C’AURAIT PU ÊTRE PIRE

Dès potron minet, c’est l’apocalypse. Crise, crise, crise. Comment trouver le courage de se lever, de se laver et d’aller au boulot quand on en a un ? Vous et moi, on est des super-héros. Vous, en tout cas. Car moi, à partir de ce matin, c’est fini ! J’ai décidé de rester couché, d’écouter Fats Waller, le plus joyeux jazzman des années trente et de regarder quelques DVD des Marx Brothers, le meilleur de la musique et du cinéma produits par la crise précédente, de quoi me rassurer sur notre capacité à survivre. En songeant avec nostalgie aux catastrophes qu’on a évitées si cette fameuse crise avait commencé au début de l’année, plutôt qu’à la fin.
Tenez, le prix du pétrole. Chez les écolos, c’était la fête avec la flambée des prix. Ils voyaient déjà la ville sans auto, les camions vingt tonnes à pédales, avec une centaine de cyclistes dans la cabine pour monter la côte du Jardin botanique ou celle de l’Altitude 100, et les usines chauffées au vent du nord. Las ! Le baril qui avait atteint les prix de chez Cartier est à nouveau en vente chez Lidl. Et les conducteurs fantômes peuvent repartir joyeusement au volant de leurs bolides, à l’assaut de nos autoroutes.
A propos de conducteurs fantômes, que dire de l’année d’Yves Leterme ? D’accord, il a cogné tout ce qu’il pouvait, défoncé les barrières et ravagé tout sur son passage. Un mort parmi ses passagers et tous les autres grièvement blessés à la tête. Mais c’aurait pu être pire. Le pays aurait pu être dirigé par Jean-Claude Van Cauwenberghe et, cet hiver, il n’y aurait plus une installation de chauffage dans les bâtiments publics : ses ministres les auraient déménagées dans leurs maisons de campagne quelque part au sud. Ou par Frank Vandenbroucke, l’ancien président des socialistes flamands qui avait voulu brûler les billets de banque qui traînaient bêtement dans le coffre de son parti. Evidemment, avec lui aux commandes, le gouvernement ne serait pas enlisé dans cet invraisemblable imbroglio judiciaire Fortis : il aurait immédiatement fait flamber les actions et le pognon de BNP, ce qui aurait coupé court à ces sordides discussions de marchands de tapis entre actionnaires, façon cousins cupides qui se partagent l’héritage de la vieille tante.
On aurait aussi pu hériter d’un gouvernement d’union nationale composé uniquement de «sages » dinosaures, présidé par Pierre Harmel, flanqué de Willy De Clercq et de Guy Spitaels. Au secours !
Certains rêvaient de Paris comme capitale de la Wallonie. Mais, imaginez le cauchemar. Nos provinces annexées, une banque française avalant immédiatement la principale banque belge, notre compagnie pétrolière, Petrofina, naturalisée française et notre principal fournisseur d’électricité, Electrabel, aux mains d’un holding français. Quoi, c’est fait ? Quoi, c’est fait ? A l’extrême droite, le toujours jeune Jean-Marie Le Penn serait député wallon en lieu et place des petits nazillons du F.N. belge. Et Elio di Rupo remplacé par le duo tellement plus à gauche et plus solidaire, Ségolène Royal-Martine Aubry. Sûr que les camarades gagneraient au change… Mais, bon, on entendrait Carla Bruni susurrer, au saut du lit, au lieu de Didier Reynders…
Quoi qu’il arrive, pourquoi s’en faire? La crise est finie, c’est promis. Ils vous le jurent tous, la bouche en cœur : dès juin 2009, on rasera gratis. Ce qui ne réjouira pas que les barbus.

Alain Berenboom
www.berenboom.com