le producteur de ce consternant navet, d’accord. Mais pourquoi le gouvernement américain ? Il faudrait peut-être expliquer aux foules de cinéphiles en colère qu’à la différence de la Communauté française de Belgique, le gouvernement américain ne finance pas son cinéma. Il n’a aucune responsabilité dans la fabrication de ce film ni dans sa diffusion. Pas plus qu’il n’est responsable de ses écrivains géniaux, comme John Updike qui écrivit il y a quelques années « Terroriste » (édition Le Seuil) où il expliquait par le menu comment se fabrique un terroriste. A lire avec ou sans barbe…

 

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